mardi 14 novembre 2017

mon bol

Mon bol, mon cher bol, toi le premier objet du jour qui me donne consistance, avant toi le matin, il y a bien la radio mais ces gens si loin de moi sont abstraits tandis que toi, je te touche, ensemble, on est en prise sur le réel. Avec toi seulement, je m'éveille à la vie, tu me sors du brouillard de la nuit, par la douce chaleur du café que tu gardes à mon gré, tu me fais oublier la journée annoncée. On est tous les deux dans une sorte de sasse entre sommeil et éveil, dans un moment de non être. Tu me maintiens là,  en arrêt sur image en pause dans la course du temps. Je t'ai choisi sans anse pour que ta forme galbée épouse la courbe de mes mains. On est pas dans le raffinement des petits doigts levés des tasses à café de salon, on est plutôt dans les épousailles paysannes, je t'encercle comme un amant posant ses mains sur les hanches de sa belle. Je t'enveloppe, ton arrondi adoucit la raideur de mes doigts au petit matin et quand je suis un peu chagrin, je perds mon regard dans tes dessins, dans tes motifs chinois qui racontent la vie d'autres pays, qui tentent de me délivrer des maximes. Les jours où je ne te crois pas, je bois, à petits gorgées pour reculer le moment de démarrer. Parfois, je te penche un peu pour mieux t'admirer, pour m'imprégner de ces mots de vie et là, je t'entends me murmurer:" attention, tu vas tout renverser".
Il est vrai qu'on passe beaucoup de temps mon bol et moi, le matin. Je l'aime tellement qu'il m'accompagne jusque dans mon fauteuil, là je lis mes mails, je regarde l'horoscope du jour mais il n'aime pas ça, normal je suis obligée de le poser et il n'aime pas perdre le contact, c'est la raison pour laquelle il ne veut pas aller au lave vaisselle, il ne veut pas se mêler aux graisses mais avant tout, il veut que je le caresse, mon bol, il veut être tout seul sous l'eau tiède et se faire grattouiller de mes mains parfumées.
Je le connais si bien, mon bol, que les yeux fermés je pourrais le dessiner.