Sur le sol de la cuisine rue Jean de Bernardy.
Depuis longtemps, droits comme deux i sur le matelas maigre. Au-delà des
persiennes, la lune blanche et décapante comme de l'acide sulfurique trace au
peigne des rayures sur nos rétines
alors, l'œil de l'autre
surgit dans la pénombre
Alors, voilà la Lolita, celle du palier d'en face avec des
jambes qui n'en finissent pas
alors, elles, descendues d'une jupe à volants irisés ; dans
les replis de l'étoffe, un obscur objet
Cavité, ovale, humide, ourlée de poils comme des cils.
Lui, comme un i, chausse dans sa main voluptueuse une
charentaise jusque là rangée, sage, sur la tomette rouge .
Il la passe sur mes
rondeurs, duvet de laine sur duvet de peau il descend, à mesure que sa
chandelle monte
il fredonne, il susurre et parcourt en saccades une forêt profonde
toute en ramilles crissements et sueurs
alors, la Lolita sans les volants se fait horizontale. Elle
est là, au sol, petit o au milieu de nous deux i
alors, nos armes digitales explorent une conque inconnue, secret
de l'ombre éblouie par flashes sous l'acide
blanc de la lune
alors, lui écluse avide
nos essences de chair
alors, elle, toute en ailes consume le pâle plumeau
et la lune tourne et se perd et disparaît en même temps que
nos souffles ébahis
nous chantons à l'unisson tels des sirènes, des cascades, les roulis au loin dans la fontaine des Danaïdes
alors, la nuit descend chamane des ténèbres et l'air se fait
silence
alors, depuis longtemps nous, droits comme deux i sur le
matelas maigre,
le matin avance, puisant sans se lasser à la chamade de nos
songes
À l'impossible nul n'est tenu.
Nicole