Lui et Moi
Nos
balades dans les boutiques de fringues – même pas pour moi, mais pour toi qui
ne trouvais pas ta taille, pas ton style, aux U.S.A., disais-tu.
Bruxelles, Avenue Louise – tes taquineries auprès des vendeuses, tes questions sur les matières.
Je
touchais les tissus, humais les odeurs de la moquette au plafond comme on hume
l’air de la campagne, de l’humus de la mousse aux parfums des fleurs et de la
sève des arbres.
Tes
essayages de pantalons avec plein de poches. Tu en avais besoin dans ton
travail et je t’imaginais courant côté cour et côté jardin pour mettre en place
les comédiens, un détail du décor, déposant tes lunettes, sortant ton stylo.
Tes
blousons aussi, taille XXL sans doute – des kakis de toutes sortes sur les
imprimés. Tu n’étais pourtant pas dans l’armée. Et je hume le parfum des
vendeuses. Et je sens le sien,
délicat, exquis. Subitement, je me pose la question : quel est-il ?
Comédien,
que tu la jouais cool ! Quel divertissement j’avais avec toi à ces moments
de partage, d’échanges, juste ponctués par des « Comment trouves-tu,
Anne-Marie ? » Ton rire, quand tu me trouvais juste indécise :
quelle douce mélodie.
Essayages.
Changement de style. Tu revenais toujours au tien : chic et décontracté à
la fois. Toujours chaleureux et drôle : tout ce que j’aime !
Les
vendeuses se dérident. Avenue Louise, ce n’est pas évident. Elles sont un peu
coïncées, ces demoiselles, avant que tu sortes ta Visa ou American Express.
Alors
l’air semble beaucoup plus léger. Les portes s’ouvrent. L’air frais pénètre et
nous prévient de remonter nos cols.
Balade
dans les rues. Rien ne t’échappe. Tu as l’œil du metteur-en-scène. C’est
cocasse. Toutes les scènes de la vie sont drôles.
Une
femme qui retourne à sa voiture parce qu’elle a oublié quelque chose : tu
en fais une scène parodiant Pagnol. C’est d’autant plus cocasse que tu es
Belge, de Liège, et que tu n’as aucun accent – surtout pas celui du Midi. Mais
tes mots sont là pour le décrire.
Juste
un peu sarcastique parfois, sans méchanceté aucune.
La
cigarette, un peu, très peu. L’odeur de ses
Craven, envoûtante – ses doigts autour,
dégageant force et sensualité tout à la fois.
Les
attentions, beaucoup, vraiment beaucoup.
En
riant, il me disait :
« Bon, on va se détendre dans un café. »
Boire
juste ce qu’il faut : un thé avec moi.
Odeurs
de bières, mais juste ce qu’il faut aussi. Le café n’est pas enfumé. C’était
avant l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Mais ici, ça va. Il fait
chaud. L’atmosphère n’est pas pesante. On peut discuter et s’entendre
suffisamment pour qu’il puisse me
raconter son prochain spectacle.
L’écriture,
souvent, sur un petit carnet minuscule où tu notes aussi des petites choses.
Cerveau
en ébullition.
Tes
idées sont là et tu te prépares à de grandes œuvres :
Cinéma,
théatre, comédies musicales.
Te
connaître.
Oui.
Quelle chance j’ai.
…