vendredi 1 mai 2020

Juillet 1950
Louis et Ginette se marient. L’église est pleine, le curé est content.
Louis se tient debout devant l’autel, il attend sa promise. L’orgue joue, elle arrive au bras de son père, il est fier Léon, Sa Ginette a décroché un bon parti, elle manquera de rien.
Sur les bancs décorés, la famille, les copains, les voisins, ils sont tous là, habillés de neuf, chapotés, tous partagent l’émotion générale.
La cousine Jeanne essuie une larme.
« Quelle est belle Ginette dans sa robe d’un blanc immaculé ! Une vraie reine, elle est rayonnante, elle a une démarche altière, elle respire le bonheur. Et son Louis la regarde amoureusement, il sourit sous sa moustache bien taillée. Quelle chance ! Ils vont avancer dans la vie dans la complicité, ils vont fonder une famille, s’installer dans un nid douillet, ils auront de beaux enfants » Jeanne les envie.
Tante Alice regarde la mariée d’un air déçu, elle a même un rictus au bord des lèvres.
« Quelle naïveté ! Dans quelques mois son Louis aura perdu ce regard langoureux. Dans quelques années il aura des fils, pourquoi des fils ? Allez savoir, une idée d’homme. Il passera ses soirées au café avec ses clients et Ginette repassera les chemises. Elle perdra son sourire dans l’indifférence, elle pliera sous la charge de la maisonnée. Belle petite famille dira le curé aux communions répétées. Et Ginette dans tout ça ? Pauvres filles qui croient au prince charmant. Enfin, elle est aux anges aujourd’hui, je ne vais pas gâcher sa journée ».
Le grand Gaston est heureux mais inquiet devant ce nouveau couple.
« Elle est jolie cette petite mais saura-t-elle tenir son rang ? On fait partie de la bourgeoisie du village maintenant. J’ai bien peur qu’elle n’ait visé que notre fortune. Mon Louis, c’est moi qui l’ai amené à ce statut. Est-ce qu’elle saura tenir sa place en silence comme feu mon épouse. L’amour n’a rien à voir dans cette situation, pour ça il faut se contenter d’une maitresse. Mon Louis il n’a pas compris. Enfin j’espère qu’il ne fera couler les affaires, il ne va tout même pas en faire sa secrétaire. Elle doit être une dame et je ne la vois pas dans ce rôle cette mignone» .
Mr Tixier, le maitre d’école de la laïque, fait les cent pas sur le parvis, pas question d’entrer. Il va saluer les mariés mais il ne comprend pas. Ginette, sa meilleure élève au bras de Louis qui a pour seul mérite l’héritage de l’entreprise.
« Je lui prédisais un autre avenir, je la voyais au moins prendre ma place. Elle a du caractère, j’ose penser qu’elle imposera ses idées, qu’elle n’oubliera pas les ouvriers »
Mme Vaugera, toujours renfrognée passe sur le trottoir d’en face, elle ne tourne pas la tête au son des cloches, elle est fâchée avec tout le village.
« Ils vont jeter des grains de riz, histoire de ma faire tomber. Quel gâchis de nourriture et tout cet argent dépensé pour finir par se tromper et divorcer et puis ces deux- là je les connais pas».
Jules, le frère de Louis, témoin pour l’occasion félicite son aîné, embrasse la mariée, il est confiant.
« Ils vont se sauver d’ici, j’en suis certain. Ils s’aiment profondément. La voiture n’est pas prête pour un simple voyage de noces. Les bagages sont nombreux et bien cachés. Louis a bien dissimulé ses intentions, je suis le seul à être au courant, je l’ai encouragé. Ils vont partir ensemble, ils vont découvrir, ils vont partager le grand frisson, ils sont sur la même longueur d’ondes, ils vont vivre les émotions du monde. Il suffit de surprendre leur regard brûlant, ils sont vivants ! »