La
fraicheur dynamise la montagne. le soleil monte, radieux. La rosée
s'évapore doucement. la brume s'effiloche et libère le chant du
ruisseau. Une légère brise réveille la cime des arbres. Les nuages
imitent les moutons de la pâture et jouent avec les ombres.
L'atmosphère est d'une pureté absolue, tout respire. Les feuilles
secouent les dernières gelées du petit matin. Des cris d'animaux et
les tentes s'entrouvrent
une à une, les fermetures éclair crissent en se relevant, des têtes
ébouriffées apparaissent, des silhouettes s'extraient de leurs
duvêts en s'étirant, en pyjamas, en survêtements.
Un
peu plus loin, Daniel a disposé les branches, dressé un feu entre
deux grosses pierres. Le chocolat chauffe, une odeur sucrée se mêle
au parfum de l'herbe humide. Les enfants s'approchent en criant, en
riant déjà.
Les
moutons soupirent, leur journée sera émaillée de beaucoup de
bruit, les oiseaux s'envolent, s'abritent dans les plus hautes
branches. Ils savent que jusqu'à ce soir la montagne ne leur
appartient plus. Il y aura des jeux, des cris, la fumée du feu de
bois, les chants, tout ce vacarme des petits humains heureux.
La
nuit, heureusement, la nuit, moutons, oiseaux et tous les petits
animaux et insectes invisibles profiteront enfin un peu de la douceur
du ciel étoilé et du chant du ruisseau.
Le
soleil fait ce qu’il peut, il brille au firmament en ce milieu de
journée et pourtant il fait froid, un léger
voile blanc semble absorber la chaleur. La lumière est tamisée,
pâle, les ombres ont disparu.
Cette
journée est une invitation au ralentissement, à la paresse.
Impression d’y voir trouble. Hélène s’étire et baille. Elle
se secoue.
C'est
l'heure, la meilleure heure, après la sieste, pour aller faire
quelques pas dans le fond de cette vallée où elle est née, a vécu
son enfance, et qu'elle a retrouvée avec bonheur à la fin de sa vie
active.
Elle
enfile un anorak, de bonnes chaussures et s'engage doucement dans le
sentier qui est maintenant le but des ses promenades, dont elle
connait chaque arbre, chaque touffe d'herbe et chaque fleur.
Elle
va doucement et tout lui est occasion de halte, d'émotion, de
contemplation. Elle monte, elle monte un peu, ce que ses jambes de
quatre-vingt-dix ans lui permettent, elle veut atteindre le tournant
du chemin là-haut, pour apercevoir encore le clocher de la chapelle
se découper dans le ciel bleu et pour entendre siffler les marmottes
qui se préviennent de son arrivée.
Alors
elle s'assoit sur une pierre et ne bouge plus, ne fait pas le moindre
geste, pour se fondre dans la lumière douce, la humer, y demeurer,
longtemps, éternellement.
Au lever du jour il régnait un brouillard épais, un brouillard rare dans notre région. Les arbres à trois mètres se devinaient à peine. Plus que dans le brouillard on semblait être dans un gros nuage gris. Il faisait très humide mais il ne pleuvait pas. Fabrice s'étira. Il hésitait. Il avait du travail, mais marcher dans le brouillard c'était une expérience si rare en Provence. Il sortit, s'éloigna du pas de la porte, suivit la petite route grise. C'était incroyable, il avait l'impression qu'il aurait pu se perdre. Il marchait dans la grisaille comme dans un paysage vide, et les arbres se devinaient, sortaient de l'ombre quand il les approchait à trois mètres. Au delà, rien, rien que cette humidité grise et légère qui transformait tout. Même lui ne se reconnaissait pas, il ne savait pas quel charme un tel brouillard pouvait exercer sur lui. Il ressentait une impression bizarre, de bonheur et de crainte à la fois. Il avançait. Son chien l'avait suivi, rassurant.