mercredi 15 janvier 2014

Lire et écrire



Pour moi, la lecture est ma meilleure amie. Oserais-dire mon grand amour, même, maintenant? Dans mon lit deux places je dors seule avec mes livres, mes préférés, ceux du moment, ceux que je suis allée rechercher, pour relire un passage. Il y en a sur la couette et en dessous, sur la table de nuit et la descente de lit, en tas qui s'écroulent; souvent cornés, s'ouvrant tout seuls à mes pages préférées, pas présentables, pas très prêtables. S'ils sont abimés, c'est la preuve que je les aime.
A n'importe quelle heure, n'importe quel endroit, j'en ai toujours un sous la main; d'ailleurs maintenant, là, dans mon sac, à mes pieds... J'ouvre une page, j'oublie tout le reste, plus d'ennui, plus de soucis, plus d'insomnies...

Ca aurait pu mal commencer. Quand j'ai su lire, à sept ou huit ans, mon père m'a proposé Le Lys dans la Vallée, de Balzac. Je n'ose imaginer ce qu'il souhaitait pour sa fille avec ce titre évocateur. J'ai dû persévérer pendant vingt pages, bon, ce loisir n'était pas pour moi.
Mais quelques mois plus tard une grand-mère m'a offert des titres plus appropriés. Oh pas de la grande littérature, non, la Bibliothèque rose et la collection Rouge et Or. J'ai adoré. J'ai dévoré. Le pli était pris: au premier moment libre, un bouquin.

Je me souviens de vacances pluvieuses sur la Côte normande, enfant solitaire avec mes parents. Tous les matins on allait faire les courses, on passait à la bibliothèque, un ou deux livres chacun; on retournait se mettre à l'abri dans notre studio de location, on se couchait au chaud, on passait le reste de la journée à lire. J'avais douze ans, j'ai dévoré tout Agatha Christie. Plus tard j'ai disposé en "poche" l'intégralité de son oeuvre sur les étagères de mes toilettes; ça a beaucoup fait rire ma belle-fille la première fois qu'elle est venue chez moi, elle m'a offert l'autobiographie de l'auteur, j'ai aimé aussi.

A l'adolescence j'ai découvert les classiques, et les valeurs du moment bien oubliées aujourd'hui. Je dévorais tout ce qui me tombait sous la main. Déjà je lisais sous les couvertures, tard le soir, en cachette, le lendemain j'avais des maux de tête épouvantables si je ne m'étais endormie qu'à 4 heures du matin.
Mais une nuit la lampe collée au drap m'a trahie, odeur de brulé et auréole brune. Cette année là j'ai redoublé ma seconde, qui peut affirmer que la lecture favorise de bonnes études?

Aujourd'hui ce sont mes petites filles qui découvrent la lecture. J'ai longtemps espéré qu'elles aussi auraient le virus. Quelle joie cet hiver de voir l'ainée plongée dans un gros bouquin: Harry Potter. Rien de la fête ambiante ne pouvait l'en distraire; elle m'en parle avec passion.


Ecrire, c'est autrechose, il m'y faut un motif.

Quand j'avais quinze ans le téléphone était rare et cher. Avec mes camarades, on s'écrivait. On se voyait tous les jours en classe, mais on s'écrivait, presque tous les jours aussi. Des petits billets ou de très longs, temps volé aux cours ennuyeux. On découvrait et partageait nos idées toutes neuves, nos émois, nos colères... J'ai gardé leurs lettres très longtemps. Un jour j'ai décidé de tout jeter, que mes enfants ne mettent pas la main dessus. Je n'ai pu m'empêcher de lire avant de déchirer; des heures à replonger dans le passé; tout n'était pas si bête...

Ecrire une lettre, une vraie lettre, j'aime encore cela. Quand il y a matière, et un élan du coeur, je délaisse les mails, je prends un stylo. Quel bonheur si l'on me répond!

Ecrire, c'est devenu avec les années écrire de plus en plus mal. Ecrire vite, beaucoup, au boulot, sous la dictée des médecins, à leur rythme. Ca déforme.
Mais pas que ça. Avec l'age j'ai vu l'écriture de ceux que j'aimais, grands parents, parents, perdre de sa sureté, de son caractère, jusqu'aux lettres toutes tremblées que m'envoie mon cousin de quatre-vingt quinze ans. Et je sens déjà moi aussi ma main perdre de l'assurance.

Ecrire pour jouer, avec mes petits enfants, écrire lentement, tout rond, comme à l'école, je suis leur élève et ils me félicitent.

Le trait noir sur un papier blanc...
Le trait blanc sur un papier noir...