vendredi 12 juin 2020

Tonton


Tonton rit, Tonton pleure, c'est pareil, il a toujours les yeux mouillés et la goutte au nez. Il s'essuie avec un grand mouchoir à carreaux rouges. Il roule en boule le mouchoir dans le fond de sa poche pour l'avoir toujours sous la main. Et puis il rit encore, s'étrangle et ressort le mouchoir.

Tous les jours il sort promener son petit chien dans la rue. Et comme il est très propre il ramasse les crottes du petit chien dans un sac en plastique et le fourre dans sa poche, l'autre poche bien sûr, pas celle du mouchoir, sauf s'il se trompe. Après il donne un sucre au petit chien pour le récompenser. Il sait que le petit chien a les dents toutes gâtées mais il lui donne quand même, il aime tellement ça.

Il sort toujours avec sa casquette, été comme hiver, quand il l'enlève son crâne apparaît tout blanc, ça fait un peu peur. Un jour il a oublié de la remettre pour sortir, mon petit frère lui a dit : « Tonton, tu as oublié ton couvercle »

Il dit que les chiens sont plus intelligents que les gens.

Il dit qu'il est bien content de ne pas avoir eu d'enfant.

Quand on va le voir, avec mon frère, il nous embrasse très fort avec son nez mouillé et sort son mouchoir pour nous essuyer la joue. Il est un peu sale quand même, il ne prend pas la douche tous les jours.

Il connaît tous les départements par cœur, avec leurs préfectures. Il dit qu'on ne nous apprend plus rien d'intéressant à l'école.

Il dit qu'il aimait Tino Rossi. Il a la voix qui tremble un peu quand il nous chante "Petit Papa Noël" et puis "Marinella". Il aimait danser quand il était jeune mais il ne peut plus, alors ça le fait pleurer, et il ressort son mouchoir.

Il a fait du vélo jusqu'à 83 ans.

Il nous donne des bonbons quand on va le voir, ils sont tout collants.

Il met ses lunettes et lit le journal tous les matins. Il guette le facteur.

Il joue aux cartes avec ses copains. Quand il joue avec nous il triche. Si on se plaint il se met en colère, alors on le laisse faire.

Il voudrait être enterré dans le pays où il est né. Il sait bien que c'est très loin et que personne ne l'accompagnera là-bas. Il aime bien la France aussi.

Il croit que quand il sera mort il ne manquera à personne. Ce n'est pas vrai, il me manquera à moi mais je ne le lui dis pas, pour pas qu'il pleure et qu'il ressorte son grand mouchoir de sa poche.

Il ne se passa rien

Le 16 mars 2020, ici, chez moi, il ne se passa rien.
Le gouvernement n'annonça pas que la pandémie due au coronavirus entrait dans le stade 3 et que nous étions tous confinés. Il n'y eut pas de plan d'urgence sanitaire. Je n'appris pas que je ne pouvais plus aller voir mes enfants, ma mère et mes amis. Ce jour-là je ne me suis pas précipitée dans l'armoire à pharmacie à la recherche d'un flacon d'alcool pour désinfecter poignées de porte, interrupteurs, clavier d'ordinateur, souris et téléphones. Je n'ai pas appelé les uns et les autres pour savoir comment ils allaient. Je n'ai pas regardé les terribles images de Wuhan que la télé diffusait en boucle. Je n'ai pas entendu les messages anxiogènes diffusés par le gouvernement. Ce jour-là, je n'ai même pas entendu le silence inhabituel qui s'était abattu sur la ville.
Ce jour-là, le soleil, le ciel, le vent n'ont rien fait de spécial. Le soleil n'était masqué par aucun nuage, il éclairait le monde comme d'habitude. Il ne se passa rien dans le ciel qui se contenta d'être bleu et le vent paresseux ne fit pas danser les branches des arbres.
Un ennemi invisible ne semait pas la terreur.
Ce jour-là, il ne se passa rien et tout s'arrêta.

2 septembre 1939


Sur le boulevard Jean Jaurès à Boulogne sur Seine le 2 septembre 1939 il ne se passa strictement rien. Pas un piéton dans cette rue commerçante, pas d'enfants à faire du patin à roulettes, les parents ne voulaient pas. Aucun autobus, ils étaient restés au dépôt.

Aucun couple ne déambulait la main dans la main. Pas une goutte de pluie malgré un ciel très gris, pas de pigeons à becqueter par terre, ils étaient cachés dans les arbres. Pas de feuilles d'automne qui se détachaient des branches, pas encore. Pas le moindre souffle de vent. Même le facteur n'était pas passé. La boulangerie ouverte vendait quelques baguettes, moins que d'habitude.

Aucune voiture ne roulait. Aucun coq ne chantait. Le concierge n'était pas sur le pas de sa porte. La grande affiche du cinéma annonçait un programme qui ne tentait personne. Devant cette rue sans vie le confiseur avait baissé son rideau de fer.

A Boulogne ce jour-là il n'arriva strictement  rien. Les habitants étaient terrés chez eux. A 20h, l'heure du journal parlé, chaque famille s'était réunie devant le poste de TSF pour écouter ce qui se passait en Pologne, puis était allée se coucher sans échanger un mot. Les enfants ne comprenaient pas mais se taisaient aussi, ils n'osaient pas poser de questions.

Tous se doutaient, tous savaient que le lendemain il se passerait quelque chose.

samedi 6 juin 2020

Une photo ratée

Elle est ratée. Complètement ratée. Ce doit être la première de la pellicule argentique qui ne devait pas être suffisamment enroulée. Elle a pris la lumière. Sur la gauche il n'y a qu'une bande blanche qui buvarde sur une ligne verticale vaguement rose-orangé. A droite, d'abord on ne voit pas grand-chose. L'espace est divisé en deux parties: une zone grisâtre en haut et une autre presque noire dans la partie inférieure.
Dans le gris, si l’œil s'y attarde, des nuages se dessinent, échevelés, imprécis. Ce que l'on pouvait prendre pour une tache est un gros nuage menaçant. Au-dessous dans la masse sombre émergent trois arbres, un buisson et deux poteaux électriques de guingois. Au sol, le noir se nuance de brun et à l'horizon, ce que l'on sait maintenant être un ciel, se teinte de gris bleuté. Ce pourrait être le soir ou le calme qui précède un orage.
Aucune construction, aucune colline, pas de montagne lointaine.C'est un paysage sans intérêt duquel se dégage une étrange mélancolie. On n'y distingue aucun être vivant, il n'y a rien à voir. Pourtant cette photo me fascine. Qui l'a prise? Le hasard. C'est moi qui faisais les photos lorsque nous étions en balade. J'ai dû appuyer sur le déclencheur sans le vouloir. C'est une photo imprévue, énigmatique, belle dans son minimalisme. Comme mes souvenirs, elle est floue, sans date, beaucoup de détails ont disparu,  pourtant elle est là, bien présente sur mon bureau et je me demande: où? quand?... Il y a si longtemps.

vendredi 5 juin 2020

Courrier d'antan


Nombreux sont ceux et celles qui ont profité du confinement pour ranger leurs placards.

Moi aussi , j'ai fouillé là où je ne vais jamais et forcément j'ai eu des surprises. Notamment une boîte que j'ai longtemps cherchée, une boite en bois décorée de la marque Suchard, mes parents vendaient des chocolats et elles avaient un format pratique ces boîtes.

Des papiers de toutes teintes douces, pliés en deux, en quatre, des cartes postales en noir et blanc aux bords dentelés, quelques photos, une petite liasse
nouée par un ruban rose.

Je commence par celle-là, je ne sais plus ce que c'est. Les lettres que mon père envoyait à ma mère quand il était prisonnier pendant la guerre. J'en ouvre une lentement, avec la sensation de toucher à quelque chose d'interdit : « Ma chère Renée, j'espère que ta santé est bonne et que tu es tranquille chez tes parents... Pour moi ça va, on nous fait beaucoup travailler mais on a suffisamment de pain et de soupe... Je t'embrasse tendrement, ton Gaby qui t'aime ». Toutes les lettres se ressemblent, quoi dire de plus personnel, et puis il y avait la censure. Je renoue avec émotion le ruban rose, ce paquet là je ne le détruirai pas, j'aimerais que mes enfants, mes petits enfants le voient un jour.

Une page de cahier, pliée en quatre, écrite d'une petite écriture serrée et signée Françoise : « Je suis désespérée, samedi soir à la boum Hervé m'a invitée , on a dansé, je n'ai pas su dire non, on s'est embrassé. C'était bon, mais c'était mal, l'aumonier du lycée l'a dit : des boums, mais pas de flirt, vous êtes trop jeunes, c'est un péché. Heureusement mes parents ne se doutent de rien... Bon, je te quitte, la prof de latin vient de m'interroger et maintenant elle me surveille. »

Je ne sais plus ce que je lui ai répondu, mais c'était en seconde, cette année là on s'écrivait beaucoup, toutes, pendant les cours, d'ailleurs j'ai redoublé. Mais je sais que Françoise et Hervé se sont mariés, études finies, ils ont été heureux, ils ont eu trois filles, comme quoi les conseils de l'aumonier...

Des cartes postales de vacances, légères : « Mer chaude, soleil, mon bronzage est plus beau chaque jour, j'espère qu'il tiendra jusqu'à la rentée. » Moi aussi j'aimais bronzer, je gardais ma montre au poignet pour qu'un fin liserai blanc puisse montrer la différence de teinte, avant, après.

D'autres cartes postales : « Ma mère ne me laisse pas sortir seule, un calvaire ces vacances en famille, il me tarde de retrouver le lycée. Annie » Je ne sais plus du tout qui était Annie.

Une carte postale de Lourdes, de Lourdes ! « J'ai prié pour toi à la grotte, je te rapporte un flacon d'eau de la source miraculeuse. Danielle » Et le flacon d'eau est là, dans la boîte, incroyable !

Une enveloppe épaisse, une cinquantaine de demi feuilles bien pliées, remplies soigneusement des deux côtés, et en bas, toujours : « Je vous embrasse bien fort Maman » Elle parle du jardin, des roses qui sont bien fleuries, des tomates que cultive mon père et qui sont plus grosses que celles du voisin, de leur petite vie quotidienne, je ne sais même pas si je lui répondais. Ça s'est arrêté en 1975, on a eu le téléphone. Elles m 'émeuvent aujourd'hui ces lettres, alors que quand je les recevais je les survolais.

D'autres cartes, d'autres lettres en papier bleu, jaune, rose ou parcheminé. Les mêmes soucis des jeunes filles dans les années soixante. Pratiquement pas de lettres de garçons, les copains on sortait avec eux et puis on les oubliait. Une ou deux photos, un qui fait le beau sur son vélo, un autre en portrait d'identité, lui il était sympa, j'adorais sa mèche rebelle.

Et aucune lettre de mon futur mari. On habitait la même ville, très vite on s'est vu tous les jours, et puis ce n'était pas un écrivassier.

Mon dieu, qu'est-ce que je vais faire de tout ça, impossible de les jeter, je jetterais une partie de ma vie. Je replie tout, je referme la boîte, la replace au fond du placard. Je verrai, plus tard, j'ai encore le temps, enfin j'espère.

jeudi 4 juin 2020

Le voyage de noce


C'est une belle photo, format carte postale. Un photographe passait sur la plage, prenait des clichés qu'il proposait d'acheter.

Ils sont assis tous les deux l'un contre l'autre sur le sable, jambes repliées derrière eux, au bord des vagues. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils portent tous les deux le même maillot de bain, short noir et débardeur blanc. Il a une masse de cheveux frisés, elle a posé sur sa frange épaisse son bonnet de bain en caoutchouc blanc, ça lui arrondit le visage. Ils sont heureux, ils s'aiment, ça se voit.

Ils viennent de se marier, ils sont en voyage de noce, sur une plage, et c'est une folie pour leurs bourses d'ouvriers, mais ils y tenaient. Une noce toute simple, juste la famille, mais un voyage, la mer, le soleil. Alors quand le photographe est passé ils ont acheté la photo, une petite folie de plus, on fera des économies quand on reprendra le travail, à Paris.

Et oui, ça a été un merveilleux souvenir, la vie s'ouvrait devant eux.

Ils ne savent pas que quelques années plus tard une autre photo serait prise. Ils sont toujours serrés l'un contre l'autre. Elle sourit, elle est dans ses bras. Il est en uniforme, calot et bandes molletières, c'est sa première permission. Son sourire est un peu douloureux, il devine, il sait lui, mieux qu'elle, que la guerre ne sera ni courte ni facile. Alors il entoure ses épaules, il sourit aussi à l'objectif, avant de repartir.

mardi 2 juin 2020

Je cherche mon chemin


Comme la plupart des Aixois, je n’aime pas venir à Marseille. Je m’y perds toujours et cette fois-là, ce fut comme d’habitude. Jusqu’à la sortie de l’autoroute tout allait bien. Après, j’ai suivi les indications du GPS « Tournez légèrement à droite », « Prenez la première à gauche ». A droite, à gauche, les feux rouges, les sens interdits, je ne savais plus du tout où j’étais.

J’ai avisé  sur le trottoir une dame qui me parut d’un abord avenant, je l’ai interpelée pour lui demander mon chemin. 

   Peuchère, Castellane ! Mais vous êtes en sens contraire, vous venez d’où ?
   D’Aix ! Allez vaï, vous les aixois vous êtes de vrais pacoulins.

Ma voiture gênait la circulation, je l’ai pressée de me renseigner si elle le pouvait.

   En premier il faut faire demi-tour et repartir en sens inverse. Là, mèfi ! Ne prenez pas la voie des bus. Au feu, il y souvent les flics à l’agachon. Ils m’ont eue la semaine dernière, j’ai eu beau pleurnicher, attirer leur attention sur ma voiture qui est une vraie estrasse et que la contravention allait me ruiner, que dalle, ils m’ont empéguée. Je peux plus les supporter ces gonflaïres.

J’ai toussoté nerveusement…

   Arrivé au feu, sous la passerelle que, plus moche tu meurs, il faut tourner à gauche, je crois qu’on peut. Vous allez être sur un boulevard qu’à droite il y a le magasin où ma fille elle a acheté sa robe de mariée. Jetez un coup d’œil à la vitrine en passant, elle me rend folle d’envie. Moi je me suis mariée à la Mairie en tailleur gris. J’emboucane mon mari, je lui dis que je voudrais qu’on se remarie pour que j’ai une belle robe comme ça se fait maintenant,  il me dit que lui casse las amandons.

J’ai  donné un coup d’accélérateur au point mort...

   Bon, vous descendez. Au feu vous tournez à droite. C’est le Prado, un des grands boulevards de Marseille. A moment donné, il y  aura un immeuble bleu, c’est une banque. Juste là, il y a l’entrée de l’Hôpital St Joseph où on m’a enlevé la vésicule qui était pleine de pierres. Ils m’ont escagassée, j’ai cru que j’allais devenir jobastre. Paraît que je suis une mauvaise malade. Vaï, j’ai morflé, quand je suis sortie j’étais toute fifi, on aurait dit un stoquefiche, alors mon ma…

Derrière moi le bus arrivait, me faisait des appels de phare. J’ai enclenché la première, salué rapidement cette dame. Alors que je m’éloignais le plus vite possible je l’ai entendu qui  me criait :

   C’est tout droit ! Pouvez pas vous perdre !



lundi 1 juin 2020

Fleur de ciste



Tu es toute froissée
Et tu le resteras 
N'ayant jamais connu
De fer à repasser
Ce qui est étonnant
C'est que ça te va bien
Te donne l'air fragile
Un parfum enfantin
Quand on te voit ainsi
Une seule envie nous vient 
Celle de te protéger.


Echos de la semaine

Lundi 25 mai:  Dernière semaine avant le retour à la semi-liberté. Je n'ai pas fait grand-chose de cette journée. Il a fait chaud, Jean est allé préparer notre petit voilier, il a très envie d'une sortie en mer, moi un peu moins. Je vieillis, je ne  supporte plus le soleil. Cerise sur le gâteau, je n'ai aucune envie de me dévêtir, je préfère me camoufler sous des textiles divers et variés.

Message d'un ange
posée sur mon paillasson
Une plume blanche

Mardi:  Soleil. on se déconfine petit à petit. Il flotte un irrépressible besoin de recommencer à vivre normalement, sans peur .Patrick nous a envoyé des propositions d'écriture intéressantes notamment: "Faire un poème pour une fleur". L'idée me plaît mais comment ne pas tomber dans la cucuterie?
J'ai entendu à la radio que Didier Raoult, notre héros marseillais, était toujours aussi critiqué. L'OMS a interdit l'utilisation de l'hydroxychloroquine. L'efficacité n'est pas prouvée à ce jour.
A part ça tout le monde se réjouit de la chaleur sauf moi. Mon caractère de Schtroumpf râleur n'a pas disparu pendant le confinement.
Nouvelles du poireau: Il s'est bien adapté à son déménagement dans le jardin, il pousse avec le bout des feuilles coupées. Étrange.

Mercredi: Ciel nuageux, d'après la météo de mon téléphone ça ne devrait pas durer, dommage. L'atelier peinture a rouvert en "présentiel". Beurk, il ne  me plaît pas ce mot. Donc il a rouvert. L'ambiance y fut bizarre. Nous étions 7, tous masqués (ça tient chaud!). Inquiets. Malgré nous la conversation revenait toujours sur le (pardon la) Covid. Certains connaissaient quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui était en réanimation , en coma artificiel, intubé, perfusé. Des discussions dignes des pires films d'horreur.
Contente malgré tout d'avoir tracé quelques traits convalescents sur une feuille de papier.

Jeudi: Soleil. Rêvé qu'on allait vivre masqués jusqu'à la fin de nos jours. Cauchemar. Hier, pour la première fois, j'ai porté un masque pendant plus de 2 heures. J'ai trouvé cela très désagréable. Ça tient chaud, impression de respirer un air vicié, grattouilles, ressemblance avec les chinois. Quel soulagement de l'enlever! Comment fontles gens pour le supporter?

Vendredi:  Édouard Philippe a annoncé hier que nous allions être libres de nous promener partout en France dès le 2 juin, à condition bien sûr, de respecter les gestes barrière. Les restos, les musées vont rouvrir (il faut sauver la saison touristique) en appliquant strictement le protocole sanitaire: masques, distance, gel hydroalcoolique, nombre de personnes limité et patati et patata. La vie reprend différemment mais comme avant.

Samedi: Soleil. On est sortis en bateau! Première navigation de la saison. Beaucoup de bateaux qui sortaient du port comme des poules à qui on vient d'ouvrir la porte du poulailler. Le moindre rocher était pris d'assaut par les marseillais puisque les plages sont fermées jusqu'à mardi. Temps idéal. Petit vent. Avatar (c'est le nom du bateau) semblait heureux. La rade dans un sens puis dans l'autre. on a tiré des bords. On a croisé un seul masque qui flottait encore entre deux eaux avant d'aller rejoindre ses copains au fond.

Dimanche:  Soleil. Pentecôte. Premier SMS de l'histoire, Jésus prévient les apôtres qu'il est arrivé au ciel sans encombres en leur envoyant l'esprit saint sous forme de petites langues de feu.Lol.
Goûter avec les enfants. Partage du traditionnel gâteau de Pentecôte, le Colombier. Bon moment, un peu contraint... La crainte du virus est présente. Les enfants ont fait la fête avec des copains, ils ont peur de nous infecter. J'essaie de les rassurer mais ils ont peur d'être des contaminants potentiels. Si eux aussi perdent leur insouciance, où allons-nous?

Rue Brise Echalas

Je suis de passage à Paris et une vieille amie malade m'a demandé d'aller la voir. Elle habite à Saint-Denis et m' a juste donné son adresse: 27 Rue Brise Echalas. "Tu prends la ligne 13, tu descends à St Denis Basilique, et là tu demandes, tu verras, tout le monde connait."

Je sors sur une place assez vaste, je vois bien la Basilique, imposante, et des rues dans toutes les directions. Des groupes de jeunes, nombreux, jouent avec leurs portables, je n'ose pas les déranger. J'aperçois un homme assis tout seul sur un muret, je m'approche :
  • Bonjour, je cherche la rue Brise Echalas, le 27 exactement.
  • Bonjour madame, ah ce n'est pas à côté, ce n'est pas très loin non plus. Vous êtes à pieds ?
  • Oui
  • Vous connaissez un peu St Denis ?
  • Pas du tout.
  • Jamais venue ?
  • Jamais !
  • Alors il faut vous diriger vers la Basilique, vous la voyez d'ici. J'espère que vous avez du temps, parce que la Basilique, vous ne pouvez pas passer devant sans y entrer, en faire le tour, voir les tombeaux. C'est là que sont enterrés tous les rois de France, ça ne se manque pas ! En ressortant vous traversez la place, et sur votre droite vous arrivez devant le marché couvert. Là non plus, impossible de ne pas entrer, on y vend des produits du monde entier. Vous aimez les marchés ?
  • Oui...
  • Il est 11 heures, si vous allez déjeuner chez quelqu'un vous trouverez tout ce que vous pouvez imaginer à lui apporter. Il faut voir ça, sentir les odeurs, entendre toutes les voix, tous les accents résonner sous la verrière, en quelques minutes vous aurez fait le tour du monde. Après c'est facile, à votre droite en sortant du marché vous prenez la rue de la République. Il y a plein de bistrots, de petits restos et même un McDo, mais je pense que ça ne vous intéresse pas. Il y a beaucoup de boutiques de soins de beauté, tout ce qu'on peut imaginer, maquillages, teintures, vernis, même des perruques à des prix imbattables, blondes, brunes, souvent moches mais quelquefois tentantes, ma femme en a acheté une qu'elle met le dimanche. Mais bon, vous n'avez pas besoin de ça.
  • Donc vous continuez tout droit, vous voyez la Poste. J'espère que vous ne cherchez pas des timbres ou de de l'argent liquide, parcequ'il vous faudrait de la patience, il y a toujours la foule.
  • Non, je n'aurai besoin de rien, je serai déjà passée au marché.
  • C'est vrai. Après, tout droit jusqu'au bout de la rue de la République, vous tournez à droite, vous êtes presque au bord du canal, et puis vous demandez parce que là c'est un peu compliqué, mais vous y êtes en deux pas, à la rue Brise Echalas.
  • Merci monsieur
  • Ne m'appelez pas monsieur, je suis Ali. Tout le monde me connaît à St Denis, je suis arrivé du bled j'avais 4 ans, j'en ai 78, oui madame, 78 ! Vous n'auriez pas une petite pièce ?