mardi 16 juin 2015

L'œuf

Un œuf. De poule, pour être précis. À consommer avant le 26 avril apparemment. Date à prendre en considération puisqu'il est cru. Date inscrite en symboles roses sur la coquille couleur chair, symboles originellement droits mais que l'application sur cette surface non euclidienne, même pas ellipsoïdale, a déformées suivant une transformation que je suppose analytique. Il me semble en effet que les équations de la forme de l'œuf – aussi particulière soit-elle – sont explicitables. Au moins approximativement. Je parle bien sûr de l'enveloppe de l'œuf, de son abstraction mathématique. Vue de près, la surface de calcaire est loin d'être lisse. Elle est bosselée, ridée. Elle ressemble à de la peau, n'était la relative dureté que lui confère le minéral. La couleur aide. On y trouve des tâches de rousseur et, chose étonnante, des nævi. Des rides qui pourraient passer pour des vergetures aussi. Elles sont plus ou moins parallèles, sur toute la circonférence, de la tête au cul de l'œuf. Elles suivent les lignes de tension de la structure, longitudinales comme il se doit pour cet objet oblong. La physique règne aussi sur lui, tout vivant qu'il aurait pu être. Il est inerte cependant, rocheux, plus planétoïde que sac de peau. Point de cratère cependant, mais une fine poudre blanche, poussière lunaire ou cométaire, étalée sur sa surface, disparue là où mes doigts l'ont trop tenu. Un astre dûment répertorié, ceci dit. Labélisé 1FRLEQ01. Code-barre mystérieux, témoin de l'inclusion de l'œuf dans un système plus grand, un univers qui va bien au-delà de lui. Et de moi-même du coup.