jeudi 7 mai 2020

Brouillard

Rien n'est distinct ce matin, la brume enveloppe tout. Une douceur ouatée se répand sur les collines. Elle coiffe les sommets, habillent les arbres d'un voile de fantôme, suspend ses gouttelettes sur les brins d'herbe. Tout est flou, seule la flèche de l'église perce le manteau de coton, un bateau dans les nuages. Une sorte de fumée accompagne la rivière, elle semble vouloir ralentir son cours. Le pont n'a plus de piles, il flotte. Il fait doux, un calme étrange sur la vallée, rien ne parait éveillé, apaisement généralisé. Au bout du chemin, deux lumières diaphanes, le tracteur… 
Le tracteur de Jules, il revient du champ d’en haut sans doute. Il est monté pour la traite. Il doit être l’heure, les vaches n’ont pas besoin d’horloge, elles savent, le Jules, il sait aussi, il les connait ses vaches. Dans cette purée de pois, un son de cloche et il les retrouve. Il peut les appeler par leur nom, si la Grise est devant la barrière, il sait qu’elles sont prêtes. Par tous les temps, elles donnent leur lait. Mais il semblerait que les bidons ne soient pas pleins, on ne voit pas le niveau, on entend un bruit de balancement dans le tracteur. Il ne faudrait pas que Jules ait perdu des bêtes dans ce brouillard. Le tracteur disparait dans le piège de la grisaille. Un tintement de clarine, un souffle, deux cornes, à côté de nous, la Blanchette, perdue. Le troupeau s’est dispersé dans le halo blanchâtre de cette journée d’été. Jules ne dormira pas cette nuit, il attendra la pluie, la pluie qui libérera le ciel de cette gangue inhabituelle. Il pensera à son cheptel:la Blondine,Doucette, la Mignone où sont elles?