jeudi 16 novembre 2017

Un jour après l'autre


Dans sa rue, il déambule, il n'a jamais envie de rentrer chez lui.

Chez lui c'est tout petit, sale, sans meuble, froid, mais au moins il y a un toit quand il pleut.

Sur son matelas, par terre, il s'affale et fume clope sur clope tant qu'il en reste dans son paquet.

A l'évier coule un filet d'eau froide, ouf, on ne l'a pas coupée aujourd'hui; il boit dans ses mains, il ne sait plus où il a posé son verre.

Penché à sa fenêtre il se demande s'il va ressortir, où il se sentira moins seul, dans sa piaule, sur le trottoir?

Au fond de la pièce il fouille dans un tas de vêtements, il a envie de mettre son pull-over rouge.

Au dessus de sa tête il entend des enfants galoper et leurs parents s'engueuler, ça résonne dans sa pièce nue.

Il voudrait bien que les enfants viennent galoper chez lui. Il n'ose pas les inviter. Il a acheté un paquet de biscuits pour eux, pourtant.

Quand les voisins se calment il allume sa télé, sans mettre le son pour ne pas les réveiller.

Jusqu'à 1h, 2h, il regarde l'écran s'agiter, muet, ça met des couleurs dans sa tête.

Il dort sans rêve, c'est le meilleur moment, il ne sait plus qui il est.

Le matin, il se lève tôt, 5h, court à la Plateforme du Batiment, quatre kilomètres à pied, ça réveille bien.

Avec d'autres il attend, sur un pied puis l'autre, en espérant une embauche pour quelques heures ou la journée.

S'il travaille il oublie tout, il mangera ce soir ce qu'il aura acheté.

Si la journée est vide, il marche.

Dans les poubelles il y a des trésors qu'il revendra peut-être un jour.

Dans les poubelles il y a toujours assez de nourriture pour la journée, il faut juste prendre ce qu'on trouve, on ne peut pas choisir comme chez l'épicier.

A 14h il entre au bistrot, près de chez lui. Il boit un café, s'il n'a pas de monnaie le patron le sert quand même, il est compréhensif.

Il fait le tour des rues de son quartier, il rencontre parfois un copain.

Il rentre quand la nuit tombe, tard l'été, tôt l'hiver, il a toujours peur qu'on ait muré son squat.

Il ne se pose pas trop de questions. Lui, un jour après l'autre, il connait.