Pauline
est une petite fille bien sage. Elle a neuf ans. Elle habite un petit
village dans le Vaucluse, ses parents sont boulangers, son père
pétrit dès 4 heures le matin, sa mère sert les clients. Pauline
travaille bien à l'école, fait tous ses devoirs avec soin. Mais
elle s'ennuie, elle s'ennuie sans frère ni soeur. Elle s'ennuie
parce que ses parents la surveillent trop et qu'elle n'a pas la
liberté de jouer sur la place et de courir les chemins comme ses
camarades d'école. Alors elle lit, elle lit beaucoup, mais elle rêve
aussi, elle rêve d'aventures et un soir, sur un coup de tête, quand
ses parents sont couchés (un boulanger ça se couche tôt) elle
renfile un pantalon, un pull, saute par la fenêtre et part un peu à
l'aveugle...
Jules le chien est berger. Tous les étés, il garde les moutons que son maître a emmenés dans de gros camions vers les alpages. Mais cette année il a eu un accident, s'est fait heurter par une moto, a une patte cassée. Quand il a préparé le voyage, le maître a dit : « On n'emmène pas Jules, il ne nous servira à rien, il ne peut pas courir. Je le laisse ici, à la ferme, il rendra de menus services, et puis il est vieux, il a bien droit à un peu de repos. » Et le troupeau est parti sans lui, le maître ne lui a même pas dit au revoir, il n'a pas vu les larmes dans ses yeux, les hommes ne savent pas que les chiens pleurent.
Gustave est garde-champêtre, l'un des derniers garde-champêtres en exercice dans les villages. Il sait que quand il aura l'age de la retraite, bientôt, il ne sera pas remplacé, et ça lui crève le cœur. Il a l'impression que dès maintenant il est payé à ne rien faire, qu'il n'est pas utile, même si on lui donne encore des messages à annoncer sur la place après avoir lancé quelques roulements de tambour. C'est de plus en plus rare. Gustave s'ennuie. Il n'a pas de femme, pas d'enfants, pas de petits enfants. Heureusement il aime aller à la pêche, mais l'hiver, que fera-t-il l'hiver ? La télé en continu, quelques coups au bistrot pour parler à d'autres hommes qui s'ennuient aussi ? Gustave évite de penser à l'avenir.
Ce soir-là, un soir de printemps, Paulette est dehors, dans la nuit, pour la première fois de sa vie. Elle a un peu peur mais a l'impression de commencer une grande aventure. Les rues du village ne ressemblent pas à ce qu'elle connaît, la nuit. Elle entend une ombre se rapprocher d'elle, une ombre à quatre pattes, mais une ombre qui boîte. Elle s'arrête, c'est un chien. Elle n'avait pas pensé à cela, elle a peur des chiens. Il s'approche d'elle, il aboie un peu, elle hurle, un hurlement comme elle n'en a jamais poussé.
Il retrouve Jules dans la rue, le regarde, ces deux là se comprennent. Jules va rester ici jusqu'au réveil du boulanger pour être sûr que Paulette ne fera plus de bêtise.
En s'en retournant chez lui tout seul, Gustave pense qu'avec le chien une amitié vient de naître. Et Pauline ? Est-ce qu'elle se souviendra de lui ? Est-ce qu'elle pensera qu'elle a rêvé ?