dimanche 26 décembre 2021

 

Rien je m'ennuie

Je ne sais pas encore il faut que j'aille voir

Un frisson

Un jeu


2 yeux qui rêvent

Les murs se liquéfient

La ville se liquéfie


ça sent bon la terre

ça sent bon la fleur

ça sent bon la caresse du vent

la peau qui joue avec les particules d'air


Toute nue dans ma tête

Une enveloppe pleine et traversante

Je suis une membrane et je dis que c'est bon




Aurore

lundi 13 décembre 2021

 Thèse d’histoire naturelle ?

Depuis fort longtemps, moi la puce je me promenais dans le pelage des quadrupèdes. Je me plaisais dans ces forêts de poils de toutes sortes, des fins, des épais, des bruns, des roux. Parfois je me balançais dans la courbe d’une queue. Je recevais de temps en temps des coups de pattes de la part de mes hôtes mais je leur pardonnais ces mouvements d’humeur, il faut dire que parfois je suis insupportable. Bientôt cette vie me parût monotone, je décidai donc de m’amuser et j’entrepris de changer d’habitat. J’élus domicile chez les animaux domestiques, vous savez ceux qui accompagnent d’étranges bipèdes. Là ce fût un régal, ils étaient bien nourris, je me vautrais dans un matelas moelleux, je dormais sur place, je piquais un peu, normal, je suis conçue pour ça. Un jour, j’eus envie de passer chez leurs propriétaires, la difficulté fût de traverser des déserts, et oui, ils s’épilent, se rasent. Je passais alors dans leur lit, formidable, des desquamations, des cheveux, des collègues acariens, le paradis. Jusqu’au jour où ces humains entreprirent un génocide. Certaines furent exterminées. Je tentais d’organiser une résistance aux pesticides, en vain, la seule solution pour survivre fût l’émigration .

Je devins puce d’eau, l’adaptation fût difficile, je croisais des êtres étranges, sans poils, comment vivre dans des écailles ? J’avais essayé les plumes, pas terrible mais les écailles ! Une horreur ! Et cette humidité ! 

Je finis par m’habituer, ce doit être l’évolution des espèces.

Un jour de spleen, je vis passer un animal à poils, un migrant lui aussi. Je l’interpellais aussitôt : « A qui ai-je l’honneur ? Pourrait- on faire un bout de chemin ensemble ? »

« On m’appelle ragondin, mes ancêtres se nommaient rats et vivaient sur la terre ferme. Suite à plusieurs campagnes de dératisation ils ont fini dans l’eau, je suis un des multiples descendants. »

« Nous sommes faits pour nous entendre alors ! »

« Trouvez une place sur mon dos, là au départ de la queue, la fourrure est plus épaisse. Bon courage, je vous préviens, j’ai la peau dure ! »

 Souvenir de petite fille

La sirène de l’usine sonne, je cours à la cuisine retrouver maman. La gamelle est prête, encore chaude, je dois faire attention de ne rien renverser. Le chemin parait long. J’arrive à temps, le portail est encore ouvert, le gardien me connait, la fille du rital qui travaille à la chaufferie. Je monte les escaliers en fer rouillé dans les odeurs d’os et de moelles crevées. On m’avait dit qu’on descendait aux enfers, là je monte aux enfers. Je retrouve mon père devant les chaudières, coulant de transpiration mais beau devant la gueule bouillonnante des machines. Elles vont nous dévorer, papa et moi. Pourquoi j’aime ça ? La fierté de porter ce repas dans le danger, la fierté d’être plus forte que mon frère qui ne veut pas y aller là- haut dans le feu? Papa et moi, on est les plus forts du quartier !

 Biographie d’Henriette

Henriette est née en 1936 à Mey sur Breille. Henriette aime son village, l’école, la place, les commerces. Les parents d’Henriette sont heureux, un travail, une petite maison, un jardin. La grand-mère paternelle fait des réflexions mais la mère d’Henriette s’en moque. Henriette a deux petites sœurs, elle les aime bien mais Henriette aurait préféré être seule. Henriette ne veut pas être l’ainée, celle qui s’occupe des petits, celle qui montre l’exemple. Henriette veut rêver d’une autre vie en toute liberté.

La famille déménage. Henriette a compris, le travail. Henriette n’aime pas la nouvelle maison, Henriette se sent broyée. Henriette quitte le collège, elle veut gagner des sous, Henriette veut faire vivre ses rêves. Henriette effraie ses parents, elle veut faire du parachutisme. Le ciel, voilà de quoi rêve Henriette.

Henriette n’a pas le droit, Henriette se mariera, c’est le destin d’une bonne fille.

Henriette a trouvé un amoureux, les parents n’en veulent pas, il porte un blouson noir !

Henriette doit rester sur le droit chemin, les disputes, les gifles ont envahi la maison d’Henriette.

Henriette se résigne, elle économise en cachette, un jour, elle volera, elle touchera les nuages, Henriette.

A la banque, Henriette rencontre un beau garçon, sur sa vespa, il semble libre, elle y croit Henriette. Henriette est prise au piège, elle se marie et la maternité est là, elle n’était pas prête Henriette, puis une deuxième puis une autre. Elle ne rêve plus, Henriette, elle est sur terre et dans la plus grande détresse. Henriette ne verra pas le ciel mais une faiseuse d’ange. Le parachute, elle a oublié, elle cherche un peu d’air pour respirer Henriette

 Quelques minutes et tout bascule

 

La montée a été dure, le guide nous encourageait mais les heures s’accumulaient et la distance parcourue était insignifiante. La météo était de plus en plus mauvaise, nos vies étaient en danger. Nous atteignions le sommet quand un orage de grêle nous jeta à terre, la mort guettait. Tout se brouillait dans nos têtes, un retard de quelques minutes, incompressible changea la vie et le destin. Un d’entre nous, Julien, le plus jeune, décéda à nos côtés, foudroyé. Nous fûmes longtemps perturbés. De retour dans la vallée, nous avions repris nos activités alimentaires mais nous réfléchissions sans cesse au sens de nos vies. Pour ma part, je collectionnais les objets retraçant mon parcours d’alpiniste. Au moindre objet perdu le sentiment d’oublier un bout de moi- même m’angoissait. Je n’étais plus entier, Julien me manquait au travers de ces pièces de musée. Je pensais que sa compagne ne s’en remettrait jamais. Un dimanche où je lui rendais visite, elle berçait toujours sa poupée quand je suis entrée. Elle est restée des semaines ainsi, figée dans sa vie.

J’ai fini par ranger piolets et crampons et j’ai quitté la région.

Quelques mois plus tard, j’ai reçu un courrier accompagné d’une photo : elle grimpait, Charlotte !