Bansky sort de la
salle de bains, serviette nouée autour de la taille. Il vient de prendre un
bain chaud. Sa peau est encore moite et ses cheveux humides. Il s'assoit dans
le salon, sort de la cocaïne d'un sachet et se fait un rail en terminant un
fonds de whisky. ..
Le téléphone sonne
encore et encore mais il ne répond pas. Ses yeux sont tristes et sans
expression aucune…
Il se lève et va
d'un pas lourd vers la fenêtre qui ouvre d'un coup sec… Le froid le saisit sur
tout le corps... il frissonne et regarde dehors.
Il voit des
lumières qui lui font cligner des yeux
et les passants aller et venir dans les rues animées . Au-dessous, il y a
des bars, des restaurants, des pubs d'où
s'échappent des musiques entraînantes.
Comme il déteste
ces couples qui marchent en se tenant par la main et surtout comment il les
envie. Ses yeux se perdent dans le vague. Il referme doucement la fenêtre et se
retourne. Il marche jusqu'à la table de nuit et allume une cigarette. Soudain
le téléphone sonne encore…
Il regarde autour de lui. Ses yeux s'attardent
sur les tableaux zen, les couleurs brunes, taupes et mordorées. Des bouddhas aux
doux visages lui sourient. Des drapés blancs immaculés entourent le lit en teck
bordé de plantes luxuriantes. La lumière du minibar entrouvert allume son
visage triste. Il marche jusqu'au salon. Ses pieds foulent des tapis de coco de
couleur beige il remplit à nouveau son
verre d'une longue rasade de whisky qu'il boit d'un trait. La tête lui tourne,
il ferme les yeux…
Le téléphone
retentit à nouveau… Il regarde l'écran et décroche, c'est elle ...
Le
crime
le coupable entre dans la chambre en
laissant le dehors faire irruption.
-Allô… Kate
?what's happening ?
Sa voix à l'autre
bout du fil se perd et se confond. Bansky qui ne comprend rien à ce qu'elle
dit, il n'entend que la peur dans sa voix… Il y entend des sanglots étouffés et
surtout cette peur qui l' étrangle . Il essaie de la rassurer… Baby… Tell me…
Mais soudain plus rien… Le silence à l'autre bout du téléphone. Des coups secs
frappés le font sursauter… Il se lève et
marche tel un automate vers la porte imposante. Il ouvre, elle est là devant
lui. Elle ressemble plus à une petite fille perdue qu'à la femme qu'il aime
passionnément.
Elle entre en
titubant, il croit refermer la porte mais elle se rouvre violemment derrière
Kate poussée par la fureur de son amant éconduit qui n'est autre que Pete Doherty !
Kate tombe à
genoux mais il ne voit que son rival face à lui, les yeux injectés de sang, le
visage déformé de rage. Pete se jette sur elle et lui assène un coup qui la
laisse inanimée .
Bansky reste
pétrifié.
Si elle est morte,
il veut mourir avec elle.
Il ne sent pas les
coups qui pleuvent sur son corps et son visage…
Son bourreau lui
enserre la gorge tout en plantant dans les yeux de sa victime son regard meurtrier.
Il ne se débat
pas, il lâche prise.
Pete, le musicien,
dans sa fureur finit de lui ôter son dernier souffle de vie en lui crachant au
visage.
Bansky tombe,
mort.
Kate est là,
toujours inanimée. Alors Pete regarde autour de lui et voit une valise
entrouverte ainsi qu'un sac rempli de bombes de peinture à graffitis.
Il relève Bansky,
l'allonge sur le lit. Il est nu. Artiste perdu mais artiste De quoi ?
Lui même est un
artiste connu dans le monde entier. L'autre n'est qu'un imposteur ! Alors dans
un sentiment de revanche, Pete le met en scène pour sa dernière représentation
telle une statue pétrifiée dans la position de L'homme De Vitruve et recouvre
son corps de sa peinture abjecte…
Il se retourne,
prend Kate dans ses bras, poupée de
chiffon.
Il pousse la porte et laisse Bansky dans son
ultime posture. Il ne sera jamais un maître en son domaine, seulement une pâle
copie.... L'imposteur d'une vie , l'imposteur de l'amour de la sienne .
Eddy
Nash.
Eddy Nash gara sa
voiture d'un coup sec devant la devanture de l'hôtel. Plusieurs voitures de
police dont les gyrophares clignotaient tel un ballet effréné dans le matin
froid de Londres étaient déjà postées en
ligne. Il ouvrit la portière et sortit d'un pas lourd. Ses yeux se levèrent sur
les lettres clignotantes de la devanture du Central London Hôtel .
Il observa un
moment le va-et-vient de la dense circulation, alluma une cigarette et s'avança
vers l'entrée scintillante dans le soleil.
Nash monta
directement dans la chambre numéro six. Cheveux en bataille d'un brun roux,
barbe naissante sur un visage anguleux et calculateur, Nash portait un costume sombre d'un bleu froissé,
ainsi qu'une chemise au blanc douteux.
Quand Nash arriva
dans l'embrasure de la porte de la chambre, il montra son insigne sans jeter un
seul regard au policier posté en faction à l'entrée.
Son regard se posa
d'emblée sur le cadavre d'un homme allongé sur le lit de la chambre et s'arrêta
sur son visage. Son regard perçant s'attardait sur chaque détail. Il semblait
figé.
Seul un muscle qui
tressaillait sur sa joue montrait sa nervosité. Les allées et venues de ses
collègues de travail n'entamaient en rien sa concentration. Il resta là, sur
place, au moins de dix bonnes minutes puis d'un coup se dirigea vers le lit.
Son corps longiligne
se plia vers le visage d'un homme qui lui paraissait tout à coup familier. Nash
était enquêteur depuis huit à dix ans dans une unité spécialisée dans les
crimes à signature particulière.
Lui-même ne savait plus chiffrer ces années exactes à traquer des meurtriers
dont les crimes étaient les plus odieux et les plus détraqués. La seule
certitude qu'il avait, était que c'était un crime particulier vu la mise en
scène de la victime .
Il savait aussi
que ce n'était pas l'œuvre d'un serial killer étant donné que c'était la première fois qu'il voyait une telle mise
en scène.
Observation faite
de la victime, Nash parcourut à petits pas l'étendue de la chambre en regardant
chaque indice prospecté par la police scientifique.
Il se dirigea ensuite vers les affaires
personnelles de la victime et découvrit
dans la poche d'une veste posée sur le dos d'une chaise, son portefeuille.
Quelques billets
dont un provenant de Madagascar, des feuilles de cigarettes, des photos
d'identité en noir et blanc de visages différents dont une, coupé en deux.
Certainement des souvenirs... Ceci lui parut intéressant mais ce qui l' intrigua
le plus, c'est qu'il n'y ait à l'intérieur du portefeuille aucune pièce
d'identité ni permis de conduire. Il chercha encore dans le moindre recoin et
en sortit une petite feuille ornée de peintures et de photos qui faisaient la
publicité d'un vernissage où était inscrit le nom de Bansky en lettres
irrégulières et multicolores.
Son sang ne fit
qu'un tour et il se tourna vers la victime. Mais oui, voilà pourquoi son visage
ne lui était pas inconnu ! C'était le célèbre et sulfureux Bansky qui était
allongé là, devant lui.
Bansky, le
grapheur dont on parle et que l'on ne voit jamais.
Il était là, mort
devant lui. Il découvrit enfin son visage.
Nash appela d'un
geste de la main un policier présent sur les lieux ,celui qui avait interrogé
la femme de chambre celle-là même qui avait découvert le cadavre et appelé la
police. Elle en était sûre le nom donné à la réception était celui de Morris.
Elle n'avait rien
vu ni entendu.
En retournant vers
le lit, Nash posa le pied sur quelque chose. Il se baissa et pris dans sa main
un médiator de couleur rouge. Cet objet servait à jouer de la guitare. Il
connaissait bien ce petit morceau de plastique, lui-même s'en étant servi dans
sa jeunesse quand il grattait sa guitare en refaisant tous les morceaux des Beatles
avec ses copains de l'époque. Il consigna l'objet dans un petit sachet
plastique et tourna les talons pour se diriger vers la sortie.
Il préférait pour
l'instant laisser ses collègues chercher les derniers indices. Il en avait
assez vu. Il se dirigea vers le gardien afin de lui demander les
enregistrements vidéo de la veille.
Clé USB en poche,
Nash sortit de l'hôtel, ralluma une cigarette, traversa la rue et monta dans sa
voiture.
Direction le
commissariat. Là, il espérait pouvoir assembler toutes les pièces du puzzle et
ainsi pouvoir avancer sur cette enquête prometteuse.
Secrètement, il
jubilait de pouvoir résoudre ce crime dont la victime était célèbre et provocatrice.
Il espérait bien
ainsi avoir sa promotion et sortir de ces crimes dont le visage des victimes le
hantaient tous les soirs.
Nash arriva en
quelques minutes au commissariat. Il grimpa quatre à quatre les escaliers et
marcha d'un pas décidé jusqu'à son bureau. Il regarda sa montre qui indiquait
12:00 passé.
Même s'il n'avait
rien mangé qu'une pizza froide depuis la veille au soir devant sa télé il
n'avait pas faim. Il était trop excité . il sortit d'un geste la clé USB de sa
poche et la glissa dans l'ordinateur. En quelques clics de souris, il était en
train de visionner les images de l'hôtel et de ses clients.
Après quelques
instants, il vit Bansky entrer d'un pas sûr et léger dans le hall et se diriger
vers l'ascenseur accompagné du groom qui faisait glisser les bagages sur un
chariot à roulettes dorées.
Puis plus rien.
Seul le va-et-vient de quelques anonymes. Un vieux monsieur accompagné de son
chien. Une femme l'air hautain dans un tailleur griffé, une autre à l'allure
d'une prostituée qui ne resta que quelques minutes, juste le temps d'offrir un
plaisir lubrique à un client de passage.
La vidéo tourna
encore et encore. Puis plus rien, la nuit.
Jusqu'à ce qu'elle
apparaisse telle une madone oubliée. Elle, c'est une femme, pas n'importe
quelle femme, La Femme. Elle, c'est Kate Moss. Célèbre mannequin connu dans le
monde entier.
Emmitouflée d'une
veste de fourrure fauve, elle se dirigea en titubant vers l'ascenseur,
téléphone à la main.
Puis plus rien.
Une demi-heure. Une heure. Puis le matin et son va-et-vient d'employés divers
de clients matinaux. Où était-elle passée ? Par où s'était-elle évaporée ?
Elle n'est ni le
gabarit, ni l'étoffe d'une tueuse. Mais si ce était pas elle, qui était-ce ?
Nash courut vers
l'ordinateur voisin et tapa le nom de la célèbre top model.il y trouva une
adresse ainsi qu'un numéro de téléphone.
Il remit sa veste
froissée et repartit à toute vitesse.
Il était
maintenant 14:00 et son estomac commençait à se crisper sous l'effet de la
faim.
Il alluma une
cigarette et fonça vers le domicile de Kate Moss dans sa voiture. Il arriva
enfin au bout d'une demi-heure dans un quartier résidentiel. Il se posta devant
la porte d'un pavillon cossu et sonna. Il attendit. Fébrile, son pied tapait
d'impatience sur le sol. La porte s'ouvrit. Elle faisait face devant lui,
lunettes de soleil vissées sur le visage. Il entra sans attendre d'être invité,
et plaqua devant ses yeux cachés par des verres noirs sa plaque d'inspecteur.
- Inspecteur Nash,
police criminelle.
-Où étiez-vous
hier soir entre 0:00 et 6:00 du matin ?
Pas de réponse.
Nash planta son regard froid au travers des lunettes noires de la jeune femme
et posa une main sur son épaule.
Elle tremblait
mais restait sans réponse. Nash la poussa sans ménagement contre le mur et lui
passa les menottes. Elles semblaient disproportionnées face à ses minuscules
poignets.
-Mademoiselle
Moss, vous êtes arrêtée pour le meurtre de M. Bansky… Tout ce que vous direz
pourra être retenu contre vous. Vous avez droit à un avocat.
Il la tira jusqu'à
sa voiture et démarra en trombe. Un silence pesant régnait.
Arrivés au
commissariat, à peine sortis de la voiture, les flashs de journalistes
crépitaient déjà et les quelques mètres à franchir jusqu'à l'entrée furent
difficiles à parcourir tant les journalistes faisaient barrage de leurs
appareils et de leurs questions.
Une fois arrivée à
la salle d'interrogatoire, la jeune top modèle regarda Nash dans les yeux et
lui avoua d'un souffle la vérité.
Comment elle avait
connu Bansky, comment il s'étaient aimés passionnément, comment elle avait quitté Pete Doherty pour lui et comment
celui-ci par jalousie et folie l'avait assassiné.
Nash n'avait plus
qu'à prendre sa déposition, finir de regrouper les preuves qui s'emboîtaient
maintenant comme les pièces d'un puzzle et d'aller arrêter l'assassin de Bansky.
Nash en était
certain maintenant. En plus de tenir son coupable il tenait désormais sa
promotion.
Merci Bansky,
merci Kate, et surtout merci Pete.
Fini les nuits
d'insomnie.