lundi 4 mai 2020

Un matin d'été


C’est un matin d’été.                                                                                                                              Il est tôt, la chaleur est encore supportable. C’est un matin étrange, on dirait que le ciel est tombé sur la terre. Brume. Silence. Pas un chant d’oiseau. Juste cette ouate légère qui enveloppe la ville grise. Un jeune homme marche à pas de somnambule au bord de l’Huveaune.

Arrivé au parc Borély, il prend le chemin qui longe le lac artificiel. La fraîcheur sous les houppiers touffus est toute relative, des pelouses alentour s’échappent des lambeaux de brume étouffants qui collent au visage. A l’extrémité du lac, il y a une souche de saule pleureur sur laquelle le jeune homme s’assied. Le saule était magnifique quand il était enfant, l’arbre n’a pas survécu aux fréquents épisodes caniculaires.
Un souffle chaud crispe la surface du lac, se glisse entre les branches des marronniers qui frissonnent comme sous un accès de fièvre. Vertige. Il va se marier dans quelques jours, il devrait être heureux.  C' est certainement la chaleur qui provoque le malaise qui l’a poussé dehors ce matin. Le soleil est haut dans le ciel maintenant, il jette à la surface du lac une lumière brutale qui éclate en milliers de miroirs  aveuglants. Pourquoi a-t-il toujours pensé que le mariage était la pire chose qui pouvait arriver à un homme ? Impression d’être au bord d’un cratère de lave. Fournaise. Fumées. Manque d’air.
Un gros canard blanc sort du lac. Ses pattes font un léger bruit de ventouse sur l’herbe sèche, il se dirige aussi vite que possible vers l’ombre des buissons. Il a raison le palmipède, il faut rentrer, fuir la chaleur, trouver un peu de fraîcheur à l’ombre des volets clos. Malgré la tenaille qui tord les boyaux. Malgré la sueur qui coule dans le dos et brouille la vue. Malgré l’angoisse. L’air crépite en touchant le sol chauffé à blanc de l’esplanade, se transforme en flammes vaporeuses. A travers cet infernal voile vibrant, le monde n’est plus qu’un étrange mirage.