jeudi 14 novembre 2013

End of graff

Bansky sort de la salle de bains, serviette nouée autour de la taille. Il vient de prendre un bain chaud. Sa peau est encore moite et ses cheveux humides. Il s'assoit dans le salon, sort de la cocaïne d'un sachet et se fait un rail en terminant un fonds de whisky. ..
Le téléphone sonne encore et encore mais il ne répond pas. Ses yeux sont tristes et sans expression aucune…
Il se lève et va d'un pas lourd vers la fenêtre qui ouvre d'un coup sec… Le froid le saisit sur tout le corps... il frissonne et regarde dehors.
Il voit des lumières qui  lui font cligner des yeux et les passants aller et venir dans les rues animées . Au-dessous, il y a des  bars, des restaurants, des pubs d'où s'échappent des musiques entraînantes.
Comme il déteste ces couples qui marchent en se tenant par la main et surtout comment il les envie. Ses yeux se perdent dans le vague. Il referme doucement la fenêtre et se retourne. Il marche jusqu'à la table de nuit et allume une cigarette. Soudain le téléphone sonne encore…
 Il regarde autour de lui. Ses yeux s'attardent sur les tableaux zen, les couleurs brunes, taupes et mordorées. Des bouddhas aux doux visages lui sourient. Des drapés blancs immaculés entourent le lit en teck bordé de plantes luxuriantes. La lumière du minibar entrouvert allume son visage triste. Il marche jusqu'au salon. Ses pieds foulent des tapis de coco de couleur beige il  remplit à nouveau son verre d'une longue rasade de whisky qu'il boit d'un trait. La tête lui tourne, il ferme les yeux…
Le téléphone retentit à nouveau… Il regarde l'écran et décroche, c'est elle ...
Le crime
le coupable entre dans la chambre en laissant le dehors faire irruption.
-Allô… Kate ?what's happening ?
Sa voix à l'autre bout du fil se perd et se confond. Bansky qui ne comprend rien à ce qu'elle dit, il n'entend que la peur dans sa voix… Il y entend des sanglots étouffés et surtout cette peur qui l' étrangle . Il essaie de la rassurer… Baby… Tell me… Mais soudain plus rien… Le silence à l'autre bout du téléphone. Des coups secs frappés  le font sursauter… Il se lève et marche tel un automate vers la porte imposante. Il ouvre, elle est là devant lui. Elle ressemble plus à une petite fille perdue qu'à la femme qu'il aime passionnément.
Elle entre en titubant, il croit refermer la porte mais elle se rouvre violemment derrière Kate poussée par la fureur de son amant éconduit qui n'est autre que Pete  Doherty !
Kate tombe à genoux mais il ne voit que son rival face à lui, les yeux injectés de sang, le visage déformé de rage. Pete se jette sur elle et lui assène un coup qui la laisse inanimée .
Bansky reste pétrifié.
Si elle est morte, il veut mourir avec elle.
Il ne sent pas les coups qui pleuvent sur son corps et son visage…
Son bourreau lui enserre la gorge tout en plantant dans les yeux de sa victime son regard  meurtrier.
Il ne se débat pas, il lâche prise.
Pete, le musicien, dans sa fureur finit de lui ôter son dernier souffle de vie en lui crachant au visage.
Bansky tombe, mort.
Kate est là, toujours inanimée. Alors Pete regarde autour de lui et voit une valise entrouverte ainsi qu'un sac rempli de bombes de peinture à graffitis.
Il relève Bansky, l'allonge sur le lit. Il est nu. Artiste perdu mais artiste De quoi ?
Lui même est un artiste connu dans le monde entier. L'autre n'est qu'un imposteur ! Alors dans un sentiment de revanche, Pete le met en scène pour sa dernière représentation telle une statue pétrifiée dans la position de L'homme De Vitruve et recouvre son corps de sa peinture abjecte…
Il se retourne, prend Kate dans ses bras,  poupée de chiffon.
 Il pousse la porte et laisse Bansky dans son ultime posture. Il ne sera jamais un maître en son domaine, seulement une pâle copie.... L'imposteur d'une vie , l'imposteur de l'amour de la sienne .
Eddy Nash.
Eddy Nash gara sa voiture d'un coup sec devant la devanture de l'hôtel. Plusieurs voitures de police dont les gyrophares clignotaient tel un ballet effréné dans le matin froid de Londres  étaient déjà postées en ligne. Il ouvrit la portière et sortit d'un pas lourd. Ses yeux se levèrent sur les lettres clignotantes de la devanture du Central London Hôtel .
Il observa un moment le va-et-vient de la dense circulation, alluma une cigarette et s'avança vers l'entrée scintillante dans le soleil.
Nash monta directement dans la chambre numéro six. Cheveux en bataille d'un brun roux, barbe naissante sur un visage anguleux et calculateur, Nash  portait un costume sombre d'un bleu froissé, ainsi qu'une chemise au blanc douteux.
Quand Nash arriva dans l'embrasure de la porte de la chambre, il montra son insigne sans jeter un seul regard au policier posté en faction à l'entrée.
Son regard se posa d'emblée sur le cadavre d'un homme allongé sur le lit de la chambre et s'arrêta sur son visage. Son regard perçant s'attardait sur chaque détail. Il semblait figé.
Seul un muscle qui tressaillait sur sa joue montrait sa nervosité. Les allées et venues de ses collègues de travail n'entamaient en rien sa concentration. Il resta là, sur place, au moins de dix bonnes minutes puis d'un coup se dirigea vers le lit.
Son corps longiligne se plia vers le visage d'un homme qui lui paraissait tout à coup familier. Nash était enquêteur depuis huit à dix ans dans une unité spécialisée dans les crimes à  signature particulière. Lui-même ne savait plus chiffrer ces années exactes à traquer des meurtriers dont les crimes étaient les plus odieux et les plus détraqués. La seule certitude qu'il avait, était que c'était un crime particulier vu la mise en scène de la victime .
Il savait aussi que ce n'était pas l'œuvre d'un serial killer étant donné que c'était  la première fois qu'il voyait une telle mise en scène.
Observation faite de la victime, Nash parcourut à petits pas l'étendue de la chambre en regardant chaque indice prospecté par la police scientifique.
 Il se dirigea ensuite vers les affaires personnelles de la victime  et découvrit dans la poche d'une veste posée sur le dos d'une chaise, son portefeuille.
Quelques billets dont un provenant de Madagascar, des feuilles de cigarettes, des photos d'identité en noir et blanc de visages différents dont une, coupé en deux. Certainement des souvenirs... Ceci lui parut intéressant mais ce qui l' intrigua le plus, c'est qu'il n'y ait à l'intérieur du portefeuille aucune pièce d'identité ni permis de conduire. Il chercha encore dans le moindre recoin et en sortit une petite feuille ornée de peintures et de photos qui faisaient la publicité d'un vernissage où était inscrit le nom de Bansky en lettres irrégulières et multicolores.
Son sang ne fit qu'un tour et il se tourna vers la victime. Mais oui, voilà pourquoi son visage ne lui était pas inconnu ! C'était le célèbre et sulfureux Bansky qui était allongé là, devant lui.
Bansky, le grapheur dont on parle et que l'on ne voit jamais.
Il était là, mort devant lui. Il découvrit enfin son visage.
Nash appela d'un geste de la main un policier présent sur les lieux ,celui qui avait interrogé la femme de chambre celle-là même qui avait découvert le cadavre et appelé la police. Elle en était sûre le nom donné à la réception était celui de Morris.
Elle n'avait rien vu ni entendu.
En retournant vers le lit, Nash posa le pied sur quelque chose. Il se baissa et pris dans sa main un médiator de couleur rouge. Cet objet servait à jouer de la guitare. Il connaissait bien ce petit morceau de plastique, lui-même s'en étant servi dans sa jeunesse quand il grattait sa guitare en refaisant tous les morceaux des Beatles avec ses copains de l'époque. Il consigna l'objet dans un petit sachet plastique et tourna les talons pour se diriger vers la sortie.
Il préférait pour l'instant laisser ses collègues chercher les derniers indices. Il en avait assez vu. Il se dirigea vers le gardien afin de lui demander les enregistrements vidéo de la veille.
Clé USB en poche, Nash sortit de l'hôtel, ralluma une cigarette, traversa la rue et monta dans sa voiture.
Direction le commissariat. Là, il espérait pouvoir assembler toutes les pièces du puzzle et ainsi pouvoir avancer sur cette enquête prometteuse.
Secrètement, il jubilait de pouvoir résoudre ce crime dont la victime était célèbre et provocatrice.
Il espérait bien ainsi avoir sa promotion et sortir de ces crimes dont le visage des victimes le hantaient tous les soirs.
Nash arriva en quelques minutes au commissariat. Il grimpa quatre à quatre les escaliers et marcha d'un pas décidé jusqu'à son bureau. Il regarda sa montre qui indiquait 12:00 passé.
Même s'il n'avait rien mangé qu'une pizza froide depuis la veille au soir devant sa télé il n'avait pas faim. Il était trop excité . il sortit d'un geste la clé USB de sa poche et la glissa dans l'ordinateur. En quelques clics de souris, il était en train de visionner les images de l'hôtel et de ses clients.
Après quelques instants, il vit Bansky entrer d'un pas sûr et léger dans le hall et se diriger vers l'ascenseur accompagné du groom qui faisait glisser les bagages sur un chariot à roulettes dorées.
Puis plus rien. Seul le va-et-vient de quelques anonymes. Un vieux monsieur accompagné de son chien. Une femme l'air hautain dans un tailleur griffé, une autre à l'allure d'une prostituée qui ne resta que quelques minutes, juste le temps d'offrir un plaisir lubrique à un client de passage.
La vidéo tourna encore et encore. Puis plus rien, la nuit.
Jusqu'à ce qu'elle apparaisse telle une madone oubliée. Elle, c'est une femme, pas n'importe quelle femme, La Femme. Elle, c'est Kate Moss. Célèbre mannequin connu dans le monde entier.
Emmitouflée d'une veste de fourrure fauve, elle se dirigea en titubant vers l'ascenseur, téléphone à la main.
Puis plus rien. Une demi-heure. Une heure. Puis le matin et son va-et-vient d'employés divers de clients matinaux. Où était-elle passée ? Par où s'était-elle évaporée ?
Elle n'est ni le gabarit, ni l'étoffe d'une tueuse. Mais si ce était pas elle, qui était-ce ?
Nash courut vers l'ordinateur voisin et tapa le nom de la célèbre top model.il y trouva une adresse ainsi qu'un numéro de téléphone.
Il remit sa veste froissée et repartit à toute vitesse.
Il était maintenant 14:00 et son estomac commençait à se crisper sous l'effet de la faim.
Il alluma une cigarette et fonça vers le domicile de Kate Moss dans sa voiture. Il arriva enfin au bout d'une demi-heure dans un quartier résidentiel. Il se posta devant la porte d'un pavillon cossu et sonna. Il attendit. Fébrile, son pied tapait d'impatience sur le sol. La porte s'ouvrit. Elle faisait face devant lui, lunettes de soleil vissées sur le visage. Il entra sans attendre d'être invité, et plaqua devant ses yeux cachés par des verres noirs sa plaque d'inspecteur.
- Inspecteur Nash, police criminelle.
-Où étiez-vous hier soir entre 0:00 et 6:00 du matin ?
Pas de réponse. Nash planta son regard froid au travers des lunettes noires de la jeune femme et posa une main sur son épaule.
Elle tremblait mais restait sans réponse. Nash la poussa sans ménagement contre le mur et lui passa les menottes. Elles semblaient disproportionnées face à ses minuscules poignets.
-Mademoiselle Moss, vous êtes arrêtée pour le meurtre de M. Bansky… Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. Vous avez droit à un avocat.
Il la tira jusqu'à sa voiture et démarra en trombe. Un silence pesant régnait.
Arrivés au commissariat, à peine sortis de la voiture, les flashs de journalistes crépitaient déjà et les quelques mètres à franchir jusqu'à l'entrée furent difficiles à parcourir tant les journalistes faisaient barrage de leurs appareils et de leurs questions.
Une fois arrivée à la salle d'interrogatoire, la jeune top modèle regarda Nash dans les yeux et lui avoua d'un souffle la vérité.
Comment elle avait connu Bansky, comment il s'étaient aimés passionnément, comment elle  avait quitté Pete Doherty pour lui et comment celui-ci par jalousie et folie l'avait assassiné.
Nash n'avait plus qu'à prendre sa déposition, finir de regrouper les preuves qui s'emboîtaient maintenant comme les pièces d'un puzzle et d'aller arrêter  l'assassin de Bansky.
Nash en était certain maintenant. En plus de tenir son coupable il tenait désormais sa promotion.
Merci Bansky, merci Kate, et surtout merci Pete.
Fini les nuits d'insomnie.