Au
petit matin, Anouchka, échappée de la ferme familiale, marche le
long de la nationale. Des voitures passent, ele a un peu peur, elle
trotte dans l'herbe, sur le bas-côté. Depuis le temps qu'elle avait
envie de savoir ce qu'il y avait là-bas, dans le petit bois qu'elle
apercevait depuis son enclos. Elle tourne la tête pour vérifier que
personne ne la pourchasse, la ferme est déjà loin, petite, si
petite. Elle trotte, elle trotte aussi vite qu'elle peut et enfin
elle arrive sous les arbres.
Que
c'est beau, un arbre, quand on est dessous et que l'on l'observe le
soleil rayonner à travers les branches. Que c'est bon, que c'est
tendre tous ces petits rameaux de printemps. Elle dévore, elle se
régale, prend à peine le temps de mâcher, oublie tout, tout, tout
le reste, la ferme, l'enclos, les autres chèvres vieilles et sans
rêves, le bouc qui la trouve bien trop souvent à son goût.
Elle
a dû dormir un moment, l'ombre se fait sous les arbres, le soleil
s'est couché. Elle est repue. Va-t-elle dormir là?
Soudain
deux yeux brillants la fixent, la clouent sur place. Est-ce Médor,
le chien-loup de la ferme,qui vient la chercher? Cette bête là a un
poil beaucoup plus sombre...