lundi 13 décembre 2021

 Thèse d’histoire naturelle ?

Depuis fort longtemps, moi la puce je me promenais dans le pelage des quadrupèdes. Je me plaisais dans ces forêts de poils de toutes sortes, des fins, des épais, des bruns, des roux. Parfois je me balançais dans la courbe d’une queue. Je recevais de temps en temps des coups de pattes de la part de mes hôtes mais je leur pardonnais ces mouvements d’humeur, il faut dire que parfois je suis insupportable. Bientôt cette vie me parût monotone, je décidai donc de m’amuser et j’entrepris de changer d’habitat. J’élus domicile chez les animaux domestiques, vous savez ceux qui accompagnent d’étranges bipèdes. Là ce fût un régal, ils étaient bien nourris, je me vautrais dans un matelas moelleux, je dormais sur place, je piquais un peu, normal, je suis conçue pour ça. Un jour, j’eus envie de passer chez leurs propriétaires, la difficulté fût de traverser des déserts, et oui, ils s’épilent, se rasent. Je passais alors dans leur lit, formidable, des desquamations, des cheveux, des collègues acariens, le paradis. Jusqu’au jour où ces humains entreprirent un génocide. Certaines furent exterminées. Je tentais d’organiser une résistance aux pesticides, en vain, la seule solution pour survivre fût l’émigration .

Je devins puce d’eau, l’adaptation fût difficile, je croisais des êtres étranges, sans poils, comment vivre dans des écailles ? J’avais essayé les plumes, pas terrible mais les écailles ! Une horreur ! Et cette humidité ! 

Je finis par m’habituer, ce doit être l’évolution des espèces.

Un jour de spleen, je vis passer un animal à poils, un migrant lui aussi. Je l’interpellais aussitôt : « A qui ai-je l’honneur ? Pourrait- on faire un bout de chemin ensemble ? »

« On m’appelle ragondin, mes ancêtres se nommaient rats et vivaient sur la terre ferme. Suite à plusieurs campagnes de dératisation ils ont fini dans l’eau, je suis un des multiples descendants. »

« Nous sommes faits pour nous entendre alors ! »

« Trouvez une place sur mon dos, là au départ de la queue, la fourrure est plus épaisse. Bon courage, je vous préviens, j’ai la peau dure ! »