C’est un matin
d’été. Il est tôt, la chaleur est encore supportable.
C’est un matin étrange, on dirait que le ciel est tombé sur la terre. Brume.
Silence. Pas un chant d’oiseau. Juste cette ouate légère qui enveloppe la ville
grise. Un jeune homme marche à pas de somnambule au bord de l’Huveaune.
Arrivé au parc Borély, il prend le chemin qui longe le lac
artificiel. La fraîcheur sous les houppiers touffus est toute relative, des
pelouses alentour s’échappent des lambeaux de brume étouffants qui collent au
visage. A l’extrémité du lac, il y a une souche de saule pleureur sur laquelle
le jeune homme s’assied. Le saule était magnifique quand il était enfant, l’arbre
n’a pas survécu aux fréquents épisodes caniculaires.
Un souffle chaud crispe la surface du lac, se glisse entre
les branches des marronniers qui frissonnent comme sous un accès de fièvre.
Vertige. Il va se marier dans quelques jours, il devrait être heureux. C' est
certainement la chaleur qui provoque le malaise qui l’a poussé dehors ce matin.
Le soleil est haut dans le ciel maintenant, il jette à la surface du lac une
lumière brutale qui éclate en milliers de miroirs aveuglants. Pourquoi a-t-il toujours pensé que
le mariage était la pire chose qui pouvait arriver à un homme ? Impression
d’être au bord d’un cratère de lave. Fournaise. Fumées. Manque d’air.
Un gros canard blanc sort du lac. Ses pattes font un léger
bruit de ventouse sur l’herbe sèche, il se dirige aussi vite que possible vers
l’ombre des buissons. Il a raison le palmipède, il faut rentrer, fuir la chaleur,
trouver un peu de fraîcheur à l’ombre des volets clos. Malgré la tenaille qui
tord les boyaux. Malgré la sueur qui coule dans le dos et brouille la vue. Malgré
l’angoisse. L’air crépite en touchant le sol chauffé à blanc de l’esplanade, se
transforme en flammes vaporeuses. A travers cet infernal voile vibrant, le
monde n’est plus qu’un étrange mirage.