jeudi 14 novembre 2013

La nouvelle

Lorsque je suis arrivée dans cette maison, enfin si on peut appeler ça une maison, il y avait déjà des occupantes, elles étaient de taille, elles ! C’était par une belle et chaude journée du mois de juin, j’arrivais d’Ardèche, frêle et menue, mais bien décidée à faire ma place. Ce jour-là, je voyageais dans un wagon de la SNCF, un corail des années 70, dans son jus. Mon ami m’avait permis un bref transit dans une maison des quartiers chics de Marseille, puis direction la mer et la calanque de la Redonne, quelqu’un avait dit qu’il y faisait chaud ; je ne savais pas vraiment où j’allais. Je passais la première nuit dans une courette avec un repas frugal au cas où je sois malade après mon voyage. Depuis ma litière j’apercevais des légumes, dont certains longilignes, à facettes et surmontés de fleurs jaunes, mais rien à faire, je ne pouvais y accéder, des grillages de protection avaient été placés un peu de partout. Je me contentais des quelques céréales sèches, posées à la volée sur le béton. J’entendais çà et là des paroles qui venaient de derrière une porte. Une femme blonde entra, elle était accompagnée d’un homme avec des cheveux poivre et sel. Elle tenait dans ses mains des coquilles d’œufs de couleurs différentes, elle les déposa derrière le grillage et attendit ma réaction. Je faisais mine de n’avoir rien vu, j’avais déjà mangé des pois chiches et mon appareil digestif avait encore du travail à réaliser. Néanmoins, j’attendais que ces deux personnes referment la porte derrière eux, et j’allais humer la fraîcheur incontestable de ce qui avait été des œufs. Visiblement on devait cuisiner dans cette maison ; prise entre la stupeur et l’angoisse de ce qui pouvait m’arriver dans cette demeure, je décidais de rentrer dans les quatre murs de carton qui me servaient d’abri. La nuit fut longue, les fêtards allèrent se coucher à point d’heure, les lumières s’éteignirent enfin. Quand le soleil se leva, la maison était encore plongée dans le silence. J’entreprenais d’explorer mon enclot, j’avais déjà des intentions, un espace au sec, de la verdure en prime tout autour. Adieu les cages et les marchés, les pontes qui tournent mal dans les virages pris sur les chapeaux de roue pour arriver tôt et avoir la meilleure place. Je passe les détails, suspendue la tête en bas, maltraitée....Soudain, j’apercevais ce qui m’était familier, au saut du perchoir, deux têtes couronnées d’une belle crête rouge vif et de plumes brillantes, témoins d’une bonne santé. C’était bien ça, une poule se profilait derrière les grillages du potager, un seconde descendait dignement sur une planche, me regardant avec mépris. J’avais tout compris, nous allions être voisines, moi dans mon jardin aux mille légumes et elles dans leur prés carré. Je retournais dans mon abri, des chuchotements se faisaient entendre, la même femme accompagnée de mon ami venait me chercher ; heureuse d’aller dans le potager, à l’ombre de la coriandre déjà montée. Puis d’une main, elle me prit par une aile, l’autre empoignant le bréchet. Nous traversions le potager, tout à coup mes espoirs de verdure s’effilochaient.  Je survolais les tomates, les salades….Merde, un poulailler !
Josiane