jeudi 5 novembre 2020

Rêves

 Je rêve d'un monde où les messageries téléphoniques n'existent pas, un monde où tu réponds avant la troisième sonnerie. Ta voix est joyeuse, profonde, grave et douce à la fois. Tu parles longuement. J'écoute distraitement, t’entendre me suffit, me berce, m'emplit d'une joie diffuse. Je te pose quelques questions sans importance pour prolonger la conversation puis nous échangeons des bisous, l'écouteur est plein du bruit des lèvres qui font des baisers. Je viens de raccrocher après huit sonneries suivies par l' horripilante voix préenregistrée de la messagerie "Votre correspondant n'est pas disponible pour le moment..." Après le bip sonore je n'ai pas parlé, j'ai jute maudit la téléphonie moderne. Je vais t'envoyer un SMS auquel tu me répondras avec un smiley.


Je rêvais d'une maisonnette à la campagne, en pleine nature, entourée d'arbres et de soleil avec un ruisseau guilleret qui chantait au bas de l 'aire herbeuse. Les collines bleues, au loin, avaient des rondeurs maternelles. Les animaux, en liberté, s'égaillaient alentour. Je rêvais d'une petite chèvre taquine, d'un chat mélancolique, de poules rousses caquetantes, d'un gros chien affectueux et d'un âne aux yeux de velours. J'habite en ville avec mon rêve intact. Ma maison est entourée de boulevards bruyants. Le calme de la campagne m'angoisse terriblement.


J'ai rêvé de la cour d'une école primaire. C'était sans doute la récréation... Les enfants n'étaient pas masqués, ils jouaient, couraient, riaient en poussant de grands cris de joie. Le mistral ébouriffait leurs cheveux, soulevait les pans de leur vêtement. Ils écartaient les bras, faisaient semblant de voler, vifs et bruyants comme des mouettes. Récemment, j'ai vu à la télévision un garçonnet de six ans interrogé par un journaliste au sujet du port du masque obligatoire dès le cours préparatoire. Du visage de l'enfant, masqué jusqu'aux oreilles ,on ne voyait que les grands yeux voilés d'une légère inquiétude. "Comment s'est passée ta journée avec la masque?" La voix timide du petit garçon nous est parvenue un peu étouffée par le masque. " Ca gratte, ça tient chaud, on respire pas bien... Surtout, on peut plus jouer comme avant avec les copains." Après un bref silence l'enfant a ajouté avec un gros soupir " On n'a pas le choix". Le sérieux et la résignation de ce petit garçon m'ont fait monter les larmes aux yeux, ce fut comme s'il m'avait annoncé une terrible catastrophe.

Lilou