lundi 19 mars 2018

Des initiales pour une vie


A comme André, un jeune cousin de ma mère. J'ai treize ans, lui vingt-cinq, j'aime qu'il vienne à la maison, qu'il me regarde du coin de l’œil tout en parlant avec mes parents. Je le fixe, il rougit, je lui souris, il se lève, il doit partir. Un jour il n'est plus revenu.

B comme Benoît. Blond frisé, incoiffable, mal fringué, un peu voûté du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, à dix-sept ans. Il me plaît. Je l'apprivoise. Il se détend, on fait de longues promenades dans la forêt. On s'assoit sur la mousse, il m'embrasse, je me serre contre lui. Quand sa main a voulu caresser l'intérieur de ma cuisse, sous ma robe, je me suis levée, j'ai eu peur, j'étais trop jeune. Je suis partie. Je le regrette encore. La vie aurait été différente.

D comme Daniel. Sérieux, ingénieur des mines. Il plaisait à mes parents. Je l'ai épousé, il y a quarante ans. Quatre enfants, dix petits enfants, beaucoup de douceur, beaucoup d'ennui. J'aurais bien aimé devenir médecin mais comment poursuivre de longues études avec quatre enfants ? Je n'ai pas tout raté, le deuxième est chirurgien.

L comme Louis. Un vent de folie qui a soufflé sur un mois de vacances en Grèce. On s'est cachés, on s'est aimés. Il avait aussi une famille. Il nous arrive encore de nous téléphoner.

X comme... X. Je n'ai pas su son nom. Je n'ai pas porté plainte, j'avais honte. C'était dans la rue St Sulpice, un soir tard. Je n'oublierai jamais, cette violence, ce refus de tout mon être. J'emporterai ce secret dans ma tombe.

Y comme Yvonne. Je la trouvais belle, féminine et virile à la fois. Ç'aurait été bête de ne pas essayer. On se rencontre toujours, de temps en temps, dans sa chambre de célibataire sous les toits. Je sais qu'elle reçoit d'autres amies. Ça m'est égal, c'est agréable, cette sensualité secrète dans ma vie de femme rangée.