jeudi 13 février 2014

Marche si tu es fatigué


La mer allait se retirer. Pour quelques heures le passage serait découvert. Il a mis ses bottes, son ciré, dans l'aube il scrute les rochers qui surgissent un à un de l'eau grise. La lumière est verte comme les algues qui tapissent la côte. Il fallait y aller, après ce serait trop tard.
Il s'engage, seul, glissant un peu sur les galets mouillés, les yeux pleins de larmes, de sel, de brume. Là-bas l'ile se découvre. L'ile où il avait laissé son enfance, il y a maintenant longtemps.
Il veut revoir cet endroit où son père l'avait emmené en barque pour une simple partie de pêche, et n'était jamais revenu. Il veut revoir cet endroit où il a attendu et dormi, trois jours et deux nuits lui a -t- on dit, auprès du corps de l'homme qui s'était abattu d'un coup, sans que l'enfant qu'il était puisse comprendre ce qui se passait.
Il veut oublier la suite, l'arrivée des bateaux, des secours, l'affolement des gens qui le séparaient de force du corps de son père, l'emmenaient à l'hopital où il était resté longtemps.
Il veut juste revoir l'endroit, les pierres, l'âme de son père qui y est forcément demeurée. Il avance.
La route est longue, longue, longue, marche si tu es fatigué.