samedi 4 avril 2020

Ca va puer


Nous mettrons tous nos masques et les autres attendront mon signal. Je déclencherai la bombe en criant : » Ca va puer, courrons ! » Nous nous enfoncerons alors dans les galeries sombres et étroites, espérant être plus rapides que le gaz, en espérant surtout qu’il envahirait toute la partie supérieure de la grotte. Nous marcherons longtemps sans nous arrêter, les uns derrière les autres, nos têtes heurtant parfois la roche, nos pieds glissant sur le sol humide. Enfin nous parviendrons à la cavité suivante. Nous contournerons prudemment le petit lac, longeant la paroi et nous agrippant comme nous le pourrons. Et enfin nous pourrons sortir à l’air libre, après avoir gravi un monticule rocailleux masquant presque cette deuxième ouverture.
Pendant notre périple obscur à peine éclairé de nos lampes frontales et alourdi par les combinaisons de protection, les autres, restés à l’entrée de la grotte, s’emploieront à en refermer l’orifice. Ils actionneront le levier de métal issu de la vieille traverse de chemin de fer et feront basculer le rocher devant l’ouverture. Ils la colmateront avec le ciment fraîchement préparé et repartiront, laissant tout le matériel sur place. Ils dévaleront la colline, la contourneront et viendront nous retrouver. Ils nous aideront à bâtir le mur que nous aurons commencé, fermant ce deuxième accès à la grotte maudite.
Tel était le plan. Si tout se passait bien, le Master virus, cantonné dans la partie haute de la grotte serait asphyxié par le gaz mortel et nous en serions débarrassé à jamais. Ses tentacules fibriculaires se désagrégeraient et les virus secondaires mourraient à leur tour très rapidement, privés de leur tête vénéneuse. Nous nous en assurerions en allumant des fumigènes scintillants partout dans la ville, seule détection possible des fibricules normalement invisibles.
Il nous restera alors à reconstruire nos vies, nos villes et nos rêves. Et nous repartirons, rassemblés et unis par un même espoir d’une humanité retrouvée, transformée, savante, lumineuse et paisible.