dimanche 8 novembre 2020

Portrait N°14

Horace McGallan a douze ans quand il commence à apprendre à lire. Toute sa vie il gardera ce retard comme un cicatrice honteuse, un fardeau dont seuls ses plus proches —et plus anciens— compagnons connaissent l'existence et le poids.

Horace nait en Écosse, dans une ferme non loin de Campbelltown, sur l'île de Gigha. À cette époque on y parle encore gaélique, bien que l'anglais se fasse de plus en plus prégnant. Même s'il se pare plus tard d'un queen english tout à fait respectable, quelques verres de scotch natal suffiront sa vie durant pour que sa langue maternelle ressorte comme un diable de sa boîte.

Horace devient riche, immensément riche, mais personne ne sait vraiment comment. On perd sa trace le jour de ses vingt-et-un ans, alors qu'il travaillait chez un imprimeur de Glasgow, et il réapparaît cinq ans plus tard dans la bonne société londonienne, à la tête d'une fortune dont personne n'est capable, à l'époque, d'évaluer ni la taille ni l'origine.

Horace décède deux ans plus tard, dans son lit. Aucune information officielle ne filtre sur les circonstances, mais la rumeur rapporte de nombreux détails étranges, certains revenant de manière insistante : le visage du mort serait figée dans une expression d'horreur ; un organe serait manquant, le cœur le plus souvent ; la pièce sentait les algues et la mer quand la bonne qui l'a trouvé est entrée ; tous les miroirs étaient brisés. Conformément à son testament, sa fortune fut donnée à diverses bonnes œuvres, à l'exception d'une collection d'œuvres d'art exotiques que personne n'a jamais pu retrouver.