dimanche 1 juin 2014

Marseille


Je suis venue m'installer à Marseille un 15 novembre. J'arrivais de Paris où j'avais toujours vécu. Je ne connaissais les bords de la Méditerranée que pour les vacances d'été: les plages, le soleil écrasant.

J'avais quitté le froid et la pluie un soir vers 23 heures à la Gare de Lyon.
Je débarquais à St Charles vers 9 heures par un soleil resplendissant et doux, un petit fond d'air frais. Je me croyais au printemps et dis aux amis marseillais ébahis qui étaient venus m'accueillir que là, à St Charles, sur le quai, je sentais l'odeur des pins.

Cette année-là, la fin de l'automne fut magnifique, nous avons pu déjeuner en terrasse tous les jours jusqu'à fin décembre. Je n'aimais pas l'automne à Paris malgré le plaisir de faire voler les feuilles mortes sous les pieds, de ramasser les marrons et de les lustrer doucement au fond de ma poche en courant, courant toujours dans les couloirs malodorants du métro ou les boulevards trempés par les averses.
Marseille l'automne, l'hiver, je me croyais au paradis.

Pour Noël j'avais invité deux parisiens qui sont arrivés, sur mes conseils, légèrement vêtus, le 24 décembre au matin; à Marseille, il n'y a pas d'hiver, n'est-ce pas?
Mais ce 24 décembre, d'un coup, le Mistral, le vrai, celui auquel je n'avais pas encore goûté, s'est levé, et la température a chuté de 20°, bon, 15, j'exagère, j'étais déjà marseillaise.
En soirée, après ma journée de travail, nous avons parcouru les rues commerçantes du centre-ville pour préparer notre réveillon. Le vent soufflait à 120 km/h, sifflait sous toutes les portes cochères, transperçant nos vêtements minces de touristes éberlués. Une cheminée est tombée pas très loin, là, devant nous. Nous courions, nous volions de boutique en boutique, nous demandant avec angoisse si nous rentrerions sains et saufs chez moi.
Alors, en Provence, l'hiver existe? Il peut être rude, violent, terrifiant?

Cela fait quarante ans.
Mes amis sont restés parisiens, n'ont jamais voulu croire que Marseille pouvait être un coin de paradis. Ils en parlent encore.
Ils viennent me voir, oui, mais au printemps, quand les collines embaument et ne sont pas encore envahies par la foule de l'été.

Moi, je sais que la ville est diverse, variée, accueillante ou hostile, gaie ou violente. Elle se réserve pour ceux qui l'aiment vraiment et guettent ses merveilles aux quatre saisons.