mardi 29 mars 2016

Le musée des rêves

Je traînais mon ennui dans les allées grouillantes de la fête foraine. Juste à côté du train fantôme, une pancarte attira mon attention. Des lettres dorées sur un fond bleu de cobalt signalaient que l'on était devant le musée des rêves.
Il s'agissait d'une sorte de dictionnaire géant, debout, un peu flottant, gélatineux comme une méduse. Pour entrer, il fallait tourner la première page. Aussitôt, dans une sorte de hall brumeux, des mots dessinés sur le sol apparurent puis formèrent un escalier qui était une véritable invitation à s'y engager, ce que je fis sans réfléchir. Un panneau lumineux s'éclaira et m'indiqua que ma destination dépendrait du mot sur lequel je m'arrêterais. J'ai fait halte sur le mot tombe. Immédiatement, tout s'est obscurci, j'ai senti que je tombais, tombais, tombais sans fin... et sans aucune peur. De place en place apparurent des sortes de spectres diaphanes qui me firent de petits signes de leur main transparente. Impossible de m'arrêter. Autour de moi, tout s'effilochait, fondait, disparaissait dans un abîme sans fond. Je me suis retrouvée dans une sorte de caveau minuscule dans lequel je tenais à peine et dont je suis sortie avec difficulté et soulagement. D'autres mots apparurent alors dans le brouillard environnant. J'eus très envie de changer d'ambiance et ne m'arrêtai que lorsque je découvris le mot soleil. Éblouie par la lumière qui se fit instantanément, je distinguai des silhouettes que je supposai être des visiteurs du musée. Ils étaient nus et bronzés. Ils riaient un peu sottement comme on rit quand on est heureux. Autour de nous, tout n'était que chaleur. Je me dévêtis à mon tour et comme ces émotions m'avaient donné faim, je me mis en quête du mot manger. Aussitôt, je me retrouvai dans une salle dans laquelle des gens étaient assis autour de tables surchargées de victuailles toutes plus alléchantes les unes que les autres. Satisfaite, je me dis que voilà le lieu que je cherchais. J'allais prendre place quand je réalisai que le silence s'était fait brutalement et que tous les regards étaient tournés vers moi. Horreur! J'étais totalement nue! Couverte de honte je m'enfuis, je m'enfuis...droit devant moi...je sautais de mot en mot s'en m'arrêter. J'ai tourné des tas de pages aussi lourdes que celles des livres que l'on n'arrive pas à lire...pour, finalement me retrouver dehors... parmi la foule qui déambulait tranquillement... j'étais vêtue tout à fait normalement. Devant moi, dans une guérite de bois clair, un homme habillé en arlequin me tendit un ticket. Dix euros madame. Ça vous a plu?  je sortis un billet en silence.
Avant de partir, je me retournai, le musée avait disparu.