n°11


Le Serpent à Plumes
"j'écris pour me parcourir" (Henri Michaux)
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Mai 2019 (n°11)

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Edito
   Météo du 4 mai : " La neige tombe en Ardenne, l'Institut Royal Météorologique Belge prévoit des éclaircies mais aussi des giboulées parfois intenses ".
   Parler de la pluie et du beau temps, quoi de plus important, et poétique ? Heureusement que l'Institut Royal Météorologique Belge existe. Il neige quelque part : il est bon de le dire.
   L'Institut précise : " de la neige fondante, voire de la neige ". Détail savoureux, on a l'impression d'y être, là-bas, en Ardenne, d'assister aux tentatives du ciel pour se rapprocher du sol. Il s'y essaye à petits flocons timides et obstinés.
   Mais cette douceur est trompeuse, l'institut le sait, il y a un " risque de coup de tonnerre et de grésil ". Nous voilà prévenu. Un ciel peut en cacher un autre, il est ambigu. Sa violence est en embuscade derrière sa timidité.
   L'Institut Royal Météorologique Belge lui aussi est ambigu. Puisque royal. Puisque belge. Est-ce qu'on peut d'ailleurs considérer les informations d'une telle institution comme exactes ? En Ardenne, je n'y suis jamais allé. Ni en Belgique. Les Ardennes je connais, L'Ardenne, non. Ne profite-t-on pas de notre ignorance pour nous raconter n'importe quoi, autant dire... des histoires ?
   Pour ma part, en tant que lecteur, j'assume : j'aime qu'on me dupe, qu'on me mène en bateau, c'est ce que je préfère, pourvu que le bateau ait une âme aventureuse. Je trouve que c'est ce qu'il y a de plus important et de plus poétique, j'ai envie de dire de plus réel....
   Ci-dessous, d'autres bulletins météo, tout aussi douteux.

   Patrick Touja

    Ont participé à ce numéro : Lilou / Mathieu / Marie-Christine / Mapie

Lilou

Ou

Sous la pierre grise ou dans le ciel clair
Dans la lune ou au fond du volcan
Au cœur de la fleur ou dans les yeux du chat
Dans un plat de lentilles ou un chapon rôti
Sur une plage blonde ou au sommet de la montagne
Près de toi ou loin de tout
Partout ou nulle part
Au fond de soi ou dans tes bras
Mais où se cache-t-il? Le bonheur.


Autobiographie fragmentaire

Qui est-elle?
Juste une femme banale ou pas.
Étrange, fantasque, sérieuse ou pas.

Elle se cherche encore malgré son âge, la soixantaine bien sonnée.
Sa tête s'emballe encore souvent pour des rêves, des projets irréalistes puis elle redescend sur terre et se dit Bof!
Elle est une sorte d'active-inactive.
Aucune drogue ne l'a jamais tentée. Elle s'enivre d'un verre de vin, du vertige au sommet d'une montagne, de la nausée sur un voilier qui tangue ou d'un sourire.
La nuit l'angoisse la saisit souvent au cœur des insomnies. Pour chasser les âmes errantes, les pensées accablantes, elle se récite des poèmes.
Au grand désespoir de sa mère qui les adore, elle déteste les anniversaires. Le sien en particulier. Elle ne veut pas qu'on s'intéresse à elle, qu'on se dérange pour elle. Elle n'aime pas les fêtes où l'on mange trop, on boit trop, on rit trop fort et où l'on finit par se disputer.
Elle rêvait d'être Einstein ou Picasso maintenant elle rêve de ne pas gaspiller sa journée, d'en faire quelque chose mais, comme on le sait, souvent elle se dit Bof!
Elle a l'impression d'avoir toujours été mariée. Aucun regret, ça l'étonne c'est tout.
Voue étiez prévenus c'est une femme banale donc complexe.

Monologue postprandial

Le cinéma à deux heures de l'après-midi quelle idée j'ai un peu sommeil ils sont moelleux ces fauteuils elle est énervante ma voisine avec son portable écran super lumineux elle a intérêt à l'éteindre quand le film commencera ces pubs qui n'en finissent pas je ferme les yeux sinon il va me parler commenter ou soudain développer une idée qui n'a d'importance que pour lui incroyable comme il pense que l'on doive s'intéresser à tout ce qui lui vient à l'esprit de quoi me parlait-il à l'instant Ah oui des Mayas enfin je crois je n'ai pas écouté juste hoché la tête qu'est-ce que j'ai sommeil toujours les pubs ou peut-être des bandes annonces il faudrait que j'ouvre un œil j'ai vraiment sommeil j'avais un livre à lire je voulais me balader quel film on va voir celui avec Lucchini il me semble pas sûr que ça me plaise adaptation d'un roman de Foenkinos eau de rose assurée ils étaient beaux les rosiers ce matin ils commencent à bien fleurir le rouge surtout c'est beau j'ai le genou qui me chatouille ne pas me gratter preuve de la volonté dur-dur ça chatouille vraiment tiens plus un bruit noir complet je le vois au travers de mes paupières fermées dormir pourvu que Lucchini n'en fasse pas trois tonnes il faut que j'ouvre les yeux il va arrêter de me pincer les côtes je sais que ça commence la musique qu'est-ce qu'elle est forte j'ai sommeil sommeil c'est l'heure de la sieste après tout il faudra que je téléphone à ma mère elle était fatiguée j'ai oublié de demander à Lisa si son contrôle de maths s'est bien passé ça commence Lucchini en gros plan il parle de livres on se croirait à La Grande Librairie apparemment il interviewe une fille toute mignonne intéressant j'ai moins sommeil...

Mathieu




Le café est à la tasse ce que la cervelle est au crâne.

Faits divers
Les jours rallongent (du moins chez nous ; ailleurs ils raccourcissent, car rien ne se perd) ; conséquence du printemps ou non, les cafards se sont organisés en syndicat et réclament la semaine de quarante heures ; le chef du gouvernement est en vacances, il reviendra en juin, a promis son suppléant, « frais et prêt à repartir sur de bonnes bases » a-t-il dit ; ce matin, un autobus s’est pris un éléphant boulevard Clémenceau : un mort, l’autobus, sa femme est inconsolable ; les piverts chantent faux, s’est indigné le chef de l’opéra — un coup des Russes ? — ; la maison de Mogène a présenté sa nouvelle ligne de gabardines en dentelle de cygne au chocolat blanc — un délice pour les yeux comme pour le reste ; la fusée chinoise « Cheval doré » s’est posée sur Mercure, où elle a été très bien accueillie ; l’eau de la Seine fait des ondelettes, celle de la Loire des vaguelettes, le Rhône est aux abonnés absents ; le général Agar-Agar réclame plus de moyens pour ses panzers hurleurs, car dit-il : « la menace est proche » ; aux dernières nouvelles, la menace serait pourtant aux Seychelles en train de faire de la planche à voile ; interviewée par Paris Matin&Soir, la conjoncture se dit surmenée, et projette d’injecter des interjections dans sa jactance ; interrogé sur la signification de ces propos, Bernard Pivot a préféré se jeter du Pont Mirabeau ; on l’a repêché au Pont-Neuf tout fripé mais bien noyé ; la Lune est en pleine phase dépressive, mais la météo annonce qu’elle ne fera pas de quartier en ce qui concerne les croissants ; en revanche, pas de nouvelles des unes de journaux, ils semblent qu’elle aient pris le perlimpinpin pour de l’escampette et filé des bobines aux Anglaises ; si vous voulez mon avis, on est encore bon pour un incident diplomatique avec Albion ; mais trêve de perfidie, c’était les infos du jour saint, rendez-vous ce soir pour le pieux.

***
La lumière orange descend comme une brume, comme l’écume qui joue les filles de l’air, vole, s’élance et s’écrase avec fracas lorsque son rêve se brise. Et sans relâche l’eau repart, esclave consentante du vent qui la jette sur les pierres. La muraille se dresse sous le noir sans Lune et sans étoiles, frontière entre terre et mer, là où il est assis. Les gouttes tombent juste un peu trop court, ne parviennent jamais jusqu’à lui ; leur élan s’arrête à ses pieds. Adossé à la roche, visage fouetté par la tempête, traits cassés par ce qui coule du lampadaire, il joue au maître des vagues. À gauche, elles coupent le chemin, battent la falaise, sûres de leur force, sûres qu’un jour elle cédera. À droite, le mur, la porte, le seuil du retour à la cité. Il est entre deux, entre la pierre et l’eau, entre le jour et la nuit, dans une poche des limbes ; il n’est nulle part ; il est ailleurs.
Marie Christine
Le tiroir de mon secrétaire
Le tiroir de mon secrétaire a abrité l’unique lettre d’amour jamais reçue. En tout cas, c’est la seule dont je me souvienne. Elle était écrite à l’encre bleue, sur un papier à lettre bleu, pliée dans une enveloppe bleue.
Je l’ai rangée là, dans le secrétaire en noyer, qui avait été celui de mon arrière grand-mère. Elle était bien gardée cette lettre, d’un enfant de douze ans écrite à une autre enfant du même âge.
Elle était là, rangée parmi d’autres objets tout aussi précieux : l’encrier de mon grand-père, le porte-plume de ma grand-tante.
Le secrétaire et l’écriture ont tant de mystères en commun, tant de secrets à taire, ou d’histoires à conter.
Le tiroir de mon secrétaire, celui de mon enfance, a renfermé tant de rêves, de secrets, d’histoires inventées.
Je l’ouvre et m’y perd, y invente des manuscrits poussiéreux, rares et inédits, y embarque mes amis. Ils me suivent, médusés ils m’écoutent et me croient. Ils aiment mes histoires.
Le tiroir de mon secrétaire est sans fond. C’est une porte vers l’infini.


Je t'écris d'un pays lointain
Je t’écris d’un pays lointain, pays rêvé, imaginé, bien que réel, où la vie est simple et facile. Nous dormons sous la tente au bord de l’eau, bercés par les vagues. Il fait bon, l’eau est claire, le poisson abondant. C’est le pays du soleil et de l’amitié, le pays de la liberté.
Je t’écris de ce lieu, pays lointain, où je peux m’échapper, à pied ou à vélo, ne rien dire à personne, et je ne risque rien. Je m’échappe vers la vigne, dans les bois, sur les chemins, au gré de mes rêves. Je suis libre.
Je t’écris de ce pays lointain où j’aime aller, au milieu des roseaux, sous le ciel sans nuages, dans le vent qui siffle et souffle et fait sécher le sel. Il y a tant d’oiseaux. Ils sont libres, et je le suis aussi.
Je t’écris de ce pays lointain. Je suis si près, pourtant.


Le tronc d'arbre posé dans la cour

C’est un bateau sur l’eau, une pirogue sur la rivière. On y vit des aventures palpitantes.
Tantôt l’herbe tout 
autour se transforme en flots bouillonnants, en rapides que l’on franchit à grands coups de bras sur des rames invisibles. Tantôt elle se calme et nous glissons sur l’onde silencieuse.
Surgit un crocodile, nous bataillons contre lui. Mon frère armé d’un gourdin, lui tape sur la tête. Moi je rame de plus belle et enfin nous lui échappons.
Nous voyons sur les arbres se poser des oiseaux étonnants.  Des rapaces, des perroquets, aux plumages variés et aux cris inconnus, qui sont autant de langages charmeurs.
Le tronc d’arbre posé dans la cour avance à vive allure. Il faut nous dépêcher car vient l’heure du repas. Nous ramons et ramons encore. Les paysages que nous traversons nous enchantent. Nous croisons un trappeur et échangeons avec lui sourires et signes de la main.
Le soleil est bien haut, nous mettons nos chapeaux. Nous nous passons une gourde d’eau fraîche, toujours imaginaire. Mais que c’est bon et rafraîchissant !
Le temps passe vite, l’aventure est intense. Des animaux furètent sur la berge. C’est à peine si nous les distinguons.
« Qu’est-ce donc ? as-tu entendu ? »
« Oui, je le vois, c’est un castor, je crois. »
Il va falloir penser à accoster. Il est grand temps de s’arrêter.
Nous trouvons une plage, attachons le bateau. Un dernier coup d’œil au tronc d’arbre posé dans la cour, immobile au milieu de l’herbe rase et clairsemée, nous permet de nous assurer qu’il est bien amarré.
Heureux, les joues roses de l’air frais, la tête dans nos rêves, nous rentrons pour déjeuner.
La table est vide, il est trop tard. Mais quelle heure est-il donc ?
Nous irons manger chez Plumeau.
Marie Pierre


Je pars

Je pars, je pars , mes Amis je pars. Je pars vagabonder sur les mers du globe  je vous laisse mon chat ,la maison ,le jardin ,la grotte et ……
Voici quelques conseils pour les garder en bon état .

Thibald  Je te laisse mon adorable petit Chakti que j’aime particulièrement; n’oublie pas de le nourrir chaque jour d’une souris que tu auras trouvée dans les égouts de l’Huveaune.

Tancrède , mon frère ,je t’abandonne la maison ,je te recommande d’ouvrir les fenêtres pour faire rentrer le grand air et les pollens printaniers ,de laisser la porte ouvertre aux S.D.F.qui profiteront du toit  les nuits de pluie .

Théophile  Voici le jardin que tu pourras piétiner à ta guise ,  où tu pourras inviter les oiseaux à picorer les graines de la pelouse ,les fleurs fleuriront pour ton plaisir et les arbres te couvriront de leur ombre .

Archibald   Connais-tu la grotte au fond du jardin ? Elle est pour toi ,si tu le veux ,il y a une araignée avec sa toile invisible ,il y un fantôme avec des chaînes qui apparaît chaque nuit ,il y a de la musique lancinante qui pleure ,
il y a une source jaillissante qui bondit du rocher latéral .

Gudule ,ma soeur ,je te confie mon trésor ,c’est un secret ,je t’en parlerai plus tard ,il est caché entre les arbres du jardin ,pres de la grotte ,derrière la maison le chat peut t’aider . Cherche le ,découvre le ,prend soin de lui et vis .





Instructions pour rêver

D’abord se trouver Seul .On peut être allongé sur un divan le jour, ou dans son lit la nuit ; on peut aussi être sur un divan la nuit et dans son  lit le jour , peu importe !

On peut être assis à son travail devant l’ordinateur .Il est possible d’être habillé chaudement dans une cabane au Canada ou nu dans une case Africaine ,être au 86eme étage d’un gratte ciel à New-York ou sous terre dans une cathédrale en Ethiopie .

Il faut simplement se relaxer, être ZEN  ,laisser s’échapper ses pensées ,ses émotions, ses idées et planer avec délice ou avec angoisse dans lles coins et les recoins de sa vie et du cosmos  ;alors le sommeil arrive nous enlace, nous comble,  nous lache dans le désir de nos rêves qui peuvent être absurdes, merveilleux, atroces ,cauchemardesques ,érotiques .