samedi 24 octobre 2015

page blanche

Mardi 20 octobre,
J'ouvre mon cahier sur une double page blanche; blanche, pas tout à fait, c'est plutôt un blanc ivoire, une légère pointe de noir ou une goutte de café semble avoir atténué l'éclat de la pureté. Depuis quelques minutes cette page beige attend le gris de mon crayon, non pas pour ombrer un quelconque dessin mais pour  m 'inviter à coucher des mots bien rangés. Elle veut m'obliger à assagir mes griffonnés habituels qui occupent d'ordinaire l'espace de mes feuilles de bas en haut, de droite à gauche, qui montent, qui descendent sans aucune rigueur. Ces pages vierges sont en effet agrémentées de fines lignes bleutées parfaitement parallèles, elles m'évoquent une voie ferrée en attente de train , de trains de mots sagement ordonnés. Pour l'instant, je ne vois que des rails sans locomotive, sans wagons, aurai-je loupé le départ?, j'étais peut être en retard, surprenant  ce n'est pas dans mes habitudes! La pendule de la gare a sans doute perdu ses aiguilles et les voies désaffectées ne savent plus où aller. Je vais attendre le prochain départ, on verra , je trouverai bien un quai annonçant un convoi en partance. Si l'attente est trop longue, je regarderai l'herbe pousser sur l'asphalte, je jouerai avec les graviers et laisserai mes valises en consigne. Le mathématicien des destinées devra reprendre ses calculs, abandonner la rectitude, croiser les parallèles pour me redonner des ailes. je mordille mon crayon en attendant le sifflet d'un hypothétique chef de gare qui  ferait sursauter mon imagination.
Sur la page de gauche, je vois des mots en transparence, je ne peux les déchiffrer , les phrases s'en sont aller dans le train de ma mémoire, les lettres sont serrées, j'avais du emprunter un TGV ce jour là, j'étais pressée de livrer quelques messages à moi, à toi, à elle, à lui, à eux. A moins qu'il ne s'agisse d'une histoire, l'histoire de qui, je ne sais pas peut être de moi ou de lointaines princesses et rois.
Avant d'écrire quoi que ce soit , je vais tourner les pages, les pages de droite vers des chemins à découvrir ou les pages de gauche vers un passé à relire.
Finalement, je vais fermer ce cahier, dessiner un point au creux de ma main, fermer le poing pour le réchauffer et quand mes doigts s'étireront, les mots jailliront, ils viendront se coucher non pas sur les lignes mais dans les interlignes au gré de leur fantaisie.
Le train est reparti!Pas besoin de conducteur, le fermeture et l'ouverture de ma main contrôlent la vitesse et servent de dictionnaire.