samedi 28 novembre 2020

 Re se voir à dîner

 

Marc a invité Pierre et Sophie à dîner. Pierre travaille avec lui, ils sont bons copains et il apprécie aussi Sophie, son épouse. Marc est célibataire et vit seul depuis assez longtemps.

Il cuisine à merveille et ses invitations sont toujours appréciées. Pierre et Sophie sont des habitués.

Mais ce soir, ils ont eu une idée singulière, et pour tenter de donner un coup de pouce au destin de Marc, sans l'avoir prévenu, ils sont venus avec Isabelle, une jeune femme qu'ils apprécient. Si une étincelle s'allumait entre Marc et Isabelle, ils seraient les plus heureux.

Marc est prêt, il a dressé la table pour trois, préparé une des recettes dont il a le secret.   

La sonnette tinte. Marc ôte vite son tablier, ouvre grand la porte et se retrouve interloqué devant trois invités !

« Ça alors, ils auraient pu me téléphoner, il n'y a que trois couverts sur la table ! »

Mais Pierre et Sophie prennent les choses en mains, présentent Isabelle, un peu gênée elle aussi, mettent en avant sa gentillesse et le fait qu'elle était seule ce soir.

Une quatrième chaise apparaît miraculeusement. L'appartement n'est pas grand, la table non plus, mais bien garnie pour l'apéritif, et de petits verres vont tout de suite réchauffer l'atmosphère.

Pierre veut faire parler Marc, c'est lui le maître de maison, mais Marc est inquiet pour la volaille qui mijote au four : la cuisson à point, ça le connaît, mais la bête sera-t-elle assez grosse pour quatre ? Sophie parle avec Isabelle, la met à l'aise. Si Marc n'a pas encore compris, elle a bien deviné, elle, pourquoi ses amis l'ont entraînée là.

Marc tourne le dos, s'occupe de ses casseroles. C'est vrai qu'il a une belle stature, la trentaine sans doute, comme elle, des cheveux en broussailles, un peu dégarnis sur le front, elle aime bien.

Marc vient enfin s'asseoir, les assiettes sont pleines, le fumet est bon, il peut se détendre. Alors il regarde Isabelle et n'en revient pas : c'est la fille qu'il avait remarqué la semaine dernière au jardin du Luxembourg. Assise, elle dessinait sur un carnet de croquis, il était passé  près d'elle. Il aimait bien son trait de crayon, il aimait bien le modelé de ses jambes croisées l'une sur l'autre, son joli décolleté un peu bronzé mais pas provoquant. Il aurait voulu l'aborder, les croquis auraient été un bon motif, mais il n'avait pas osé, satanée timidité qui le paralyse, et ce soir encore...

Isabelle est discrète, elle tourne vers lui un regard clair, un regard à s'y noyer, mais parle peu. Pierre et Sophie se regardent avec inquiétude : comment dégeler ces deux là ?

On mange, c'est délicieux, il y a une très légère musique de fond, du Mozart. Et c'est Isabelle qui se lance : « Vous aimez Mozart ? »

Ah oui, il aime Mozart, il aime la peinture aussi, le dessin, les esquisses. Il aime la discrétion d'Isabelle, ses yeux si bleus, ses cheveux roux en touffes, en broussailles comme les siens. Alors il commence à parler, doucement, elle lui répond et leurs regards se noient.

Ce soir là Pierre et Sophie ont remmené Isabelle, ça ne pouvait pas aller si vite, ça aurait gâché le petit miracle qui venait de se produire.

Mais demain, vers dix-sept heures, Marc se promènera au Luxembourg et il a l'espoir fou, presque une certitude, qu'Isabelle sera installée là et fera quelques croquis.