mardi 29 avril 2014

Ailleurs?

Ailleurs?
Tout ici est tellement bien rodé, tout tourne même si parfois on a la sensation d'imperfection, au final, c'est pas si mal et on est que de passage. Des paysages variés s'offrent à nous, il y en a pour tous les goûts ou presque, il suffit de se déplacer sur cette planète, le problème serait de pouvoir changer à souhait. Oui mais après il faudrait s'adapter, se rephaser, actualiser son parler à moins d'aller dans un coin sans humain, un bout de terre sans congénères, le vide planétaire. Pour certains, l'enfer c'est les autres, pour moi une terre sans personne ,c'est l'horreur, il me faudrait au moins une licorne, je pourrais la contempler, de sa corne baignée dans l'eau, elle aurait tout purifié, les prairies seraient parsemées de fleurettes mais je m'ennuierais, il me faudrait aussi quelques diables à cornes et pattes velues comme ceux que je photographie sur les gargouilles quand l'envie d'ailleurs me chatouille et puis de la couleur, plein de couleurs, je serais peut être bien sous une pluie de couleurs, au milieu d'arbres en couleurs, d'animaux en couleur mais ma licorne ....Et tous ces poils et plumes identiques, quel ennui!Alors une bonne pluie, une pluie bien de chez nous pour laver tout ça, c'est ce qu'il y a de mieux! Quand j'invente une pluie de confetti, de fleurs ou de papillons je suis confrontée à l'uniformité.
Ma tête n'est pas faite pour l'ailleurs, quelques rêves et je reviens sur terre, dans la réalité.A moi de faire ma place avant de connaitre d'autres espaces.

heure d'été

Horaire décalé, horaire d'été, deux heures dans le système solaire vous me direz, c'est pas grand chose, la vitesse de rotation planétaire n'est pas à quelques minutes près! Mais si, imaginez que tout se mette à accélérer ou ralentir, même le soleil y perdrait son latin, que dis je? il ne s'agit pas de littérature mais de loi mathématique. La preuve: comment lire l'heure sur un cadran solaire avec ces décalages qui changent deux fois par an, en voilà une question. Moi, pauvre mortelle, il parait que j'ai une horloge biologique en moi, une horloge qui me dit quand c'est le moment de manger , de dormir, je suis en phase avec le monde. Il est normal que les jours grandissent en été, ça je vous l'accorde mais qu'ils se déphasent...C'est comme si vous vouliez décentrer une roue, essayez sur votre vélo et vous m'en direz des nouvelles et je ne vous parle pas des engrenages, imaginez les dérapages! Demandez à nos amis les bêtes, eux restent en phase avec le soleil, ils ne vivent pas avec deux heures de décalage et je ne vous parle pas des animaux d'élevage, ils sont aussi déboussolés que leur maître. Le soleil au zénith à deux heure de l'après midi quelle ineptie! D'ailleurs on retrouve ce problème en hiver, une heure seulement mais une heure c'est une heure! Pourquoi ne pas respecter cette longue nuit d'apaisement pour se préparer au printemps. L'homme est fou dans ce système, il parait que la nature se vengera un jour, c'est  la raison que nous donnera la lune pour justifier son éloignement à petits pas. Quoiqu'il arrive dans cet univers en expansion, j'ai de plus basiques réflexions:
"Il est 18 heure, est ce l'heure du goûter, du souper, je ne sais pas trop avec cette heure d'été, il en va de même avec le coucher, lever....J'en suis fatiguée, comme je ne sais plus me situer venez donc boire un verre de l'amitié, celui ci se moque de sa place dans la journée!"

lundi 14 avril 2014

A Roger, à tous les miens


Nous n'avons rien fait que vivre. Faire rien, est-ce déjà quelquechose? Les minutes ont passé, les heures et les jours, sans qu'il en reste de trace. Le temps s'est étiré du côté du futur, nous sommes restés invisibles, secrets. Pas d'histoire; pas de livre d'histoire; pas de livre de notre histoire.
Combien faudra-t-il de temps pour qu'il ne reste de nous aucune trace, aucune mémoire, aucune couleur, de nous qui ne sommes pas Mozart mais des anonymes du petit peuple, qui se sont aimés?
Dans un siècle peut-être encore une photo trainera dans un tiroir, et des gens diront: Qui était-ce?
Dans deux siècles, c'est sûr, nous aurons vraiment disparu.
Et pourtant nous sommes la foule. Sans des milliards d'invisibles, sans notre musique à chacun, pas d'histoire,pas de foule, pas d'humanité.
Nous avons été des parcelles de l'humain dans l'immensité, pour la nuit des temps.
Rien ne pourra faire que nous n'ayons pas été. Nul besoin de mémoire.
C'est là, nous sommes là, au monde. Pour toujours.
Notre absence, notre inexistence, qu'aurait-elle changé à demain?

mercredi 9 avril 2014

La roue qui rêvait d'être carree

J'étais une roue de charrette, malgré les nombreux soubresauts subits tout au long de ma vie, j'avais gardé une forme parfaite, je répondais à la loi du cercle. La seule fois où je m'étais un peu décentrée, on m'avait brûlée dans les feux de l'enfer, chez un forgeron qui faisait tourner rond les rebelles de mon espèce. Alors j'ai continué  mon chemin, que dis je? des chemins! J'en ai parcouru des kilomètres, moyeu bien centré, rayons rectilignes, j'avançais en toute amitié avec les chevaux que fouettait le cocher. Je roulais si rondement que le soir pendant que mes compagnons dormaient debout, on me calait avec un caillou. je ne devais plus bouger. Parfait, j'en rêvais, j'étais usée, fatiguée mais cette pierre  me gênait, m'agressait."Si j'étais carrée, je pourrai me poser sans cette douleur dans mon côté, s'ils insistent, ils devront prévoir des rustines."
Cette idée d'être une roue carrée m'amusa, j'imaginai les hoquets des passagers, les insultes proférées par leur voisin cogné. Et puis, ils se mordraient la langue, émettraient des grognements et les chapeaux! dans le dos, sur les yeux , par terre, envolés, de travers de côté, plus question de charmer!
Certes, on voyagerait au ralenti mais j'en sortirai grandie, j'aurai participé à l'invention d'un nouveau vocabulaire, en effet, une roue ronde roule mais une roue carrée! Que fait elle ? Elle carraquelle.
Et bien oui, je voudrai être une roue carrée et carraqueller tranquillement, fini la vitesse, glisser un peu et toc, changer de direction, glisser et toc, reprendre le chemin, glisser un brin et toc, suivre le sillage, glisser sage et toc....
C'est décidé,  je vais voir le charretier et demain je roule carré!

inventaire d'un soir printanier

Le jardinier a posé ses râteaux, il fait frais, ce n'est pas encore l'été.
Le tas de feuilles sèches et craquantes est laissé en témoin de la saison passée.
Pourtant les parasols sont sortis et l'enclos verdit, des enfants rient.
Les tissus se font légers et les pulls sont noués.
L'arbre de Judée aux rose intense nous dit que le printemps avance.
Graminées, lierre et fumeterre partent à l'assaut du gris de la pierre.
Le végétal étale sa puissance et se joint à la danse.
Une farandole, un sirtaki, je ne sais pas, une voix qui vient d'un pays là bas,
peut être chez Mandela, il sourit.
Encore quelques jours et l'africain multicolore sera en harmonie avec la nature et les créatures que nous sommes, en pointillés dans le paysage.
Un oiseau de passage.
Tiens, Francine vient, porteuse d'un message?

dimanche 6 avril 2014

La rue

Il y a une rue qui monte sous le soleil d'été.
Le caniveau central serpente entre les pavés irréguliers.
Il y a des gens qui montent la rue; un jeune qui court, casquette vissée sur la tête, pour en rattraper un autre, plus haut.
Un garçon qui dévale la rue à la poursuite de son ballon échappé.
Il y a du linge aux fenêtres.
Il y a des façades grises et sales, des volets qui battent, des carreaux cassés.
Il y a des façades roses et ocre, repeintes de neuf. Ce mélange. Et les odeurs qui s'échappent, odeurs d'égouts, de friture, parfum de savon et de lavande devant la boutique de souvenirs.
Il y a des voix qui s'apostrophent haut et fort.
Il y a des noirs et il y a des blancs.
Il ya des habitants et il y a des touristes.
Moi seule, peut-être, connais ce qu'il y a derrière presque toutes ces portes, ces volets, ces façades.
Je suis payée pour ça, taper à une porte, monter un escalier, découvrir un taudis ou un petit loft délicieux.
Il y a tous ces gens que je croise. Ceux qui me connaissent et me saluent. Ceux qui me connaissent et détournent le regard.
Il y a les touristes qui me demandent le chemin du musée; ceux qui s'extasient devant la rue étroite, qui la trouvent pittoresque, qui l'ont déjà vue à la télé.
Il y a la balayeuse municipale qui monte et descend la rue plusieurs fois par jour, il faut qu'elle soit propre.
Il y a le maire, qui s'enorgueillit de cette rue, de ce quartier ancien qui attire les étrangers, les parisiens.
Il y a les enfants qui me connaissent et viennent m'embrasser.
Il y a cette femme au boubou coloré qui sort son petit de la poussette pour que j'admire comme il grandit bien.
Il y a un chat qui traverse.
Il y a des crottes de chiens oubliées par la balayeuse municipale.
Il y a la voiture blanche de la police municipale qui tente de se frayer un chemin dans la rue encombrée.
Il ya tout un quartier dont il faut déloger la pauvreté. Un quartier qui doit devenir une vitrine, une destination prisée des voyageurs.
Il y a moi qui parcours la rue à longueur de journée. Je hume, je regarde, je devine. Je suis payée pour ça.