lundi 10 novembre 2014

la fillette gouttelette

J'ai passé un été des plus pénibles, j'ai cherché en vain des copines pour jouer. Personne. Le soleil brillait sans cesse, il desséchait tout alentours. Les herbes sur lesquelles j'aime tant me balancer gisaient sur le sol jauni des prairies oubliées. J'ai cru ma dernière heure arrivée. J'étais fripée, déformée. je retrouvais ma jolie forme de goutte seulement le soir quand une légère brise marine venait me caresser la peau. Mais des l'aube la chaleur montait et mes congénères au lieu de me protéger voulaient m'avaler, moi "la fillette gouttelette" je les rafraichissais. Pas de pitié dans ce monde de brutes. Un jour, j'ai du remonter le tuyau d'une fontaine pour échapper à la langue d'un promeneur assoiffé, il tapait avec rage sur la sculpture et léchait la pierre où quelques amies s'étaient attardées. Puis l'automne revînt, la rivière s'est regonflée, elle m'a appelée, je suis sortie de ma cachette et j'ai pu ressauter de pierre en pierre, jouer avec les bulles des poissons, me faufiler dans la mousse. Je riais dans une cascade quand je vis un petit garçon qui écrivait et envoyait ses lettres au ruisseau.
-Méfie toi des courants, des rochers, confie moi plutôt ton courrier, moi je cours sur l'eau, dans l'écume, je porterai tes messages dans de bonnes conditions,ils arriveront à destination sans dommage.
Mais voilà, le pauvre garçon écrivait à l'encre. Dès le premier frôlement les lettres ont bavé et dans ma main transparente tout s'est dilué....les mots à la rivière se sont livrés.
"La fillette gouttelette" ne put jamais porter de lettres, elle pleura tant et tant que de "fillette gouttelette", elle devint étang.