dimanche 26 janvier 2014

Là où j'habite

Dans sa tenue de spationaute, Pauline voyage à bord du vaisseau d'Octarius. Elle a un peu le mal du pays, elle regarde par le hublot, elle essaie de distinguer son globe terrestre, des poussières interstellaires masquent la vue que l'on pourrait avoir sur l'univers. Elle est émerveillée par les constellations et nébuleuses qui défilent à grande vitesse devant ses yeux mais elle se met à avoir peur des trous noirs et s'écrie:
-Je veux la voir, je veux la voir, toutes ces comètes, ces satellites dans l'immense galaxie, j'en ai assez, je veux rentrer chez moi!
-Où ça chez toi?, tu n'es pas bien avec moi mon Uranie, ma muse de l'astronomie.
-Si, si, mais moi , j'habite la terre, je me suis prise pour Copernic ou Galilée, les télescopes m'ont fait rêver mais tous ces champs magnétiques et ces théories sur l'expansion de l'univers m'ont mis la tête à l'envers. A l'envers, on y est, regarde, on est en dessous de chez moi, avec ces révolutions, j'ai perdu mon monde! Mon monde à moi, c'est cette boule que l'on aperçoit de temps en temps, toujours sur le même orbite, elle tourne autour du disque de feu, il parait qu'un jour il va l'avaler ma terre, pour le moment elle est toujours là, elle tourne sur elle même, je veux la rattraper et tourner avec elle. Regarde bien, elle est un peu inclinée, elle va peut être tomber, emportée par une tempête cosmique ou une implosion de son magma, tu sais , elle crache par des énormes trous, ça fait un bruit effroyable et tout change alors à sa surface, des animaux disparaissent, le sol se transforme et ça recommence pour une nouvelle ère. Et ses occupants! Ils sont parfois si turbulents qu'on se demande si sa position astrale ne va pas basculer. Tu sais, les terriens se battent, se massacrent , tentent des explosions nucléaires, des ravages bactériologiques mais elle résiste, elle tourne toujours aussi vite et malgré tout je l'aime ma terre dans son système solaire.
-Et c'est là, dans cet enfer que tu veux retourner habiter mon Uranie!
-Oui, tu sais, dans ce charivari, on peut parler à la lune, elle apaise nos nuits, et oui chez moi il y a des jours et des nuits!On peut aussi savourer l'eau, elle a beaucoup d'eau, on m'a dit que c'est pour ça qu'on l'appelle la planète bleue, il faut faire attention parce que l'eau , elle salée des fois. Et puis , où j'habite, il y a des saisons, tu connais pas les saisons?
Mes congénères font des horreurs mais dans le petit coin où j' habite , ils se sont calmés un peu en cette fin de siècle et on peut jouir du printemps , de l'été, de l'automne et de l'hiver. Elle est belle ma planète depuis l'espace galactique mais les odeurs, les odeurs de la mer, les odeurs des collines, c'est ce que je préfère là où j'habite. Les primates dévastateurs que nous sommes ont fait disparaitre des espèces mais on peut encore se promener en humant l'air, jusqu'au jour où Dame Nature ne pardonnera plus ces injures.
En attendant, ton vaisseau a beau être confortable, on se fait secouer dans la stratosphère et je préfère habiter sur ma terre, elle cache encore des petits coins sympas, des bistrots sympas, des copains sympas.
Approche un peu, il faut que tu vois ce phénomène que tu trouveras nulle part ailleurs, la chlorophylle, les arbres, le vert, c'est une couleur peu répandue dans l'univers, les arbres, c'est fantastique!, il y en a de toutes sortes, ils s'adaptent à leur place sur la boule, ils se manifestent de broussailles en haute futaie, ils donnent des fruits, ça non plus tu ne connais pas, une bonne pêche qui te coule dans les doigts! Ils donnent aussi leur bois, leur écorce, ça non plus tu ne connais pas, une cabane dans la fourche d'un platane!
Et je te parle pas des fleurs, on les a classées, des ombellifères au malvacées , elles ont aussi un langage! ça non plus tu ne savais pas!
Où j'habite on peut botaniser, allez viens, je t'invite, je te montrerai mes herbiers et toute la vie qui grouille là en bas. Pourquoi en bas? Je ne sais plus, en haut, en bas, à droite, à gauche, j'ai perdu les repères de ma terre, alors tout ce que je te demande c'est de regarder tes écrans et d'atterrir sur ma terre. Vise l'Europe, la France, Marseille, les quartiers sud, le corbu, c'est là que j'habite et si tu t'ennuies du cosmos, on ira sur le toit, on cherchera Antarès, Dioné et Betelgeuse et comme avant on rêvera du firmament.