Il jouait souvent près du puits, à
côté du cimetière. Je le distinguais de loin lorsque je passais en vélo sur le
chemin pour me rendre à l’école. J’ignorais qui était ce garçon. Je l’enviais
un peu car bien que toujours seul, il semblait très occupé à s’amuser. Il
m’intriguait et je brûlais d’envie de connaitre ses jeux et de me joindre à
lui. Il était tranquille ici, à l’écart du village, près du grand jardin calme.
Le puits aussi m’intriguait. Il semblait abandonné. En tout cas, je n’avais
jamais vu personne y puiser de l’eau et je me demandais à quoi pouvait servir
un puits si ce n’était pour y chercher de l’eau. J’étais sûre que le garçon
saurait répondre à mon questionnement. Il était comme le gardien du puits,
comme il y a des gardiens de phare. Il y semblait si étroitement lié.
Ce jour là en revenant de
l’école, il n’y avait personne près du
puits. Je quittai alors le chemin pour m’en approcher, posai mon vélo au sol et
avançai en espérant trouver quelque élément du jeu qui accaparait tant le garçon.
Je ne trouvai rien que de l’herbe et des cailloux. J’avançai encore et me
penchai au-dessus du puits. L’intérieur était sombre et je n’y vis rien. Il
devait donc être très profond, trop profond pour y aller puiser de l’eau, me
disais-je en scrutant l’obscurité, y
cherchant une vérité.
« Tu veux venir avec
moi ? » interrogea alors une voix que je n’avais jamais entendue
auparavant et que pourtant je reconnue. C’était la voix du garçon qui jouait
près du puits.
Nous partîmes ensemble en
direction du fond du puits. Il n’y faisait pas froid, il n’y faisait pas chaud,
l’air y était doux et nous n’avions pas besoin d’y voir clair car il suffisait
de se laisser porter, comme guidés par le puits. Nous parvînmes tout au fond, où
s’ouvrait une large brèche débouchant sur une plage ensoleillée. Il y avait la
mer avec ses vagues qui roulaient, scintillantes d’étoiles qu’elle venait
déposer sur le sable.
« Comme c’est
beau ! » M’exclamai-je. Je me mis à courir dans les vagues en riant
et les vagues semblaient rire et jouer avec moi, ornant mes cheveux de perles
étincelantes.
Essoufflée, je revins vers la
grève où le garçon murmura dans un sourire : « c’est bien, ici ».
« Alors pourquoi vas-tu
jouer là-haut, près du puits ? » demandai-je ?
« C’est pour faire rêver
les enfants » dit-il, souriant toujours.
Quelqu’un heurta mon bras.
« Tu dors, Louise ? »
J’ouvris les yeux. Je m’étais
endormie sur ma table d’écolière.