Lorsque je suis arrivée dans cette maison, enfin si on peut
appeler ça une maison, il y avait déjà des occupantes, elles étaient de taille,
elles ! C’était par une belle et chaude journée du mois de juin,
j’arrivais d’Ardèche, frêle et menue, mais bien décidée à faire ma place. Ce
jour-là, je voyageais dans un wagon de la SNCF, un corail des années 70, dans
son jus. Mon ami m’avait permis un bref transit dans une maison des quartiers
chics de Marseille, puis direction la mer et la calanque de la Redonne,
quelqu’un avait dit qu’il y faisait chaud ; je ne savais pas vraiment où
j’allais. Je passais la première nuit dans une courette avec un repas frugal au
cas où je sois malade après mon voyage. Depuis ma litière j’apercevais des
légumes, dont certains longilignes, à facettes et surmontés de fleurs jaunes,
mais rien à faire, je ne pouvais y accéder, des grillages de protection avaient
été placés un peu de partout. Je me contentais des quelques céréales sèches,
posées à la volée sur le béton. J’entendais çà et là des paroles qui venaient
de derrière une porte. Une femme blonde entra, elle était accompagnée d’un
homme avec des cheveux poivre et sel. Elle tenait dans ses mains des coquilles
d’œufs de couleurs différentes, elle les déposa derrière le grillage et attendit
ma réaction. Je faisais mine de n’avoir rien vu, j’avais déjà mangé des pois
chiches et mon appareil digestif avait encore du travail
à réaliser. Néanmoins, j’attendais que ces deux personnes referment la porte
derrière eux, et j’allais humer la fraîcheur incontestable de ce qui avait été
des œufs. Visiblement on devait cuisiner dans cette maison ; prise entre
la stupeur et l’angoisse de ce qui pouvait m’arriver dans cette demeure, je
décidais de rentrer dans les quatre murs de carton qui me servaient d’abri. La
nuit fut longue, les fêtards allèrent se coucher à point d’heure, les lumières
s’éteignirent enfin. Quand le soleil se leva, la maison était encore plongée
dans le silence. J’entreprenais d’explorer mon enclot, j’avais déjà des
intentions, un espace au sec, de la verdure en prime tout autour. Adieu les
cages et les marchés, les pontes qui tournent mal dans les virages pris sur les
chapeaux de roue pour arriver tôt et avoir la meilleure place. Je passe les
détails, suspendue la tête en bas, maltraitée....Soudain, j’apercevais ce qui
m’était familier, au saut du perchoir, deux têtes couronnées d’une belle crête
rouge vif et de plumes brillantes, témoins d’une bonne santé. C’était bien ça,
une poule se profilait derrière les grillages du potager, un seconde descendait
dignement sur une planche, me regardant avec mépris. J’avais tout compris, nous
allions être voisines, moi dans mon jardin aux mille légumes et elles dans leur
prés carré. Je retournais dans mon abri, des chuchotements se faisaient entendre,
la même femme accompagnée de mon ami venait me chercher ; heureuse d’aller
dans le potager, à l’ombre de la coriandre déjà montée. Puis d’une main, elle
me prit par une aile, l’autre empoignant le bréchet. Nous traversions le
potager, tout à coup mes espoirs de verdure s’effilochaient. Je survolais les tomates, les salades….Merde,
un poulailler !
Josiane