dimanche 30 mai 2021

La ratatouille de Madame Panicot

 

Matin lumineux. Le printemps triomphant s’épanouit au jardin. Habillée, pomponnée dès huit heures du matin,  Madame Panicot s’apprête à cuisiner pour un invité qui revient d’un pays lointain qu’on appelle Le Passé.

Elle pleure toujours un peu lorsqu’elle émince des oignons mais aujourd’hui ses larmes sont aussi causées par l’émotion. Briochon ! Briochon a téléphoné ! Les oignons sont dans la cocotte, ils se mettent à chanter gentiment dans l’huile d’olive et ça commence déjà à sentir bon. Il y a  la ratatouille ordinaire et il y a La Ratatouille de Madame Panicot qui pense que la ratatouille est un art. Briochon ! Prononcer ce nom lui donne des palpitations. Un demi-siècle est passé…  Les poivrons viennent de rejoindre les oignons dans l’huile d’olive. Madame Panicot touille…touille les légumes et ses souvenirs. Ce passé qui surgit de l’oubli, est-ce une bonne chose ? A l’époque, Briochon croyait qu’elle était amoureuse de lui.  Les aubergines et les courgettes ont frit séparément. Elle le menait par le bout du nez. Maintenant les légumes sont  rassemblés dans la cocotte où, avec amour, ils se mélangent, échangent leur parfum, se fondent l’un dans l’autre. Les tomates ! Elle a oublié d’acheter des tomates ! Au fond du placard, Madame Panicot trouve une boîte de tomates pelées. Une conserve dans sa ratatouille ! Consternation et confusion des sentiments. Est-il bien conservé  Briochon ou est-ce un vieux monsieur chenu ? Elle ajoute avec réticence les tomates sorties de la boîte et une feuille de laurier, ne pas oublier le sel. Impossible de se souvenir de son prénom. Elle l’a toujours appelé Briochon, parfois  « Brioche au sucre » et  alors il fondait ce gros naïf. Ajouter la gousse d’ail en chemise. Comment va-t-il être habillé ?...et le brin de thym. C’est fini. Il n’y a plus qu’à attendre et laisser mijoter… mijoter… longtemps… 50 ans qu’il mijote Monsieur Briochon.