lundi 26 mars 2018

Je n'étais pas là, mais je m'en souviens

Mon aïeul s'appelle Paul. Paul Cadet.
Il vit une enfance misérable sur une île méditerranéenne et quand sa famille fuit la famine, il est plutôt heureux.
Cet exil les amène bien loin de la Méditerranée. Erreur de GPS sans doute, ils débarquent après de longs mois sur une autre île: La Réunion.
Là, Paul s'épanouit dans les forêts tropicales et apprend à lire grâce à la patronne de son père. Il est curieux, avide de savoir et s'intéresse à tout.
Le jeune homme devient instituteur sur les rives de l'océan. Puis maire d'un minuscule village qui vit de pêche et de chasse, qu'on appellera Saint Paul pour honorer la mémoire de cet homme bon qui a sauvé beaucoup de jeunes de l'illettrisme.
Il fonde une famille avec une habitante du hameau voisin, une mulâtre qui lui donnera de beaux enfants créoles. Une des filles, très belle, est remarquée à Paris où son père l'envoie pour y devenir une femme du monde. Elle s'appelle Joséphine, fréquente la cour et se fait aimer de Monsieur de Bonaparte.
Une autre de ses filles, Honorine, épouse en grandes noces un commandant de la marine qui l'abandonnera avec ses enfants dans l'île qu'a fui ses grand-parents. Retour aux sources. Elle s'en échappera à nouveau et arrivera en Algérie, dans les rues de Maison-carrée, où ma mère est née deux ou trois générations plus tard, avec une peau couleur de miel, des cheveux crépus et un nez épaté.