mercredi 6 mai 2020

Au gré du temps


La fraicheur dynamise la montagne. le soleil monte, radieux. La rosée s'évapore doucement. la brume s'effiloche et libère le chant du ruisseau. Une légère brise réveille la cime des arbres. Les nuages imitent les moutons de la pâture et jouent avec les ombres. L'atmosphère est d'une pureté absolue, tout respire. Les feuilles secouent les dernières gelées du petit matin. Des cris d'animaux et les tentes s'entrouvrent une à une, les fermetures éclair crissent en se relevant, des têtes ébouriffées apparaissent, des silhouettes s'extraient de leurs duvêts en s'étirant, en pyjamas, en survêtements.
Un peu plus loin, Daniel a disposé les branches, dressé un feu entre deux grosses pierres. Le chocolat chauffe, une odeur sucrée se mêle au parfum de l'herbe humide. Les enfants s'approchent en criant, en riant déjà.
Les moutons soupirent, leur journée sera émaillée de beaucoup de bruit, les oiseaux s'envolent, s'abritent dans les plus hautes branches. Ils savent que jusqu'à ce soir la montagne ne leur appartient plus. Il y aura des jeux, des cris, la fumée du feu de bois, les chants, tout ce vacarme des petits humains heureux.
La nuit, heureusement, la nuit, moutons, oiseaux et tous les petits animaux et insectes invisibles profiteront enfin un peu de la douceur du ciel étoilé et du chant du ruisseau.


Le soleil fait ce qu’il peut, il brille au firmament en ce milieu de journée et pourtant il fait froid, un léger voile blanc semble absorber la chaleur. La lumière est tamisée, pâle, les ombres ont disparu.
Cette journée est une invitation au ralentissement, à la paresse. Impression d’y voir trouble. Hélène s’étire et baille. Elle se secoue.
C'est l'heure, la meilleure heure, après la sieste, pour aller faire quelques pas dans le fond de cette vallée où elle est née, a vécu son enfance, et qu'elle a retrouvée avec bonheur à la fin de sa vie active.
Elle enfile un anorak, de bonnes chaussures et s'engage doucement dans le sentier qui est maintenant le but des ses promenades, dont elle connait chaque arbre, chaque touffe d'herbe et chaque fleur.
Elle va doucement et tout lui est occasion de halte, d'émotion, de contemplation. Elle monte, elle monte un peu, ce que ses jambes de quatre-vingt-dix ans lui permettent, elle veut atteindre le tournant du chemin là-haut, pour apercevoir encore le clocher de la chapelle se découper dans le ciel bleu et pour entendre siffler les marmottes qui se préviennent de son arrivée.
Alors elle s'assoit sur une pierre et ne bouge plus, ne fait pas le moindre geste, pour se fondre dans la lumière douce, la humer, y demeurer, longtemps, éternellement.


Au lever du jour il régnait un brouillard épais, un brouillard rare dans notre région. Les arbres à trois mètres se devinaient à peine. Plus que dans le brouillard on semblait être dans un gros nuage gris. Il faisait très humide mais il ne pleuvait pas. Fabrice s'étira. Il hésitait. Il avait du travail, mais marcher dans le brouillard c'était une expérience si rare en Provence. Il sortit, s'éloigna du pas de la porte, suivit la petite route grise. C'était incroyable, il avait l'impression qu'il aurait pu se perdre. Il marchait dans la grisaille comme dans un paysage vide, et les arbres se devinaient, sortaient de l'ombre quand il les approchait à trois mètres. Au delà, rien, rien que cette humidité grise et légère qui transformait tout. Même lui ne se reconnaissait pas, il ne savait pas quel charme un tel brouillard pouvait exercer sur lui. Il ressentait une impression bizarre, de bonheur et de crainte à la fois. Il avançait. Son chien l'avait suivi, rassurant.