mardi 13 juin 2017

Patricia

Patricia, jeune femme au physique bien ordinaire rentre chez elle. Elle habite en banlieue , Patricia, dans un petit deux pièces qu'elle a su rendre douillet. Elle ôte ses chaussures à hautes semelles compensées, se démaquille, elle ne sort jamais sans être fardée, un peu à outrance diront certains mais elle a ses raisons Patricia. Le trait d'eye liner un peu trop épais lui donne un regard charbonneux, c'est à cause des lunettes dit elle. Les lèvres épaisses, rouges écarlates sont toujours entr'ouvertes, pour la politesse dit elle.
Pour le moment, elle retrouve son teint naturel, un peu pâle il est vrai, elle enlève le bandeau noir qui retient sa chevelure brune mèchée de rouge. Elle change le tailleur vert pomme contre un jogging orange mais elle ne chausse pas ses baskets, elle ne fera pas de sport ce soir, elle pleure, les larmes coulent sur ses pommettes un peu hautes, son nez en trompette coule, ses épaules menues sont secouées par le désespoir, elle vient d'être licenciée Patricia après quinze ans de services à l'accueil chez Simca.
Elle retrouve son foyer, elle va au marché, elle cuisine, entretien son intérieur, fait un peu de couture, elle ressemble à sa mère sur la photo au dessus du frigo. elle attache ses cheveux pas toujours propres avec un élastique de pot de confitures, sa bouche retombe, ses sourcils ont retrouvé leur épaisseur, elle ne connait plus que les tabliers, fini les chemisiers aux cols amidonnés. L'après midi, elle feuillète  des magazines, elle rêve encore même avachie dans son fauteuil avec ses charentaises. Elle ne se fait plus les ongles mais elle rêve  de sa silhouette quand elle était au bureau, juste à l'entrée, tout le monde pouvait la remarquer.Elle n'était pas très grande mais debout elle faisait son effet et sa poitrine rebondie mettait les hommes en appétit et sa taille de guêpe faisait raller les collègues.
Pourtant, elle était gourmande Patricia, elle l'est toujours mais ses yeux sont plus ternes seule devant son pot de crème.
Avant de jeter sa revue, elle tombe en arrêt devant une pub de glaces. Elle est sauvée. Voilà ce qu'elle va faire, elle va dénicher une charrette, elle est petite mais solide. Elle sera marchande de glaces.
Elle retrouve son enthousiasme et son maquillage, un peu moins prononcé certes, la clientèle ne sera pas la même. Elle change de bandeau, il sera à carreaux, roses et blancs, assorti à la robe aux manches ballon qu'elle a vu dans une vitrine puis elle chaussera des ballerines à carreaux aussi, pas de talons hauts, il faut faire estivale sur les plages. Le vernis, le rouge à lèvre, le fard à paupières, tout est descendu d'un cran dans la palette, elle devra paraitre sage auprès des enfants. Elle connait bien les enfants, plus jeune elle gardait les petits de sa voisine Claudette, on lui avait appris à bien se tenir, elle avait oublié mais ça allait revenir.
Patricia est aimée sur la plage, elle vend des glaces l'été et des frites en hiver, là on ne la reconnait plus sous sa polaire.