dimanche 22 novembre 2020

 Protocole pour Chrystobal

La veille de son départ pour le japon, Georgette dresse la liste des soins à apporter à Chrystobal pendant son absence.

Il sera nécessaire d’accorder une attention particulière à son jardin. Chrystobal déteste les plantes artificielles. Dès les premiers signes de jaunissement, les arbustes devront être changés. Il en va de même pour les éléments de son environnement, quelques agrès seront ajoutés, c’est ainsi qu’il gardera la souplesse de son corps filiforme.

Sa nourriture sera bien dosée, deux pincées par jour, ni plus, ni moins. Il manifestera sa satisfaction par trois bulles montant à la surface. Une vigilance discrète sera demandée pour sa santé mentale. Pour se faire, on accrochera son regard jusqu’au moment du frémissement d’écailles. Il devra être modeste pour éviter tout saut intempestif à l’extérieur.

Sa couleur sera maintenue, en cas de blanchiment, son eau sera changée, on utilisera de l’eau minérale, soyez tranquille, vous serez remboursé. Le volume devra être respecté, un trait repaire est tracé à cet effet. Pas de rayons directs du soleil, en cas de lumière trop forte, les rideaux bleus seront tirés, j’ai bien dit bleus pour lui rappeler l’océan. On comptera les tours de bocal par minute, s’ils faiblissent on chantera : « les petits poissons dans l’eau nagent nagent nagent…aussi bien que les gros », on cessera à la reprise de l’accélération.

Surtout, on éloignera le chat, je ne voudrais pas retrouver une arête. On le chassera même si nécessaire, il faut éviter tout stress qui ferait dresser les nageoires plus que d’ordinaire.

Georgette met un point final, s’approche du bocal, dépose un baiser sur le verre, Chrystobal pleure.