mardi 12 décembre 2017

la virevolte

On pourrait penser à la valse mais la virevolte va bien au delà. Le départ est moins léger, le pied est ancré, le centre de gravité est concentré en un point comme le crayon se préparant à l'écriture. Le pied s'enfonce dans le sol, la mine dans le papier, tous deux cherchent la même poussée. Un lent tournoiement s'amorce comme la feuille emportée par le vent. Les bras entrent dans la spirale et là, on s'envole, une volute se dessine, on n'est pas dans la danse mais dans une sorte d'élan irrésistible. Ne pas lutter , se laisser emporter. On perd ses repaires, on monte, on atteint le moment de suspension, le moment subtile de tous les possibles puis tout semble se calmer et là dans un frémissement au creux des reins, on pousse encore plus loin, à la fois plus haut et plus profond. Le cercle se densifie, on est dans l'accélération d'une toupie, puis la base vacille, on mordille le crayon, encore un tour , on décroche et la descente s'amorce tout doucement on retrouve le sol, on ferme le cahier. C'est la virevolte.

Un couple


Elle dit des choses graves qui normalement devraient me démolir, elle dit qu'elle a fait la plus grande erreur de sa vie quand elle est tombée amoureuse de moi. Elle dit que je suis lâche, égoïste, irresponsable. Elle dit qu'à cause de moi elle n'a pas pu réaliser la carrière dont elle rêvait. Elle me rappelle que l'ai obligée à arrêter ses recherches, à quitter l'université pour s'occuper de moi, des enfants. Elle dit qu'elle s'est fait teindre en blonde pour me plaire, et refaire les seins. Elle dit qu'elle a horreur du blond et que ses seins lui font mal. Elle dit qu'elle aimait Paris et qu'elle déteste le village de Normandie où j'ai choisi que l'on s'installe. Elle redit que je suis égoïste, égocentrique, que je ne pense qu'à moi. Enfin, je crois qu'elle me dit tout ça, parce que je ne l'écoute pas vraiment. Je vois ses larmes couler. Elle dit sûrement que si elle en avait les moyens elle me quitterait. Je regarde par la fenêtre, le soleil descend. Il a plu ce matin, j'ai envie d'aller au jardin fumer une cigarette. Je n'en n'ai pas le droit à la maison. J'ai envie de me dégourdir les jambes, et je pense à toute l'herbe qui pousse et à la tondeuse qui m'attend.

mardi 5 décembre 2017

passage initiatique

Nous pédalions dans la lumière nature . Les sentiers forestiers se déroulaient sous nos roues. L' odeur des sapins nous apaisait, l'air vif de ce massif jurassien nous revigorait. Les enfants ouvraient le chemin, on suivait, tout était parfait.On ne se posait pas de question, l'air était bon, on pédalait.
Après quelques heures, les estomacs réclamaient, le moment était venu de chercher une clairière, on posa pied à terre, on vida les sacs, on s'étendit sur l'herbe à l'odeur de framboises puis le vent se leva, léger, il semblait nous appeler. On avait les cerfs volants dans nos sacoches, le temps idéal pour les faire danser dans le ciel d'été, j'aimais particulièrement m'échapper dans les airs avec ces oiseaux de papier, j'oubliais la terre ferme , je tournoyais avec un grand dragon couleur feu, je l'avais fabriqué tout exprès, je pensais m'envoler vers d'autres contrées. Soudain une bourrasque d'une intensité étrange fit échouer ma bête dans la rivière. Pas question de l'abandonner aux tourbillons du torrent, de le laisser partir sans moi, je traversai les orties, me cramponnai aux branches , sautai sur les rochers. Après une petite chute, la rivière coulait tranquillement entre ses berges adoucies.Je tendais le bras pour récupérer mon animal défréchi quand j'aperçus un canoë qui avançait au fil de l'eau,sans bruit , il accosta dans les roseaux, un indien en descendit. Attirée par les plumes colorées et l'agilité de l'homme, je le suivis. Sans aucune  peur d'égarement, sans me soucier de ceux qui m'attendaient, je lui emboitais le pas, nous empruntions des sentes inconnues. Après une heure de marche dans de hautes herbes, soulevée par je ne sais quelle énergie, je me trouvai au milieu d'une tribu. Un feu crépitait,des enfants jouaient, les femmes tressaient des écorces de bouleau. Je fus accueillie dans une ronde, on m'installa  comme si la place m'était réservée et au bout d'un moment, je chantais dans une langue inconnue. Ce soir là, je récupérai mon âme au son des tambours et depuis je suis accompagnée par mon animal totem: un grand loup blanc aux yeux bleus.