Je t’écris aujourd’hui parce que
mon stylo glisse bien sur la feuille. Il se balade en faisant de drôles de
dessins. Tout à coup on dirait qu’il veut écrire. Il veut écrire mais moi, je
n’ai rien à dire et je ne sais même pas à qui le dire. Mais ce rien là, ce tout
ou rien, on le sait bien, c’est vraiment trop. Alors voilà, ce tout c’est toi.
Pourquoi toi ? Parce que tu n’es personne, persona, masques, mon ombre, un
autre moi-même, moi, qui ne suis rien ni personne. Merveilleux ?
Douloureux ? Il n’y a pas là matière à réflexion mais reconnais qu’entre
toi qui es tout et personne et moi qui ne suis rien ni personne ça fait du
monde. Je te le dis ça fait beaucoup trop. Alors disons que toi tu es toi et
toi tais toi. D’ailleurs, j’y pense, te voilà aux anges car c’est bien ce que
tu fais le mieux et ce mieux là, pour moi c’est bien le pire. Il est vrai que,
parfois, je t’ai entendu, les mains se sont tendues mais c’était trop tard,
c’était trop loin, c’était pour rien.
Si aujourd’hui tu voulais bien
être quelqu'un, quelqu'un pour moi, quelqu'un pas loin, avec un corps et une voix,
ce serait bien. Parce que là, tu vois, omniprésent et abstrait, on dirait Dieu.
C’est vraiment trop ! Mais pour qui tu te prends ?
Ce stylo est un sorcier. Il ne
veut plus s’arrêter. Vite, je vais le ranger, l’enfermer, le cacher, le casser.
Je vais tout déchirer et les miettes je pourrai les donner à manger à un
serpent à plumes qui en fera peut-être quelque chose.