lundi 27 novembre 2017

petites nouvelles à début et fin imposés

Ce matin, le facteur a sonné à ma porte, c'est fréquent ces derniers mois, j'ai éteint ma cigarette, j'ai ouvert, il fallait une signature, une preuve de la distribution. La porte refermée, j'ai ouvert la missive, une menace de coupure d'électricité, encore une facture impayée. ce genre de courrier s'entasse dans un pot sur ma cheminée, ils sont tous signés, comme si une griffe allait changer quelque chose.Ma signature en bas d'un chèque peut être mais la banque me la supprimé, je suis interdit de chéquier, normal mon compte n'est plus approvisionné depuis des mois, je ne travaille pas. Je vais sans doute être expulsé de mon petit chez moi, au printemps, cela me laisse un peu de temps. J'allais m'affaler sur mon divan quand j'ai entendu le pas du facteur dans l' escalier, il a dû oublier une lettre d'huissier qui m'était destinée. Je l'ai laissé sonner, je n'ai pas insisté, je connaissais la suite.


Chaque fois que j'appelais chez elle, je tombais sur le répondeur,"Qu'est ce qu'elle pouvait bien faire?"Elle ne se doutait pas que tout le monde la cherchait et s'inquiétait, elle était de santé fragile et son entourage avait peur , surtout sa mère, elle se lamentait:"Ma petite, que lui arrive -t-il? Appelle la, toi, elle te répondra." Mais rien, puis c'était le tour du frère, de l'oncle, d'une amie, d'un collègue, le soucis envahissait toutes ses connaissances qui finissaient par me harceler." Appelle la toi, elle te répondra". J'allais me rendre à son domicile, quand je fus saisi par les pompiers, installé dans une ambulance et transporté aux urgences. "J'ai du me tromper de numéro, il faut dire qu'avec tous ces loups autour, je n'avais plus toute ma tête"

Elle dit des choses graves qui normalement devraient me démolir."Je t'aime plus, je vais partir, tu comprends, je vais partir de la maison, j'en ai assez de tous ces travaux commencés et jamais terminés, de ton odeur de tabac dans toutes les pièces, de ton linge sale que tu laisses trainer, de ces auréoles de sueur sur tes chemises, même ton déodorant m'insupporte sans parler de ton incapacité à réparer les fuites d'eau et l'électricité. Je pars ou je saute par la fenêtre".
Elle ne se fera de mal , on est de plein pied, je la laisse vociférer à l'intérieur, moi , je suis un homme du dehors.Si elle saute, elle atterrira sur la pelouse, je la cueillerai, je pense alors à l'herbe qui pousse et à la tondeuse qui m'attend.  

jeudi 23 novembre 2017

Années 50


Quand le téléviseur tombait en panne on faisait venir l'électricien. Il donnait un grand coup du plat de la main sur le dessus de l'appareil, et ça marchait. Mais on n'a jamais osé porter le coup nous-même.

On dormait tous dans la même chambre, parents, enfants. J'attendais toujours que ma mère soit couchée pour m'endormir, alors seulement elle éteignait la radio que j'avais écoutée passionnément, y compris le tirage du Loto.

Parfois il  neigeait un peu, notre étroit jardin blotti entre quatre murs de ciment devenait somptueux.

Le poêle à charbon fumait, il tirait mal. Ça déposait une très fine poussière noire sur le carrelage. Tous les matins ma mère passait la serpillère mouillée, à quatre pattes, avec ses mains. Elle disait qu'elle voyait mieux ce qu'elle faisait.

On portait tous des socquettes en laine tricotées maison, même ma mère, même en robe.

Les filles ne portaient pas de pantalons, c'était interdit à l'école, sauf s'il gelait, mais à condition de mettre une jupe par dessus; la plupart d'entre nous préférait se passer de pantalon.

J'étais fascinée quand mon oncle embrassait sa jeune épouse à pleine bouche devant toute la famille. Mes parents ne faisaient pas ça en public.

Aux carrefours un agent de police réglait la circulation à l'aide d'un bâton blanc, debout sur un plot, au milieu de la place. Bâton levé on devait s'arrêter, bâton horizontal on pouvait traverser. Je n'ai jamais pu savoir comment il faisait la nuit, je ne sortais jamais la nuit.

On faisait bouillir le linge dans une lessiveuse sur la cuisinière. Ça dégageait une telle vapeur qu'on ne voyait plus rien par la fenêtre.

Parfois dans la rue passait un fiacre tiré par un cheval. C'était rare, beaucoup plus beau que les automobiles.

samedi 18 novembre 2017

Une vieille compagne

Je ne prends jamais le temps de te regarder, ma petite éponge à vaisselle. Je ne pense jamais à toi, je n'ai jamais rêvé de toi la nuit, et pourtant, quand j'y songe, comment ferais-je sans toi?
Je te choisis machinalement dans le rayon du supermarché, toujours la même, depuis cinquante ans: éponge jaune d'un côté, grattoir vert de l'autre, Spontex, si possible. Cinquante ans de fidélité. Je te méprise pourtant, et il faut bien cet atelier d'écriture pour que je fasse attention à toi. Tu es l'un des objets que je saisis le plus souvent dans une journée: pour essuyer la table, ôter les miettes du petit déjeuner, rincer le bol, vite, un coup d'éponge. Je te vois, là, ce soir, et je te sens dans ma main. Je t'attrape, te plonge sous un filet d'eau, froide ou chaude selon l'instant, te presse pour garder juste l'humidité nécessaire, et hop, un coup d'éponge et la saleté s'en va.
Au fait, c'est agréable, ce petit geste, te comprimer, refermer mes doigts sur toi, sentir ton volume, ta consistance. Les muscles de ma main droite te doivent certainement un peu de leur vigueur, ceux de la main gauche aussi car tu es bien l'objet facile à utiliser avec une main comme avec l'autre, pas besoin d'une grande habileté.
Tu es douce, chaude quand j'ai froid, froide quand j'ai chaud.
Neuve, à peine sortie de ton emballage transparent, tes couleurs sont vives, ta forme parallélépipédique parfaite. Et puis au fil des journées et des vaisselles tu deviens grise, tu t'effiloches, le vert se détache du jaune, et quand vraiment tu n'en peux plus, que même ton toucher n'est plus agréable, hop, à la poubelle, sans un regret, sans un au revoir, et à la suivante, la même, ta sœur.
Combien en ai-je serré, dans mes mains, des petites Spontex, depuis cinquante ans que je fais la vaisselle tous les jours ?
J'ai bien essayé de t'être infidèle, j'ai utilisé un lave-vaisselle puis un autre, mais avec eux je n'ai pas de chance, ils tombent vite en panne, et coûtent fort cher, et font du bruit, même les plus silencieux. Et puis, allez essuyer la table ou enlever une tache avec un lave-vaisselle ! Tu restes indispensable.
Alors ce soir, quand je vais rentrer, après dîner, avant de te mouiller, de te presser, de te poser à ta place sur l'évier, je te regarderai un instant d'un autre œil, juste pour le plaisir.

jeudi 16 novembre 2017

Un jour après l'autre


Dans sa rue, il déambule, il n'a jamais envie de rentrer chez lui.

Chez lui c'est tout petit, sale, sans meuble, froid, mais au moins il y a un toit quand il pleut.

Sur son matelas, par terre, il s'affale et fume clope sur clope tant qu'il en reste dans son paquet.

A l'évier coule un filet d'eau froide, ouf, on ne l'a pas coupée aujourd'hui; il boit dans ses mains, il ne sait plus où il a posé son verre.

Penché à sa fenêtre il se demande s'il va ressortir, où il se sentira moins seul, dans sa piaule, sur le trottoir?

Au fond de la pièce il fouille dans un tas de vêtements, il a envie de mettre son pull-over rouge.

Au dessus de sa tête il entend des enfants galoper et leurs parents s'engueuler, ça résonne dans sa pièce nue.

Il voudrait bien que les enfants viennent galoper chez lui. Il n'ose pas les inviter. Il a acheté un paquet de biscuits pour eux, pourtant.

Quand les voisins se calment il allume sa télé, sans mettre le son pour ne pas les réveiller.

Jusqu'à 1h, 2h, il regarde l'écran s'agiter, muet, ça met des couleurs dans sa tête.

Il dort sans rêve, c'est le meilleur moment, il ne sait plus qui il est.

Le matin, il se lève tôt, 5h, court à la Plateforme du Batiment, quatre kilomètres à pied, ça réveille bien.

Avec d'autres il attend, sur un pied puis l'autre, en espérant une embauche pour quelques heures ou la journée.

S'il travaille il oublie tout, il mangera ce soir ce qu'il aura acheté.

Si la journée est vide, il marche.

Dans les poubelles il y a des trésors qu'il revendra peut-être un jour.

Dans les poubelles il y a toujours assez de nourriture pour la journée, il faut juste prendre ce qu'on trouve, on ne peut pas choisir comme chez l'épicier.

A 14h il entre au bistrot, près de chez lui. Il boit un café, s'il n'a pas de monnaie le patron le sert quand même, il est compréhensif.

Il fait le tour des rues de son quartier, il rencontre parfois un copain.

Il rentre quand la nuit tombe, tard l'été, tôt l'hiver, il a toujours peur qu'on ait muré son squat.

Il ne se pose pas trop de questions. Lui, un jour après l'autre, il connait.


mardi 14 novembre 2017

la tante Alice

Toutes les fêtes familiales étaient sources de problèmes pour les chefs de cérémonie. Le casse-tête venait d'une question qui revenait sans cesse:"Doit on inviter tante Alice?"
Le moment fatidique d'établir la liste des envois provoquait  sueurs froides et rougeurs des visages.
On avait penser à tout: les fleurs, les menus, les tenues, les décors, alors... manquait plus que la liste. Et la question revenait: "Doit on inviter tante Alice?"
Seuls les adultes se tracassaient. Les enfants, ne comprenant pas la gravité du problème, affabulaient et échafaudaient toutes sortes d'histoires.
"La tante Alice, c'est celle qui a mangé le dernier né des cousins de Pontions ?"
" La tante Alice, c'est celle qui ne sait pas parler et grogne comme le cochon du père André?"
"La tante Alice, c'est celle qui vide les armoires et part sur un balai de sorcière?"

Les adolescents lancèrent alors en ricanant:
"Mais, non, c'est celle qui a des gros nichons!"
" Et alors? vous aimez pas les gros nichons?"
" C'est surtout nos pères qui les aiment, surtout qu'elle les promène à l'air, elle met toujours des décolletés, la tante Alice"
" Ben alors, il faut l'inviter la tante Alice et je me mettrai à côté pour mieux voir ses nènès. "
" Le soucis, il vient de nos mères, elles sont jalouses des regards envieux"
"Elles ont surtout peur que les maris se noient dans les dentelles et qu'ils partent avec elle faire un tour dans la grange à foin ou qu'ils se prennent l'idée de partir loin"
"Et elle pourrait donner des idées à nos filles, l'Alice!"
C'est comme ça que naissent les querelles de famille sur une question futile.

"Doit on inviter une tante qui met toujours des décolletés?"

mon bol

Mon bol, mon cher bol, toi le premier objet du jour qui me donne consistance, avant toi le matin, il y a bien la radio mais ces gens si loin de moi sont abstraits tandis que toi, je te touche, ensemble, on est en prise sur le réel. Avec toi seulement, je m'éveille à la vie, tu me sors du brouillard de la nuit, par la douce chaleur du café que tu gardes à mon gré, tu me fais oublier la journée annoncée. On est tous les deux dans une sorte de sasse entre sommeil et éveil, dans un moment de non être. Tu me maintiens là,  en arrêt sur image en pause dans la course du temps. Je t'ai choisi sans anse pour que ta forme galbée épouse la courbe de mes mains. On est pas dans le raffinement des petits doigts levés des tasses à café de salon, on est plutôt dans les épousailles paysannes, je t'encercle comme un amant posant ses mains sur les hanches de sa belle. Je t'enveloppe, ton arrondi adoucit la raideur de mes doigts au petit matin et quand je suis un peu chagrin, je perds mon regard dans tes dessins, dans tes motifs chinois qui racontent la vie d'autres pays, qui tentent de me délivrer des maximes. Les jours où je ne te crois pas, je bois, à petits gorgées pour reculer le moment de démarrer. Parfois, je te penche un peu pour mieux t'admirer, pour m'imprégner de ces mots de vie et là, je t'entends me murmurer:" attention, tu vas tout renverser".
Il est vrai qu'on passe beaucoup de temps mon bol et moi, le matin. Je l'aime tellement qu'il m'accompagne jusque dans mon fauteuil, là je lis mes mails, je regarde l'horoscope du jour mais il n'aime pas ça, normal je suis obligée de le poser et il n'aime pas perdre le contact, c'est la raison pour laquelle il ne veut pas aller au lave vaisselle, il ne veut pas se mêler aux graisses mais avant tout, il veut que je le caresse, mon bol, il veut être tout seul sous l'eau tiède et se faire grattouiller de mes mains parfumées.
Je le connais si bien, mon bol, que les yeux fermés je pourrais le dessiner.

dimanche 12 novembre 2017

Eloge de la poubelle

Et alors on se dit: la poubelle, quelle idée géniale!Saurons et pourrons nous un jour lui rendre l'hommage quelle mérite cette poubelle? Je suis sûre que vous prenez grand soin à la choisir, car elle orne souvent les cuisines exiguës. Ronde, cubique, haute, avec couvercle, sans couvercle, avec lumière bleue, en plastique, en intox, en osier...On n'imagine pas ce que la poubelle est capable de déployer pour nous séduire.
Et pourtant, quels ingrats nous sommes! On la gave de nos détritus sans vergogne. Même ceux qui puent: arêtes de poissons, mégots de cigarette, le vieux fromage du fond du frigo, la couche culotte. Et allez on y va, on la bourre, la pauvrette! Alors qu'elle est tout amour pour nous, qu'elle est prête à nous rendre les services les plus intimes et les plus secrets! Elle planque discrètement le verre cassé de la grand-mère, nos cotons tige jaunâtres et collants, nos mouchoirs en papier plein de morve, nos serviettes hygiéniques et nos tampons...
Est-ce qu'une seconde vous pourriez avoir un autre regard sur cet objet somme toute banale et malgré tout indispensable?
Alors, s'il vous plaît, parlez lui, soignez la, nettoyez la de temps en temps en prenant bien soin de la gratouiller là où ça lui fait du bien, caressez la, ne la jetez plus sauvagement dans la grosse benne du local à poubelles! Rendez lui ses lettres de noblesse faîtes corps avec votre chère poubelle!
Pensez, réfléchissez à ce que vous lui faîtes vivre! Ne la gavez plus des choses inutiles qui encombrent votre vie et votre frigo.
Bichonnez la, aimez la. Triez. Elle le mérite bien!

mardi 7 novembre 2017

UNE VIE

Avant de naître il y a juste une longue apnée dans le néant. Peut-être des bruits venus de loin, des battements d'un cœur qui s'affole parfois. La peur déjà. Qui sait?

Les bébés se souviennent , c'est pour ça qu'ils sourient aux anges. Ils oublieront.
Les bébés rotent, bavent, pleurent, souillent leurs couches, ont faim toutes les deux heures pour le plus grand bonheur de leurs parents.

Les enfants sont curieux, veulent tout savoir, posent beaucoup de questions.
Les enfants ne marchent pas. Ils gambadent, ils courent, ils sautillent.
Avant les enfants rêvaient d'une poupée ou de petites voitures, maintenant ils réclament une tablette et un smartphone. Ils veulent aller chez Mac Do, à Disneyland et au Futuroscope.

Pendant des générations, on est passé directement de l'enfance à l'age adulte. Aujourd'hui il y a plus de nuances.
 On distingue le pré-ado, identifiable à ses écouteurs sur les oreilles, le téléphone  dans la main et la coupe de cheveux des footballeurs.
Dans peu de temps il deviendra un ado dans lequel on aura du mal à reconnaître le bambin que l'on câlinait récemment. L'ado est long et mou. Grandir le fatigue. Il passe de nombreuses heures affalé sur le canapé, regarde la télé ou l'écran de son smartphone qui ne le quitte jamais. En général l'ado pense que les adultes sont de vieux cons.

Les adultes travaillent pour gagner la vie qu'on leur a donnée et dont ils ont profité gratis jusque là. les adultes s'occupent aussi de la maison qu'ils ont achetée à crédit et des enfants qu'il faut emmener à l'école, au tennis, au foot, au judo, à la danse, à la poterie, au cours de piano, chez le pédiatre, le médecin, l'orthophoniste, l'ostéopathe, le pédopsychiatre. Tout cela occupe beaucoup l'adulte qui,sans s'en rendre compte, devient vieux.

Le vieux est un adulte qui ne travaille plus. Il est à la retraite financée par les adultes qui bossent encore.
Le vieux va au cinéma à deux heures de l'après-midi.
Le vieux s'accroche, il a peur. Grâce aux progrès de la médecine le vieux reste vieux de plus en plus longtemps.

Les morts, eux, vivent ailleurs.
Les morts vivent dans les cœurs, les pensées, les mémoires. Leur absence est partout présente. Les morts sont dans les livres, sur les photos, dans le nom des rues, dans l'histoire, dans la peinture, la sculpture, l'architecture. Les morts sont dans les villes, dans les arbres, dans l'air, le soleil, la lumière. Tant qu'il y a des vivants, la mort n'existe pas.

lundi 6 novembre 2017

Une journée à la plage

A droite il y a les familles du coin.
La blonde avec ses moutards, les sacs carrefour à bloc de jouets, pelles, rateaux, seaux, serviettes, parasols... Son mec suit, le temps de fermer la voiture. Dans les mains, les glacières et les chaises longues.

Au milieu, il y a les touristes. On descend de la voiture, on longe le lit de la rivière et HOP! la plage, le sable, la mer, le pied.

A gauche, il y a les aventuriers nudistes. Juste une serviette et la crème solaire.

Et moi j'attends la désertification et le silence moite.

A neuf heures, presque personne. La copine qui descend digérer son chagrin, celle qui doit garder la forme et qui court et qui nage, le pêcheur qui revient en zodiac avec un seau de soupe.

A dix heures, la mamie et ses quatorze petits enfants. Crème solaire à tour de rôle, tee-shirt anti UV, lunettes, casquettes, nagettes.

A onze heures, le gros de la troupe a enfin fini le petit dej, la toilette, la vaisselle et  les courses au camping. La blonde et son mec par exemple.

A midi, le parasol, faut qu'il tienne! Le vent se lève et les brailleurs viennent réclamer les sandwiches et le paquet de chips.
Les touristes du milieu et les aventuriers de la gauche arrivent en bande ou en couple.

A quatorze heures la mamie remonte pour la sieste.
Au milieu c'est noir de monde et à droite ça bouquine sous les parasols.

Et moi j'attends la désertification et le silence moite.

A seize heures la plage affiche son heure de pointe. A droite, à gauche, au milieu, même combat: des cris, des bateaux, des scooters de mer, des palmes, des chiens, des méduses, des ballons, des raquettes.

A dix-huit heures le flot se distille. Ca remonte le chemin pour les douches, l'apéro, le dîner.

A dix-neuf heures, c'est copains/apéro en attendant le coucher de soleil. Ca picole, ça rigole, ça danse entre deux cacahuètes et trois mojitos. Le bruit du clapotis en bord de mer est couvert par les rires et la musique.

Et moi j' attends la désertification et le silence moite.

A minuit, c'est bain de minuit.

A deux heures tout le monde rentre chez soi. Même moi, qui attendra demain pour ma désertification et mon silence moite. Peut-être.


Une vie

Le foetus bouge quand il a faim soif mal au cordon envie de sortir.
Le foetus suce son pouce pour se détendre et écouter le monde.

Le bébé pleure quand il a faim soif mal au ventre envie de te voir
Le bébé suce son pouce pour se rassurer et voir le monde.

L'enfant pleure quand il a faim soif mal au ventre envie de te voir.
L'enfant tête son doudou pour ne pas pleurer sur les petites misères du monde.

Le pré ado râle quand il a faim soif mal au ventre pas envie de te voir.
Le pré ado se colle un écouteur dans les oreilles pour échapper au monde.

L'ado hurle quand il a faim soif mal au ventre envie d'être ailleurs.
L'ado se visse les yeux sur un écran pour s'isoler du monde.

Le jeune adulte te réclame de l'argent quand il a faim soif mal au ventre envie de voyages.
Le jeune adulte se défonce dans l'alcool ou le sport pour exister et envisager le monde.

L'adulte paye quand il a faim soif mal au ventre envie de vacances.
L'adulte se gave de télé d'infos de lecture pour connaître le monde.

Le vieux bave quand il a fait faim soif mal au ventre envie de pisser.
Le vieux se gave aussi de télé parce qu'il n'a rien d'autre à faire et le monde il connaît.

Le mort n'a plus faim soif mal au ventre et plus envie de rien.
Le mort se gave de silence et gave les vers. il n'a rien d'autre à faire. Le monde n'existe plus