Je me souviens
Je ne me souviens pas de la date exacte, il y a si
longtemps, j’étais encore loin de ce monde mais j’entends les grondements de
Vulcain, j’ai dans la tête le râle de la nature, je tousse encore des odeurs de
souffre qui se répandent sur la ville et cette fumée qui avance en rouleau
depuis le bout de l’horizon. Je sens au fond de moi cette préparation de fin du
monde, la nuit en plein jour puis la montagne qui s’ouvre sous la pression des
démons, le silence pesant qui annonce l’explosion, le feu partout, de la terre
au ciel, le feu qui dévale les pentes, avale les maisons, me rattrape, dévaste
tout, me dévaste. Si vite, ça s’est passé si vite. Tous furent figés, étouffés,
pétrifiés dans leur vie au travail, en promenade . C’était fini, c’était la fin
du monde que je voyais depuis l’autre côté de la baie. S’en était fini de la
vie, de l’agitation, des rêves, des danses, des fêtes.
Nous sommes rien. Des ruines, Pompéi n’est plus, elle est
vaincue dans son apogée, la nature a gagné ; que va-t-on raconter plus
tard ? Va-t-on oublier ? Va-t-on parler que de batailles, de
président, d’économie, de pluie ou de beau temps ?