jeudi 30 mars 2023

Thème au présent et variation

 

Ce matin je vais au boulot, comme d'habitude, mais ma 2CV ne veut pas démarrer. "C'est la batterie" me dit un voisin, "on vous pousse avec un copain en haut de la pente et vous descendez doucement, la voiture va démarrer toute seule. Enlevez bien le frein à main surtout."

Merci messieurs, mais nenni, le moteur ne se met pas en route.

Je me gare là où je peux, au risque d'avoir un PV, et pars au bureau en bus, debout bien sûr, il est plein à craquer.

A peine arrivée je commence à enlever mon manteau mais la chef m'aperçoit : « Non, ne te déshabille pas, tu montes à l'hopital Nord, il y a une urgence. Tu n'as pas de voiture ? Mince ! » Un collègue s'approche : « Je monte à Aix, je te dépose, tu rentreras en bus, le 96, juste devant l'entrée de l'hopital »

Je passe la journée là bas, agacée, l'urgence n'en était pas une, et à midi j'achète un sandwich immangeable avec une bière qui n'en n'a que le nom.

Vers 17h j'ai fini, je remballe mon dossier, enfile ma veste, cours vers l'arrêt du bus. Mince, il pleut , je n'ai pas de parapluie.

J'attends un moment, sur un pied, sur l'autre, bizarre, personne n'attend le bus.

Un homme qui passe par là m'informe qu'il n'y aura pas de bus ; suite à une agression, ils sont tous à l'arrêt.

« Vous pourriez m'accompagner en voiture, monsieur ? Je vous dédommagerai bien sûr »

Je sais que je suis plutôt belle et bien roulée, et que ne ferais-je pas pour rentrer vite.

« Ah, non ma petite dame, moi j'habite ici, je ne vais pas me lancer dans les embouteillages pour vos beaux yeux. Il y a des taxis vous savez, mais quand les bus sont en grève, ils sont pris d'assaut »

Je commence à avoir envie de pleurer en pensant à ma 2CV mal garée. Bon, je vais faire les dix km à pied.

Non, il pleut trop, je pleure trop, je retourne dans le hall de l'hopital, trempée, défaite.

Un infirmier que je connais vaguement m'aperçoit. Ce n'est qu'il soit beau, ni riche, ni costaud, mais je tombe dans ses bras. Mon humidité ne semble pas le gêner. Il est de nuit, il y a une chambre libre dans son service, si je veux m'y réfugier... Pourquoi pas ? Mon mari est en déplacement, je ne vois pas qui appeler au secours. Alors, une chambre à l'hopital, ce n'est pas beau, ça ne sent pas bon, mais il y a un lit, deux même, et il fait chaud. Mon infirmier me promet de m'apporter un bol de la soupe des malades.

Après... ce n'est plus le présent, c'est le futur, alors je ne raconterai pas...

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Ce matin je dois partir au boulot, comme tous les jours

Heureusement j'ai un boulot

Malheureusement il est loin de chez moi

Heureusement j'ai une 2CV

Malheureusement elle est vieille et ne veut plus démarrer ce matin

Heureusement il y a un bus direct

Malheusement il est bondé

Heureusement je descends au terminus sans problème

Malheureusement, à peine arrivée, ma chef m'informe qu'il faut partir travailler

à dix kilomètres de là.

Malheusement je me rappelle que je n'ai pas de voiture

Heureusement un collègue propose de m'accompagner

Malheureusement le boulot qui m'attend est long et ininteressant

Heureusement je peux finir assez tôt et aller m'occuper de ma 2CV

Malheureusement il pleut

Malheureusement les bus sont en grève

Malheureusement personne n'accepte de me raccompagner

Malheureusement j'ai très envie de pleurer

Heureusement un vague collègue s'approche et me prend dans ses bras pour me consoler

Malheureusement j'aurai surement un PV pour le stationnement de ma 2CV, peut-être même est-t-elle à la fourrière

Heureusement mon collègue est chaleureux, il me propose une chambre dans son service à l'hopital et de la soupe

Malheureusement la chambre n'est pas belle et ne sent pas bon

Heureusement le lit est correct et je vais pouvoir dormir

Heureusement, malheureusement mon infirmier entre doucement et s'approche de moi

Heureusement, malheureusement, je ne sais pas encore...


mercredi 29 mars 2023

Chambre 216

Chambre 216, dans l'hôpital où je faisais un stage d'élève infirmière, il y avait un homme d'age moyen, presque toujours allongé, et toujours bougon. Rien n'allait pour lui, oreiller trop mou, matelas trop dur, son de la télé trop bas, déambulateur jamais rangé où il le souhaitait. Il était très gravement malade, nous le savions, pas lui. Il ne le savait pas mais dégageait toute son angoisse par la dureté avec laquelle il nous traitait, nous, les jeunes. On se battait pour ne pas l'avoir en charge, on se précipitait dans les autres chambres. La moins rapide n'avait plus que lui à soigner, lui à toiletter, lui à écouter se plaindre indéfiniment, à crier que nous étions des incapables. Il était très malheureux, mais aucune de nous n'a pu l'amadouer assez pour l'aider à supporter sa souffrance. Chambre 216, je vois encore la petite plaque sur la porte, portant ce numéro.