samedi 4 avril 2015

Première rencontre

Quand Jean-Yves et Isabelle se sont rencontrés pour la première fois, c'était en fait la septième fois qu'ils se croisaient.
En effet, leurs familles s'étaient retrouvées au même moment sur la même aire d'autoroute à l'été 83, alors que lui allait à La Baule en venant de Nancy, et elle en Bretagne en venant de Clermont-Ferrand. Par un heureux hasard, ils avaient pique-niqué à trois mètres l'un de l'autre, avant de repartir chacun de leur côté.
La seconde fois, c'était dans le métro parisien. Elle étudiait à l'Université, il transitait entre Gare de l'Est et Montparnasse pour rejoindre son régiment. Ils s'étaient tenus dos à dos dans le wagon bondé de la ligne 4, sans jamais vraiment voir le visage l'un de l'autre. Elle était descendue à Saint-Michel tandis que lui faisait semblant d'écouter une blague de ses camarades.
La troisième fois, c'était à Brest. Stationné à la base navale, lui et son régiment faisaient tous les matins leur jogging sur le port. Dans sa voiture, en route vers la résidence secondaire de ses parents en vacances sur la côte, elle les avait regardés passer au pas de course, sans vraiment les voir.
Et puis, en stage dans sa première officine pas très loin de Montparnasse, elle l'avait recroisé, sans s'en rendre compte. Sa collègue l'avait servi pendant qu'elle classait des ordonnances, aussi n'avait-elle eu droit qu'à son dos alors qu'il ressortait de la pharmacie.
Plus tard, devant la synagogue, il avait fait partie des plantons chargés de la sécurité, plan Vigipirate oblige. Là encore, elle avait à peine fait attention à son visage. Lui non plus, tout à sa mission, ne l'avait pas vraiment remarquée.
Au marathon de Paris, sans le savoir, ils avaient pris leur départ à deux mètres l'un de l'autre.
C'est à la fin de la course qu'ils se sont enfin rencontrés. Lui s'était tordu la cheville dans le dernier kilomètre, elle, son semi terminé, avait de la crème à l'arnica dans son sac. Quand ils se sont vus, ils ont eu l'impression de se connaître, comme ils racontent toujours. Pas très étonnant si vous voulez mon avis.