mercredi 24 février 2016

D'où je viens

De ce pays, peu de souvenirs. Si ce n'est qu'il est en guerre, que les rues sont armées et que les burnous blancs frôlent les murs.
 Elle, par devoir de mémoire, me raconte souvent que le bleu de la mer y est plus intense que nulle part ailleurs et que le sable du désert sent l'aloès et le fennec.
Elle me raconte les bals populaires, les épiceries gorgées d'épices, le soleil qui brunit les tâches, le linge qui flotte sur les toits terrasses, les basse-cours caquetantes et les amitiés mixtes, l'accent buriné et imagé, les farces des enfants dans la rue, les pieds qui écrasent le raisin.
Lui me parle de ses grand-parents, exilés de Majorque, me raconte les poissons frits qu'on achetait dans des cornets de journal et les doigts ruisselant d'huile, les pique-nique sur les plages et les parties de pêche avec les amis.
Lui me dit de lire Camus pour connaître ses rivages magiques et ses ruines somptueuses. Il a du mal à en parler, lui, comme si sa langue était brûlée par le cumin d'un méchoui.
J'ai une idée sensorielle de ces racines qui ont du mal à être les miennes. Et finalement ça me convient bien: juste en fermant les yeux, je peux imaginer leur vie là-bas.
La mienne est ailleurs.

Hélène