dimanche 20 décembre 2020

 Libération

Les applaudissements, elle salue, elle sourit, de ce sourire forcé qu’elle ne supporte plus. Encore une heure et ce sera fini, elle sortira. Elle a tout prévu, elle sortira par la porte de derrière, elle passera par l’arrière- cour pour être certaine de trouver une poubelle. Elle les jettera ses patins, elle les recouvrira de cette dernière tenue pailletée, elle ressentira certainement un pincement au creux de la poitrine mais c’est le prix à payer pour sa liberté. Elle partira en courant vers la plage, elle se déchaussera, elle marchera dans le sable, elle laissera ses pieds s’enfoncer, se faire chatouiller, ils ont tant souffert, elle remuera ses chevilles, elle caressera ses orteils meurtris, elle chassera de sa tête ces injonctions quotidiennes : « Reprends, pas assez d’élan, qu’as-tu fait de ta nuit ? Encore une fois, que diable applique toi, tu n’y es pas ! ». Là, elle y sera, elle sautera sans compter ses pas, sans se soucier de toucher le sol à la mesure 33, elle écoutera la musique du vent. Le soir, elle ira au pub avec ses copines, elle boira quelques bières sans se soucier de l’effet sur son régime, elle rentrera au petit matin, elle ne calculera pas ses heures de sommeil. Elle se promènera avec son amoureux, dans son regard, elle oubliera les gestes douteux de son entraineur, ils se baigneront de soleil, plus de chute sur la glace, de la douceur, rien que de la douceur. Elle savourera sa nouvelle vie à la terrasse d’un café, elle aura une petite pensée pour Gérard, elle l’imaginera criant dans les vestiaires, elle a la clef au fond de sa poche.

Quand il sera libéré…il ira…