mardi 29 mars 2016

Le musée des rêves

Je traînais mon ennui dans les allées grouillantes de la fête foraine. Juste à côté du train fantôme, une pancarte attira mon attention. Des lettres dorées sur un fond bleu de cobalt signalaient que l'on était devant le musée des rêves.
Il s'agissait d'une sorte de dictionnaire géant, debout, un peu flottant, gélatineux comme une méduse. Pour entrer, il fallait tourner la première page. Aussitôt, dans une sorte de hall brumeux, des mots dessinés sur le sol apparurent puis formèrent un escalier qui était une véritable invitation à s'y engager, ce que je fis sans réfléchir. Un panneau lumineux s'éclaira et m'indiqua que ma destination dépendrait du mot sur lequel je m'arrêterais. J'ai fait halte sur le mot tombe. Immédiatement, tout s'est obscurci, j'ai senti que je tombais, tombais, tombais sans fin... et sans aucune peur. De place en place apparurent des sortes de spectres diaphanes qui me firent de petits signes de leur main transparente. Impossible de m'arrêter. Autour de moi, tout s'effilochait, fondait, disparaissait dans un abîme sans fond. Je me suis retrouvée dans une sorte de caveau minuscule dans lequel je tenais à peine et dont je suis sortie avec difficulté et soulagement. D'autres mots apparurent alors dans le brouillard environnant. J'eus très envie de changer d'ambiance et ne m'arrêtai que lorsque je découvris le mot soleil. Éblouie par la lumière qui se fit instantanément, je distinguai des silhouettes que je supposai être des visiteurs du musée. Ils étaient nus et bronzés. Ils riaient un peu sottement comme on rit quand on est heureux. Autour de nous, tout n'était que chaleur. Je me dévêtis à mon tour et comme ces émotions m'avaient donné faim, je me mis en quête du mot manger. Aussitôt, je me retrouvai dans une salle dans laquelle des gens étaient assis autour de tables surchargées de victuailles toutes plus alléchantes les unes que les autres. Satisfaite, je me dis que voilà le lieu que je cherchais. J'allais prendre place quand je réalisai que le silence s'était fait brutalement et que tous les regards étaient tournés vers moi. Horreur! J'étais totalement nue! Couverte de honte je m'enfuis, je m'enfuis...droit devant moi...je sautais de mot en mot s'en m'arrêter. J'ai tourné des tas de pages aussi lourdes que celles des livres que l'on n'arrive pas à lire...pour, finalement me retrouver dehors... parmi la foule qui déambulait tranquillement... j'étais vêtue tout à fait normalement. Devant moi, dans une guérite de bois clair, un homme habillé en arlequin me tendit un ticket. Dix euros madame. Ça vous a plu?  je sortis un billet en silence.
Avant de partir, je me retournai, le musée avait disparu.

Portraits

Une idole

Il a un piège à filles,
des cactus dans les poches.
Il fait pas-ci, il fait pas-ça.
C'est un vrai gentleman
mais un peu cambrioleur
Quand la place Dauphine
a mauvaise mine,
il fait Crac-Boum-Hue!
Et se réfugie
dans un petit jardin
qui sent bon le métropolitain
avec un rouge-gorge dans son sapin.

Un ami

Les doigts qui roulent une cigarette
toute mince, mal faite.
Les yeux cachés par la fumée,
le sourire de la Joconde
accroché au coin des lêvres.
Peu de paroles.
Le corps un peu massif, présent.
Un air souvent pensif,
là et ailleurs.
De la distance entre toi et nous.
Un livre dans la poche
partagé avec qui le désire
la gentillesse en prime
et la douceur qui tient à distance.
Pas d' effusions.
toutprès et si lointain.
Derrière l'écran de la fumée,
l'air d'avoit tout compris,
d'en avoir pris son parti.

dimanche 27 mars 2016

Portraits

Pas d’instrument et pourtant tout était musique en lui, autour de lui.
Sa voix modulait les harmonies, ses joues , ses cuisses étaient percussions.
Une petite boîte, une paille et voilà il vous jouait du Mozart
Une herbe, une coquille de noix, des bambous et la nature devenait orchestre.
Toute la terre chantait dans ses ocarinas.

*

Elégante, accueillante
Spécialiste des coktails, des soirées , des thés
Importante dans toutes les réunions
Semble avoir beaucoup d’opinions
Tu arrives souvent en retard pour attirer les regards
Mais tu n’écoutes pas ceux qui te parlent !

*

Tu prends le soleil sur ton banc
La nature, tu en tant besoin
Tes jambes ne te portent plus
Tu es dans une maison de soin
L’arbre sous lequel tu es assis
Te parle et te console
Il te décline les saisons par son feuillage
Et te raconte ton village
Ma main sur tes genoux osseux
Pas de discours
Notre écoute dans le silence


concierge

Elle sait tout
Quand elle ne sait pas
Elle sait qu’elle saura
Elle monte lentement les escaliers, les redescend tranquillement, un chiffon caressant la rampe
Elle écoute partout, elle saura
Le hall est lavé , récuré, avec ces microbes mutants il faut désinfecter
Elle guette toutes les entrées, les sorties aussi,
Le temps de montée des ascenseurs, il faut déterminer l’étage, on ne sait jamais
Elle épie le bruit des clefs dans les serrures, elle les connaît toutes, celles qui grincent, celles qui cliquètent, un tour deux tours, un verrou , une fermeture trois points.
Elle saura
Elle écoute la radio dans sa loge, si un fait divers était annoncé au 21 de la rue Perrin, elle saurait, la police viendrait, elle raconterait…
Si seulement, elle attend, l’œil vide derrière son guichet.
Heureusement il se ravive quand arrive l’heure de mon chocolat.


Définitions

Cœur :
expression courante. Prendre à cœur son petit coin de jardin, semer des cœurs d’artichaut, des cœurs de salade. Corps à corps avec la terre, cœur à cœur avec les fleurs, encore et encore et chanter en chœur

individu
un qui dit quoi, il sait pas, normal il est vide, un qui parle de vide ça donne rien, bref un individu est un être vide qui n’a rien à dire

grimace :
grimer son masque, le sortir de sa masse grise de limace, parader au dessus de la masse

imaginer :
ici, un mage gît mais sur ce triste lieu une image est née comme par magie, un vrai pied de nez


Message d’images

« Jeunesse, adulte en devenir, avec vous je revendique.
Agir pour qui, pour quoi ? gagner sa vie certes mais veiller à ne pas disparaître sous le rouleau compresseur des cases toutes faites.
Cultiver le geste créateur celui qui donne de l’épaisseur à l’homme.
Valoriser la beauté qui de l’acte de faire enrichit l’être.
Gandhi préconisait d’avoir toujours un ouvrage voisin du tissage pour sentir dans ses mains la liberté de créer

jeudi 17 mars 2016


Le destin

Une belle table en fer forgé recouverte d’une nappe à carreaux offrait café et croissants chauds dans la salle à manger d’un hôtel art déco.
Un petit homme d’allure martiale s’était installé près de la baie vitrée, le jour était à peine levé, il attendait avec une impatience certaine sa voisine de chambre. Ils fréquentaient le même établissement thermal depuis plusieurs années mais ne s’étaient encore jamais parlés. Ils devaient souffrir de mots similaires, toutefois leurs tenues raffinées ne laissaient rien paraître de leurs douleurs. Lui, costume gris et nœud papillon, elle, robe de dentelle et chapeau à voilette.
Ce matin là, tout en lissant sa moustache parfaitement taillée, il observait les mains de sa compagne d’infortune, il s’intéressait au moindre des ses gestes, il avait en effet trouvé au sommet d’une côte face à la mer, dans un décor de carte postale, une vieille table d’orientation sur laquelle un gant de femme oublié semblait montrer le sud. Ce gant correspondait en tout point à la longue main délicate de la belle curiste. C’est elle, forcément, c’est elle ! Il se souvint soudain avoir aperçu sa silhouette au détour d’un bosquet sur la colline. Elle devait nourrir le désir de fuir cette ville livrée aux embruns pour rejoindre une mer joyeuse et bleue, sans doute les jardins Hanburry illuminés de soleil. Elle avait en effet la chevelure brune et le regard profond d’une italienne. Il les connaissait bien ces jardins, il affectionnait les terrasses er gloriettes descendant en terrasses jusqu’aux plages inondées de lumière, il s’imaginait se promenant à son bras dans les allées ombragées par les pins maritimes. C’est avec elle qu’il retournerait là bas !
Il glissa discrètement un billet sous la tasse de porcelaine, un billet où figurait l’horaire du train en partance pour la péninsule le lendemain matin, elle sera là, il en était certain.
Après une journée de soins variés, la nuit fut agitée, il n’avait pas de réponse mais à chaque réveil nocturne, dans une transpiration suffocante il se répétait : « Elle sera là, j’en suis certain ! »
Suite à ce sommeil perturbé, il se leva tard, le petit déjeuner avait refroidi et l’élégante était partie. Il boucla rageusement sa valise et se fit conduire à la gare dans le taxi noir. Arrivé sur le quai, il ne vit qu’un mouchoir agité à la portière d’un wagon. Dans un panache de vapeur, il comprit alors qu’un retard de quelques minutes peut changer la vie et le destin.
Il essuya une larme et mit ses espoirs sur l’an prochain.


La tasse

J’étais élégante et fragile, parfois froide, parfois chaude, tout dépendait de la boisson désirée par Madame La Baronne. Il faut dire qu’elle me sollicitait maintes fois dans la journée, les gens de son rang avaient le temps . Mon premier contact avec elle avait lieu le matin, Madame m’accueillait dans son lit à baldaquin, puis j’étais de nouveau appelée à son service vers 10 heures, j’ose croire que mon aide était précieuse dans la prise des décisions concernant les domestiques. Elle me tenait fermement dans sa main droite, la gauche étant en appui sur sa canne. Parfois je sursautais quand un geste d’impatience ou de colère la faisait trembler, je m’efforçais alors de maintenir le liquide horizontal. Elle me caressait longtemps tout en regardant le jardin de roses bordant la terrasse. J’avais un privilège, Madame De La Potinière s’occupait exclusivement de moi, je ne passais pas entre les mains des soubrettes, je ne quittais pas ses appartements, j’étais épargnée des eaux grasses en cuisine, je n’allais pas plus loin que son boudoir. Pendant mes pauses, je trônais sur un napperon de dentelle, j’étais soulevée uniquement par des mains gantées. Je me souviens du contact de ses lèvres, elles étaient si douces ! Elles laissaient une légère trace colorée sur mon rebord, j’aurais aimé garder cette précieuse signature, mais elle me nettoyait d’un mouchoir de lin blanc, il m’était réservé et c’est avec fierté que je frissonnais sous les initiales brodées. Ce que j’appréciais avant tout, c’était son regard qui me traversait quand le contenu avait disparu de mes flancs, elle me soumettait à la lumière du soleil et je lui offrais ma transparence. Elle souriait devant le décor asiatique qui s’animait. Et oui, je viens de Chine, je suis un cadeau de l’Empereur Zintchou, son amour envolé.
Ma belle destinée fut brisée par un événement aussi terrible qu’inattendu, un déménagement ! Je n’en connu jamais les raisons. Pendant plusieurs jours et nuits je fus confinée dans du papier journal, moi qui ne connaissais que la soie !Je fus coincée entre des assiettes et des plats de terre vulgaire, je crus mourir de déshonneur. Mais dans cette décadence, le pire était à venir.
Le moment de la libération arriva, du moins je le croyais, je fus déposée dans un salon aux couleurs défraîchies dans une aile de la nouvelle bâtisse. Je ne vis plus jamais ma superbe maîtresse, complot de famille, perte d’argent, je ne sais pas. Je tombai dans les mains d’un individu inculte et maladroit qui me lâcha sur le carrelage cassé, je résistai mais je ne pus accepter cette faille en mon sien, j’étais défigurée ! Je ne pouvais cicatriser d’autant plus que j’entrai en disgrâce dans la cuisine où je sers de mesure à farine. Vous imaginez ?
Je rêve d’être définitivement brisée tout en espérant finir en mosaïque sur le banc du jardin botanique.


Je, tu….

Devant mon pupitre, je chante un air d’opéra baroque, tu chantes une chansonnette ! Non pas du tout, c’est une air que nous avons entendu à la Fénice, vous connaissez La Fenice ? C’était une soirée superbe, ils avaient revêtu leur cape vénitienne pour cette occasion unique. J’y suis allée l’an dernier, ils chantaient du Monteverdi, les voix étaient magnifiques, elles étaient à la fois fortes et sensuelles. Je n’ai pas la tessiture d’un ténor, tu es haute contre, ils n’ont pas besoin de haute contre, pourquoi t’entrainer alors ? Nous pouvons toujours faire une annonce, on ne sait jamais. Ils répondront peut être. Tu verras à l’audition, je présenterai un air de Farinelli, vous viendrez tous et vous verrez je serai applaudie. Tu t’en persuades, ils jugeront, tu seras à l’affiche. Je chanterai à la Fenice, nous serons heureux, tu voulais être un artiste.


Le photographe

Il a photographié des paysages de toute sorte
Des montagnes
Des plaines
Des mers du monde entier
Des villes de tout le globe
Des campagnes verdoyantes
Il a photographié des monuments
Des rues animées ou désertes
Il pris des clichés de la nature entière
Des arbres spectaculaires
Des fleurs minuscules
Des brins d’herbe dans le vent
Des champs labourés et des friches abandonnées
Il a utilisé toutes les techniques
La macro, le zoom et le panoramique
Il a photographié en couleurs en noir et blanc
Il s’est servi de l’instamatique, de l’argentique , du numérique
Puis il s’est intéressé aux gens
Il a tiré des portraits de sa famille
Des enfants, des enfants des copains
Des enfants qu’il rencontrait
De ceux qui l’attitraient
Une plainte a été déposée
Il est recherché, c’est sa photo qui est affichée
Maintenant il est enfermé ;


Le marcheur

Il a marché sur tous les sentiers
Sentiers de découvertes ou de grandes randonnées
Chemins répertoriés ou chemins d’aventure
Il a marché le long du littoral, au sommet des montagnes
Il a arpenté les villes, les capitales et les banlieues
Il a gravit des sommets et longé les rivières
Il a marché en baskets, mocassins et brodequins
Il a marché dans tout le quartier
Il n’avait pas de voiture
Il a marché pour faire ses courses
Pour aller jouer aux boules
Pour aller au cinéma ou simplement faire quelques pas.
Un jour fatigué, il a fait du stop.
Lui qui ne connaissait que ses souliers est mort écrasé.


La ponctuation

Un soir d’été, au cours d’une rencontre littéraire, on me proposa de lire un texte d’un auteur contemporain. Tout le monde connaissait mon goût pour cet exercice, j’acceptai sans porter le moindre regard sur la page typographiée.
Ce soir là , je crus mourir étouffée, l’extrait ne présentait aucune ponctuation. Impossible de moduler la voix, vous savez, cette voix qui monte avec la phrase puis qui retombe sur le point. Ce cher point, le rendez vous du timbre et de l’intention, ce point où le lecteur se repose, ce point qui permet d’entendre, de comprendre le propos qui vient d’être énoncé, ce point qui permet de savourer les mots, d’en digérer les subtilités, ce point qui permet de reprendre le souffle apaisant, de se préparer pour un nouvel élan. Après lui arrive la majuscule, enluminure d’un nouveau départ vers d’autres contrées.
Je ne vous parle pas de ses confrères trois points qui contrairement à lui tiennent le son comme une suspension, une note tenue dans la partition. Ils tiennent en haleine, laissent rêver l’auditeur, lui tendent la main vers son imaginaire. On est en arrêt, dans l’évasion, dans les prémices de l’advenir, on lâche en douceur puis on s’efface devant l’avancée de la pensée.
Là, dans ce texte présenté, point d’arrêt, même pas la légère respiration de la virgule, cette petite vague incisive et douce à la fois, cette césure qui coupe mais n’interrompt pas le discours, cette césure qui ne tombe pas mais éveille l’attention sur la suite, sur le mot qui va compléter le déjà dit. Elle signale l’incomplétude et l’enrichissement à venir.
Et comment interpréter cette question sans le majestueux point d’interrogation, une question n’est pas linéaire, elle suit la courbe de la graphie par une montée en douceur puis une douce inclinaison amène l’épaisseur de la demande. Un petit espace signifie l’attente de la réponse et le point marque alors la pesanteur du doute , l’exigence de la réponse, là la voix ne retombera avec lui, elle est encore en lui dans l’incertitude de ce qui suit.
Et le point associé à la virgule ?....


Fait divers

Mr Dubrovitch s’est levé comme à l’accoutumé à 7 H . du matin, pour ne rien faire, il est chômeur depuis peu mais il a gardé ses habitudes. Dans son appartement de banlieue, il allume la radio pour écouter les infos en buvant son café. La circulation routière est compliquée ce matin, il pleut, on annonce des embouteillages dans plusieurs quartiers de la ville mais il n’est plus concerné et continue à beurrer ses tartines.
Un coup de frein terrible sur l’autoroute P33, une voiture s’est mise en travers de la chaussée, derrière elle un carambolage en chaine comme il se doit, il pleut. Les véhicules accidentés paralysent le trafic, on craint de nombreux blessés.
Mr Dubrovitch en est à son deuxième café, en soupirant il entend le journaliste annoncer les reprise des hostilités à la frontière palestinienne.
Le temps est de plus en plus sombre, le ciel semble rejoindre la terre, les éclairs fendent les nuages d’encre, l’électricité est coupée. Plus de radio, il est coupé du monde .
Les passagers épargnés sortent des voitures lampes de poche à la main, ils essaient de se renseigner et pansent les plaies des blessés. Ils cherchent à savoir l’origine de l’accident, la colère monte quand ils découvrent les cadavres de batraciens sur la chaussée. Les ambulances, dépanneuses et forces de police arrivent enfin. L’agitation est extrême, les services de l’autoroute craignent des manifestations de mécontentement devant la cause de l’accident.
Des trombes d’eau tapent aux carreaux de Mr Dubrovitch, il pense à ses anciens collègues sans doute aux intempéries, réunis au café du coin. Il enfile son imperméable de chantier, il l’a gardé en souvenir et descend les rejoindre.
Le bar est animé, dès son entrée il est intepellé :
« Eh Dubrovitch, tu étais bien là quand on a construit les passages à crapauds en 1980 »
« Bien sur, que de fric dépensé et moi qui peux à peine manger ! »
« t’as raison, regarde la télé, ils se sont tous encastrés à cause d’un crapaud qui traversait, cette idiot n’a pas pris le chemin ! »
« Je leur avais dit que la solution était mauvaise, reste plus qu’à mettre des panneaux »
« pour qui pour ces baveux ou pour les automobilistes ! »
Heureusement il n’y a pas eu de victime, que de la casse mais la circulation est coupée dans les deux sens.
Le lendemain, le ministère de l’environnement rappela Mr Dubrovitch pour une nouvelle étude sur le passage des grenouilles au sud de la ville.




mercredi 16 mars 2016

Mercredi 16/03/2016


"Les sièges ac cul lés!"

Le vieux trône inutilisé depuis quelques siècles attendait que tout le monde soit réuni dans la grande Brocante qui entamait son premier jour de soldes.
Ce matin était un matin particulier. Le vieux trône avait réussi non sans mal à rassembler tous les sièges dont on ne voulait plus . Le fait d'être là ne leur convenait pas du tout, ils détestaient ça ,de plus leur valeur dépréciée leur donnait du vague à l'âme!
On allait bientôt les trier,les ranger, les étiqueter....
Les sièges pliants étaient en retard ,ils se plièrent adroitement et s'engouffrèrent in extremis au moment où la porte allait se refermer
A présent tout le monde était là en ce jour important.
Le vieux trône se balança et retomba bruyamment pour demander le silence.
Il remercia d'abord tous les sièges de s'être  rapprochés sans oublier les coussins,les housses et les galettes qui naturellement étaient aussi de la partie.
-"Mes chers amis l'heure est grave!" hurla le trône
Quelques chaises pipelettes heureuses de se retrouver côte à côte bavassaient entre elles ignorant l'annonce du vieux trône.
-"Chut,silence!" reprit celui ci.
Des grognements moqueurs s'élevèrent Ce vieux trône qui tenait à peine sur ses pieds ne les impressionnait pas.
Il avait résisté jusqu'ici dans un vieux monastère perdu dans la France profonde ne servant plus que de décoration . Sa voix tremblait ,la fin lui semblait proche ,il priait pour qu'un chatelain amoureux de la royauté passée entre dans la brocante,le choisisse, le retape bref  s'occupe un peu de lui...
Les autres sièges par respect finirent par se taire et par  l'écouter
Le vieux trône craquant de vieillesse et de peur continua:
-Mes amis,il est temps de se poser les bonnes questions et d'envisager une solution devant le problème actuel! La brocante  a fait l'effort de nous accepter exceptionnellement mais ce n'est pas par charité et encore moins pour faire du bénéfice sur notre dos !Vous pensez bien qu'elle n'est pas dupe et qu'elle sait pertinemment que trés peu de nouveaux clients nous emporteront, premièrement vu l'état dans lequel nous sommes et deuxièmement vu la nouvelle loi qui est entrée en vigueur! Si nous ne nous réveillons pas je ne donne pas cher de notre peau !enfin de notre bois! enfin de nous!..."
Des grognements moqueurs reprirent de plus belle.
-"Parle pour toi!"cria quelqu'un
-"sauf votre respect vieux trône vous nous mettez la pression et puis nous ne sommes pas tous égaux devant ce problème!" renchérit un autre
-"Oui,il a raison!" scandèrent les autres en faisant crisser leurs pieds sur les carreaux en signe de mécontentement.
Un siège pliant enchaîna:
"Vieux trône,j'ai déjà participé à plusieurs manifestations après que la foule se soit échauffée et veuille se reposer un peu ok?a présent je suis à la retraite c'est terminé mais je me sens encore solide et utile et je suis sur qu'une famille aura besoin de moi ne serait-ce que pour partager un pique nique sur la plage par exemple A moi à présent le plaisir de me prélasser au soleil ,je l'ai bien mérité!Osez dire que je ne serai pas utile au fesses de mémé pendant les vacances!"
Les chaises de cuisine vintage et colorées des années soixante en conciliabule affrontaient du regard celles aux dossiers hauts et travaillés des salles à manger . une se risqua:
-"Tout ça c'est de leur faute! la nouvelle loi ne nous concerne pas!Le derrière des gens ne nous épouse que vingt minutes maximum par jour pour avaler un en cas vite fait .Ce n'est pas nous les responsables ce sont elles avec leurs frères canapés qui ont favorisé et encouragé le prélassement des êtres humains devant leur télé et leur ordinateur!"
Un canapé réagit en entendant ces mots:
"Mais mes pauvres, vous ne servez plus à rien on vous a remplacé par de hauts tabourets dans les cuisines à l'américaine !alors fermez là vous n'êtes plus concernées!"
Une housse de canapé n'y pouvant plus aidée par son ami coussin se précipita sur les galettes de chaises pour les piétiner:
"Répète un peu ce que tu viens de dire toi avec tes collègues!"
-"Je répète,je répète (son cordon trés solide ne se dénouait pas) je dis que c'est à cause de vous les confortables qu'on en est arrivé là voilà ça devait arriver!
Le vieux trône était désespéré de voir tant de haine:
"ça suffit!" hurla t-il "la question est la suivante comment secouer les gens qui s'avachissent à longueur de journée (en particulier les hommes) soir et matin devant leur télé ou leur ordinateur?Car la loi est formelle !Qui aurait pu imaginer qu'un jour de minis caméras observent les faits et gestes des êtres humains chez eux et les condamnent à de lourdes amendes s'ils prolongent leur position assise un peu trop longtemps?"
Un siège trés inquiet demanda:
"Pensez vous qu'ils vont ainsi se débarrasser de nous au fur et à mesure et adopter d'autres coutumes comme dans les pays d'orient par exemple où l'on vit à même le sol?"
-"Je ne pense pas que celà aille jusque là"dit un clic-clac philosophe et optimiste. Bien sur la position assise sera minutée mais ce n'est pas pour celà que nous disparaitrons totalement et je suis sûr que les enfants si je suis acheté me sauteront encore dessus joyeusement,que les chats se loveront toujours contre moi et que les amoureux continueront à s'ébattre !Non les seules personnes qui auront à craindre cette loi seront les inactifs,les paresseux,les obèses bref et cette loi n'est pas nulle à cent pour cent elle est faite aussi pour le bien de l'humanité pour leur santé!"
-"Donc il faut se faire à l'idée donc que nous servirons quand même de moins en moins !"reprit un canapé en cuir design mais troué.
Le vieux trône soupira
-"La seule chose qui pourrait peut être nous sauver serait le recyclage! Vous savez que le recyclage est au gout du jour les êtres humains réalisant que le gaspillage doit s'arrêter!"
Le silence se fit
-"Cest vrai ce que dit le vieux trône dit un peu honteusement un fauteuil louis 13 regardez moi je n'ai plus de pieds tournés mon ancien propriétaire me les a sciés pour les transformer en porte manteaux!"
-"Moi mes franges ont été coupées et ont servi de balayette!"renchérit un siège napoléon 3
-"Vous vous sentez concernée vous?"demanda un siège de confessionnal  à une chaise longue
-"Pas vraiment lui répondit celle çi moi on ne me sortait que l'été ma couleur a passé c'est pourquoi je me retrouve ici"
-"C'est bien ce que je pensais et moi dites moi qui rentre encore dans une église de nos jours si ce n'est pour la visiter ! j'y suis resté plus de cent ans dans mon église mais le nouveau curé m'a remplacé dernièrement parce que mon bois commençait à user les genoux des dernières vieilles bigottes!mais regardez mes potes les bancs là à côté de moi ,ils brillent encore comme un sou neuf et n'ont pas l'air perturbé!"
-"Eh ben moi non plus je ne suis pas inquiète  se risqua une chaise en paille car je vivais dans une maison de campagne et on ne m'utilisait qu'à la belle saison comme ma copine chaise longue si on me rachète celà devrait continuer comme ça!"
-"pareil que moi ,je tenais compagnie à des vieux dans une maison de retraite mais de moins en moins de monde venait me rendre visite et puis un hopital m'a racheté puis une prison mais c'était encore pire plus personne! c'est pour ça que je suis là aujourd'hui ett je ne désespère pas!"
-"Moi je m'en balance aussi il faut arrêter de se prendre la tête on verra bien"grommela un rocking chair!
Une chaise haute d'enfant fit tourner ses boules colorées :
-"Moi je sais que je sortirai d'ici que l'on m'achétera et qu'on me rajeunira car vous avez vu le prix des jeunes sur le marché?"
Le siège auto acquiesca.
Le vieux trône se sentit fatigué il repensa à son monastère tranquille prés de la fenêtre verdoyante et puis à sa belle vie lorsqu'il était au service de Louis.
La brocante venait d'ouvrir ses portes ,les discussions n'étaient plus possibles . Le vieux trône émergea de ses pensées.
Les gens presses se bousculaient à savoir qui ferait la meilleure affaire .
Les sièges en général furent un peu boudés vu le contexte sauf un ... Celui qui avait été à l'initiative de la réunion. En effet une petite fille déguisée en princesse,une couronne sur la tête fit irruption en courant dans la brocante,s''installa sur le vieux trône qu'elle avait de suite remarqué et supplia son père de le lui acheter pour jouer au roi et à la Reine!

mercredi 9 mars 2016

Voyage

Nous nous retrouverons, tous les quatre, comme on ne l'a plus fait depuis longtemps, et nous nous envolerons, tous les quatre, de l'autre côté de l'océan.

Nous atterrirons au cœur de la pomme, ou peut-être dans la cité du trèfle. Nous nous sentirons tout petits, et perdus, et émerveillés, et repus.

Nous nous mettrons au volant, pour tracer la route. Où irons-nous d'abord ? Voir les usines sur les lacs, où directement sous le chêne, pour prendre la route du démon, du soleil rouge ? Nous la prendrons, c'est sûr, à travers le désert, jusqu'à son oasis de lumières et de faux-semblants. Nous y laisserons quelques plumes, assurément, puis nous repartirons. Nous roulerons, nous roulerons, parmi le sable et les cactus, jusqu'à la côte, jusqu'aux anges. Là nous irons voir ce qui se passe chez ceux du lac, ou bien ceux du pays d'or. Nous descendrons jusqu'à la baie, voir la prison, et le pont. Nous serons fiers, et heureux. Nous aurons accompli la traversée, comme eux.

Que ferons-nous ensuite ? Le nord, chez l'exilé, ou le sud, chez ces gens d'autrefois chez nous ? Les deux peut-être. La frontière embrumée, puis les trompettes des marais. Quoi ensuite ? Le sud ne nous intéressera pas. On repartira alors, du côté de l'aube. On remontera dans le cargo volant, un saut de puce sur l'océan, et nous reposerons le pied sur le sol natal.

Nous nous embrasserons, nous nous dirons au revoir, et puis nous rentrerons, enfin.

À la manière de Butor

Butin du jeudi dans les poubelles du jardin d'enfant :

  un passeport, une jarretière, un nez rouge et des missels,
    Adieu gare de Montparnasse embouteillée
    persiennes fermées au brûlant soleil d'été
  des lanternes de verre, de papier, de feutrine et de soie.
    Le port sous la brume
    et les pêcheurs ensommeillés
    un chat sur les pavés
    les cheminées qui fument
    sous la Vierge renfrognée
  des tombereaux de lucioles, de coccinelles, de sauterelles et d'araignées.
    La mer qui tangue
    le phare qui bat
    un étal mis à bas
    et la fille qui tire la langue
    à la tête du Roi
  des tours d'ivoire, des châteaux en Espagne, des citadelles enneigées et des colonnes de stylites
    La main de la mère
    la gifle de l'amante
    les coups de midi trente
    au fronton du monastère
    où s'agenouille la servante.

  Un pas, on s'arrête, on regarde, on oublie, un pas.

Roger

Rien à faire. L'arbre refusait de tomber. Roger venait d'y briser la chaîne de sa tronçonneuse. Tellement dur il était, que ça avait fait des étincelles quand il avait voulu attaquer le bois. Roger se disait bien, quelque part, que tout ça n'était guère naturel, mais les huit pastis et les trois fillettes qui lui couraient dans le sang l'empêchaient d'y voir plus clair. Tout ce qui importait à ce moment-là, c'était que ce foutu arbre tombe. Il faisait nuit, sa tronçonneuse était foutue. Qu'à cela ne tienne, il avait une hache.

Plus personne ne le savait, mais sous l'arbre – le vrai, pas le lampadaire sur lequel Roger s'acharnait – il y avait un égout. Pas juste un égout, un collecteur. Une espèce de citerne en ciment de six mètres de diamètre, ouverte en quatre sur d'anciennes buses. Un truc abandonné depuis des lustres, mais qui continuait à drainer l'eau du quartier, bon an mal an. Et sur lequel poussait l'arbre.

À taper comme un forcené sur son « arbre », Roger eut tôt fait de réveiller les rares voisins qui avaient réussi à ne pas entendre la tronçonneuse rendre l'âme. Seulement voilà : même à vingt-cinq, difficile de faire entendre raison à un poivrot avec une hache dans les mains, bien décidé à se débarrasser de ce qui n'est pourtant manifestement pas l'arbre qui l'emmerde depuis dix ans. Alors on prit son mal en patience, et on attendit que la maréchaussée – qui avait été dûment prévenue – fasse son apparition.

L'arbre – le vrai cette fois – était vieux. Ses racines avaient eu le temps de plonger profond, de trouver le collecteur et de s'y insérer par toutes les voies possibles. Tant et si bien que du ciment ou du bois, on ne savait plus trop ce qui tenait le tout. Il avait beaucoup plu les jours précédents. Le collecteur était plein et l'eau gouttait du plafond. À profusion. Loin sous terre se fit soudain entendre un petit grincement, un craquement de rien du tout. À part les rats, bien sûr, personne ne s'en rendit compte.

Les gendarmes étaient arrivés, mais Roger n'en démordait pas. Il abattrait son arbre ce soir, ou rien. Les joues rouges, le souffle court – Roger, bien que chasseur, n'était guère athlète – il s'acharnait sur le métal du pauvre lampadaire tout en menaçant de sa hache toute personne qui aurait voulu s'interposer. Les gendarmes, bien embêtés, ne savaient trop que faire. Un grondement se fit alors entendre. Roger exulta : son « arbre » penchait. Il se mit à taper dessus à coups redoublés, oublieux de ses poumons goudronnés et de ses artères sclérosées. Un nouveau grondement secoua le sol. Puis, tout se passa très vite.

Quand la poussière retomba, on vit Roger assis sur son derrière, un peu étourdi, puis se lever et crier de joie : le lampadaire était à terre. Puis on vit que l'arbre, le vrai, n'était plus là lui non plus. De fait, c'était toute la maison de Roger qui avait disparue dans le collecteur.

Ponctuation (extrait)

Les parenthèses cachent ce qu'elles révèlent et révèlent ce qu'elles cachent. Elles cachent leur contenu au reste du texte, qui fait comme si elles n'existaient pas. Elles réservent leurs pensées au lecteur. Ce sont des messagers furtifs, parfois traîtres, prêt à prendre à revers le texte qui les héberge pour lui planter un couteau dans le dos. C'est le canal par lequel une autre voix, discordante parfois, se fait entendre au milieu d'un discours policé. Les parenthèses, c'est une fenêtre ouverte par l'auteur sur son âme, à travers le mur de ses mots.

De la même manière, les guillemets ou chevrons sont une fracture dans l'écran de fumée de la narration, qui laisse place à la réalité du dialogue. L'illusion du verbe s'efface devant le réel, le corps des choses dites comme elles sont, sans l'artifice de la parole rapportée. Si le texte est un théâtre, les guillemets sont les rideaux qui s'écartent devant la scène.

Quant aux tirets d'apostrophe, ils sont un peu les cousins des parenthèses. Par eux tout le texte se met en pause, suspend son vol pour laisser à l'auteur le temps de préciser sa pensée, de faire un commentaire. C'est une retouche, une note de bas de page qu'on nous force à lire. Ils traduisent l'angoisse de l'auteur d'être mal compris, ou la distance que lui met à son propre propos. C'est une ruse, un faux-semblant. Les tirets, c'est une coupure de vérité malhonnête dans une litanie de mensonges véridiques.

Suß Heim

Là d'où je viens, d'où elle vient, où je ne suis jamais allé
Là où est né son père, et le père de son père, et le père de celui-ci, et ainsi de suite jusqu'à ce que se perdent les mémoires
Là les champs
Là les haies
Là la pluie souvent
Et le gel presque jamais
Là où les couâs et les méles achalent les pésans
Là les fermes
Et là le fleuve, le grand
Et la rivière en angle
C'est aussi là d'où je viens, d'où il vient, où je suis parfois allé
Où je n'irai plus maintenant
Là la place
Là l'église
Là le jardin et le ruisseau
Et la maison d'avant
Là les petites routes
Qui tournent et qui tournent
Et se croisent en tournant
Là les moutons et les vaches
Les prairies du printemps
Là les chênes en ombrage
Et le tonnerre grondant
Là les terres sans âge
Que je léguerai en partant.

Maître

Il a mis les voiles, souvent
Et tout aussi souvent pied à terre
Sans jamais s'en mettre plein les poches
Mais juste un peu de côté
Il met un pied devant l'autre
Sans pour autant se mettre en avant
Sans grand chose à se mettre
Il met la main à la pâte
Et son ouvrage sur le métier
Sans cesser de mettre en œuvre
Son œuvre
Mettant à bas ses idoles
Pour mettre bas à ses principes
Il a été mis en cause
Par ceux qui ne mettent en jeu que promesses
Y mettront-ils fin
Sans mettre en branle la leur
Ni en péril leurs citadelles ?
À lui mettre des bâtons dans les roues
Sans y mettre les formes
Ce sont eux qu'ils mettent mal à l'aise
Au point de mettre leur mise au clou
Ainsi mises au jour
Mises à l'index ou au rebut
De la poussière à la poussière
Leurs tours ne mettront guère de temps
À être mises en pièces.

Dialogue flou

Je suis innocent, tu es coupable, l'est-il vraiment ? nous ne savons pas, vous déciderez, ils exécuteront, je refuse d'être réduit à ce que j'ai été, tu es pourtant ce que tu es, il a parlé, nous refusons d'en entendre davantage, vous êtes des pleutres c'est tout, ils en sont conscients, je n'ai pas eu le choix, tu l'as toujours eu, il n'était pas prédestiné, nous aurions dû fonctionner, vous ne l'avez pas fait, elles vous ont échappé, je n'ai pas dit mon dernier mot, tu nous surprendras encore ? il en est capable, nous n'y croyons pas, vous êtes les pires pessimistes, ils sont le contrepoint, je suis l'autre, tu verras, on verra, nous attendrons de voir, vous verrez aussi, tous verront, je saurai faire face, tu as notre confiance, il n'a pas de chemin et trace sa propre voix, nous n'y croyons pas mais espérons quand même, vous devrez trancher au bout du compte, ils ne m'imposeront rien, je suis seul juge, tu ne prends pas la parole, il fuit le débat, nous nous élevons contre ton joug, vous n'en n'avez pas le pouvoir, ils ne le prendront pas, je vous laisse à vos arguties, tu ne peux partir, il le peut il est seul maître ici, nous nous inclinons pour le moment, vous serez toujours là à guetter, ils ne me retiendront pas, je pars.

jeudi 3 mars 2016

Attente



La sonnerie du téléphone ce matin là résonne encore au fond de toi comme un coup de tonnerre, une éruption volcanique. Il était beaucoup trop tôt pour que ce que l'on allait t'annoncer soit anodin. Lorsque tu as décroché tu étais étrange, comme flottante, fébrile, excitée et un peu inquiète.Mais non, voyons, il n'y avait aucune raison de s'inquiéter. Prête en un temps record, tu étais incapable de te concentrer sur quoi que ce soit. Juste partir, bouger, marcher. N'importe quoi mais ne pas penser. Ne t'inquiète pas. Non, elle n'a pas mal. Tu as tant marché! Toute la matinée. La tête pleine d'images incohérentes, le cœur serré, le ventre tordu.Toute tendue vers elle. Je suis elle, je sais, je sais. Je marche. Le téléphone n'a ^lus sonné. Maintenant je voudrais tant qu'il sonne à nouveau. Que ce soit fini... Enfin... J'ai tellement hâte. Tu es fatiguée de marcher, tu te jettes dans un cinéma. La guerre des étoiles. C'est long, c'est le seul intérêt. Tu ne regardes pas l'écran. Tu regardes au-dedans de toi. Tu concentres ton énergie, tes pensées vers elle.
Après le cinéma tu es rentrée à la maison. Il était tard. Tu étais livide. Rien ne te rassurait. Alors tu es repartie. Tu es allée là-bas. Tu m'as dit que tu ne pouvais pas faire autrement.