Sur
le boulevard Jean Jaurès à Boulogne sur Seine le 2 septembre 1939
il ne se passa strictement rien. Pas un piéton dans cette rue
commerçante, pas d'enfants à faire du patin à roulettes, les
parents ne voulaient pas. Aucun autobus, ils étaient restés au
dépôt.
Aucun
couple ne déambulait la main dans la main. Pas une goutte de pluie
malgré un ciel très gris, pas de pigeons à becqueter par terre,
ils étaient cachés dans les arbres. Pas de feuilles d'automne qui
se détachaient des branches, pas encore. Pas le moindre souffle de
vent. Même le facteur n'était pas passé. La boulangerie ouverte
vendait quelques baguettes, moins que d'habitude.
Aucune
voiture ne roulait. Aucun coq ne chantait. Le concierge n'était pas
sur le pas de sa porte. La grande affiche du cinéma annonçait un
programme qui ne tentait personne. Devant cette rue sans vie le
confiseur avait baissé son rideau de fer.
A
Boulogne ce jour-là il n'arriva strictement rien. Les habitants étaient
terrés chez eux. A 20h, l'heure du journal parlé, chaque famille
s'était réunie devant le poste de TSF pour écouter ce qui se
passait en Pologne, puis était allée se coucher sans échanger un
mot. Les enfants ne comprenaient pas mais se taisaient aussi, ils
n'osaient pas poser de questions.
Tous
se doutaient, tous savaient que le lendemain il se passerait quelque
chose.