mercredi 29 avril 2020

Doutes

Elle n'était pas danseuse étoile, elle n'était pas danseuse du tout, n'avait jamais esquissé le moindre pas de valse. Elle n'avait pas les robes pour. Elle n'avait aucune robe. Elle ne s'aimait qu'en pantalons, en jeans moulants. Mais elle ne mettait jamais de baskets, elle n'aimait pas manquer d'élégance. Pourtant elle ne savait pas marcher lentement, déambuler, regarder les vitrines. Elle ne portait pas non plus de chaussures plates, de ballerines, que des talons aiguilles, et ne se tordait jamais la cheville, même en courant .


Ce n'était pas une route, il n'y avait pas de goudron, pas de lignes blanches ou jaunes. Ce n'était pas une rivière, il ne coulait pas d'eau, on pouvait marcher sans se mouiller les pieds. On n' y croisait aucun véhicule, aucun promeneur. On ne savait pas où cela allait, peut-être nulle part. Mais on était irrésistiblement attiré.


Il n'avait pas de poils, pas de plumes, pas d'écailles, pas de nageoires. Il ne courait pas, ne volait pas, ne nageait pas puisqu'il n'y avait pas d'eau. On le distinguait mal, apparaissaient seulement deux yeux jaunes étincelants. On ne savait pas si on devait avoir peur.


Il ne faisait pas soleil, et pourtant il n'y avait aucun nuage. On ne voyait pas le ciel. Il ne faisait pas nuit, on ne voyait pas d'étoiles. On ne savait plus quelle heure il était. Le bruit assourdissant qui avait précédé s'était tû. On ne bougeait pas, on ne parlait pas, on n'osait pas se regarder, d'ailleurs on se voyait à peine. Des haut-parleurs envahissaient l'espace : « Non, non, l'usine nucléaire n'a pas explosé, vous ne courez aucun danger. »