lundi 23 octobre 2017

Ma nuit

"La nuit , tous les chats sont gris", le sien , il s'en moque, il est gris même en plein jour et la nuit il dort sur les pieds de sa maîtresse, au chaud, ses yeux dorés font office d'étoiles dans la chambre aux rideaux tirés. Et oui, la nuit , elle tire les rideaux occultants pour trouver le sommeil et épouser le néant. Vous l'aurez compris, la nuit n'est pas si noire qu'on le dit, il y a la lune qui joue dans les feuillages, les réverbères qui éclairent les allées, les phares des voitures, les enseignes lumineuses et parfois la cigarette d'un insomniaque dans le parc. Il parait qu'il y a aussi un monde de la nuit dans certains quartiers de la ville, celui là , elle ne le connait pas ou si peu. Elle se souvient bien de quelques rires à la sortie de bals, de quelques baisers volés après un repas bien arrosé mais ce qu'elle en connait , elle l'a découvert dans les romans policiers qu'elle a dévorés. Son monde de la nuit se résume aux bougies sur les fenêtres le 8 décembre dans la ville de son enfance.
La nuit n'est jamais tout à fait noire en ville, on éteind plus les lumières, la nature non plus, dans le noir des roches volcaniques coule la lave, dans la nuit du grand nord tombe la neige et dans la profondeur des océans brillent des poissons d'argent. Il faut aller voir les grizzlis dans leur tanière pour rencontrer la nuit. Elle aussi a longtemps cru que la nuit était noire jusqu'au jour où elle est sortie marcher dans la nuit. Là elle a vu des couleurs, elle a senti les couleurs des arbres et de la mousse, elle a découvert la douce lumière de la lune, elle a retrouvé roches et sentiers nimbés d'une clarté apaisée. Et les bruits, distincts, précis, pas de parasite. elle a écouté le brame du cerf, elle a entendu la chouette. La nuit est vivante, elle éveille les sens jusque dans le lit des amants. Et la clairière, elle n'offre pas qu'un bout de ciel mais un champ d'étoiles, un aperçu de l'univers, la nuit ouvre la porte de l'imaginaire.
Certes, il y a les nuits sans lune, les nuits noires où elle croit voir les loups, le loup qui va la dévorer, les nuits où elle a peur de tout, les nuits où les ombres indéfinies figent l'angoisse. Alors elle se souvient des danses qui célèbrent la victoire du matin, elle sait que bientôt le soleil aura rendez vous avec la lune. Elle n'assistera pas aux retrouvailles, elle n'est pas assez matinale.